XI

 

Le miroir du mur brillait devant Morane, le reflétant. Il s’en approcha à grands pas, enjambant le corps d’un homme écroulé au centre d’une flaque déjà brune, puis d’un autre dont la tête formait un angle anormal avec le reste du corps.

Quand Bob atteignit le miroir, il leva les deux mains pour les appuyer contre la paroi de métal – qui, logiquement, devait s’ouvrir à ce simple contact –, comme il l’avait fait lorsqu’il était entré là avec Bill, comme les autres l’avaient fait avant lui, il y avait quelques secondes à peine.

Logiquement. Comme si quelque chose pouvait se passer logiquement dans ce monde de cauchemar ! Cette fois, le mur métallique ne glissa pas. Et il sembla même à Bob que l’acier n’avait plus tout à fait la même douceur, la même tiédeur.

— Pas la peine ! lança la voix de Ballantine.

Sans même devoir se retourner, Morane repéra son ami reflété par le miroir. L’Écossais se tenait au pied de l’escalier. Il avait dû confier Juliette Mellery à son fils. Une de ses épaules s’appuyait négligemment à la paroi et il était tellement grand, tellement puissant, qu’il avait l’air, véritablement, de soutenir le mur.

— Pas la peine, répéta le colosse d’une voix tranquille, légèrement vibrante. Le mécanisme est sans doute fichu, maintenant. Plus assez d’énergie pour faire fonctionner ce genre de gadget… Et je dois vous dire que ça ne me fait pas d’la peine ! Un chouette truc… Vrai !…

Morane fit demi-tour, s’éloigna lentement du mur métallique. Au fond de sa gorge montait le goût amer de l’échec.

— Qu’est-ce que tu fais là ? murmura-t-il en s’avançant vers le géant aux cheveux rouges.

Bill haussa les épaules. Même quand il faisait un mouvement aussi simple, il avait l’air de vouloir soulever le monde.

— C’que vous voulez ! grogna-t-il. Suis un grand sentimental, moi… J’allais quand même pas vous laisser descendre tout seul, non ?

Il n’en dit pas davantage. Un petit sourire détendit les lèvres de Bob. Les grandes démonstrations d’amitié, ce n’était pas leur genre.

— On y va ? dit Bill.

Remonter. Quitter ce trou à rats. Oublier l’astronef dont, très bientôt, il ne resterait sans doute plus rien. Exactement comme les autres, là-haut, oublieraient finalement le cauchemar dans lequel ils s’étaient débattus.

— Allons-y ! dit Morane. Tu ne peux pas savoir combien j’ai envie de respirer un peu d’air pur…

— Et de voir le ciel au-dessus de nos têtes, renchérit Bill.

Pour la dernière fois, du moins ils l’espéraient, ils se mirent à grimper les marches usées de l’escalier.

Et, tandis qu’ils remontaient vers la surface, ils demeurèrent à l’affût, tendus, tous les sens en éveil, et cela malgré eux, dans l’attente de quelque chose…

Un bruit. Une explosion…

Quelque chose qui mettrait un point final à cette histoire.

 

 

FIN



[1] Lire, dans la même collection : Les Crapauds de la Mort (Pocket  29) et L’Empreinte du Crapaud (Pocket  30).

[2] Bill fait allusion à l’ouvrage de Wells : L’Île du docteur Moreau.

[3] Il parle le jargon (jars), l'argot.

[4] Lire, dans la même collection : Les Crapauds de la Mort (Pocket  29) et L’Empreinte du Crapaud (Pocket  30).