XII

Juillet-août 1975

 

— Je possède tous ses cahiers, dit Odette. Mitry me les a confiés avant de mourir. Sa bibliothèque, je l’ai laissée. Il avait trop de livres.

Odette et Mitry s’étaient connus plus profondément, plus durablement que Kalya n’aurait imaginé.

— Mitry s’intéressait à l’histoire de nos communautés. Bien qu’orthodoxe, c’est lui qui m’a expliqué la liturgie maronite. Farid avait accepté que nos fils soient élevés selon mon propre culte. Ton oncle était croyant, mais ne pratiquait pas. Sauf durant sa maladie ; il m’accompagnait alors aux offices. Avec l’âge, on se rend compte que la religion c’est important, n’est-ce pas ? Je vais à la messe tous les matins, c’est une chance que la chapelle des Frères soit à deux pas. Et toi, tu es croyante au moins ?

— Je ne saurais pas te dire… Je serais plutôt agnostique.

— C’est quoi « agnostique » ? Encore une autre religion ?

— Pas exactement.

— Tu n’es pas athée au moins ?

— Non plus.

— Ici, la religion prime tout, elle marque toute l’existence.

— Croire est une affaire intime.

— Si tu penses comme ça, alors tu te trompes de pays, de peuple, de contrée !