CE N’ÉTAIT QUE ÇA ?
28 octobre. Constate que je ne me sens
plus « trop vieille ». Serait-ce parce que je prends
systématiquement les devants en disant à qui veut l’entendre que
« je suis une vieille » ? Cette
« coquetterie » toute nouvelle pour moi déclenche
automatiquement chez mon interlocuteur un « Arrête, t’as l’air
d’une gamine » ou alors un fraternel « Bienvenue au
club »… Simple question de point de vue, d’angle d’attaque. Ai
fait de l’âge un allié, et non plus un ennemi. Mais comment est-ce
arrivé ?
Liste des choses à
faire :
- - Ajouter ma date de naissance sur mon CV afin de dissiper tout malentendu avec d’éventuels employeurs.
- - Plancher sérieusement sur cette idée de site, « lestropvieilles.com ».
- - Finir le livre sur tout ce qui m’est arrivé depuis deux mois.
C’est le jour où j’ai reçu un coup de téléphone
d’un groupe de médias qui cherchait une rédactrice en chef pour son
site Internet que tout a basculé. Je ne sais pas ce qui m’a pris.
Alors que la fille m’explique que son entreprise recherche une
journaliste expérimentée pour faire évoluer son site, je lui coupe
la parole, sans réfléchir :
– Avant que vous ne poursuiviez, je tiens à
vous dire que je suis une vieille dans le métier…
La demoiselle, aux anges : Justement, c’est
ça qui nous intéresse.
N’en reviens pas : Dans ce cas…
Et la jeune femme de poursuivre : C’est un
chasseur de têtes que vous avez croisé il y a six mois qui nous a
donné votre nom. Votre expertise, votre parcours nous paraissent
correspondre à nos besoins… Pourrions-nous vous
rencontrer ?
– Une minute, je prends mon agenda. Suis un
peu surbookée en ce moment (il faut toujours être surbookée).
Voilà…
Elle, visiblement très pressée, me propose le
vendredi suivant… Je regarde la page « Friday » de mon
très british Mulburry vierge de tout rendez-vous professionnel
depuis un mois et lui réponds, une petite idée derrière la tête,
que vendredi c’est impossible. Elle me propose le mercredi d’après,
j’accepte, la salue et raccroche.
YES, YES, YES !!!
J’appelle aussitôt Maryna, ma nouvelle alliée
contre le temps :
– Il faut absolument que je te voie cette
semaine. Un rendez-vous boulot… dans quinze jours…
Elle, solidaire et ravie : Tu peux passer
demain à 15 heures ?
Moi, littéralement projetée en haut de
l’affiche : Pas de problème.
– On va les bluffer, tu vas voir…
Je déguste ce « ON » avec délice.
J’adore cette nouvelle complicité entre femmes…
Oui, parce que depuis peu, le « on », ou
le « nous », a peu à peu remplacé le « je »
solitaire que j’avais coutume d’utiliser comme si j’étais la seule
à avoir peur de m’éloigner de la Côte Jeune.
Le soir, derrière le bar où je viens de servir des
croque-monsieur à ces messieurs dames, tandis que j’avale des
poireaux vapeur, je submerge François et les enfants d’un flot
ininterrompu de bonnes nouvelles :
– Tu te rends compte, j’ai dit à la nana que
j’étais une vieille, et ça ne lui a fait ni chaud ni froid, au
contraire… J’avais le sentiment d’être… providentielle…
François, prudent : Oui, enfin, ce n’est pas
encore fait.
– Mais on s’en fout, que ça marche ou pas, ce
n’est pas ça le problème.
– C’est quoi alors ?
– Je n’ai plus peur…
Camille, très pédago : Papa, tu sais, c’est
comme moi. J’ai peur de passer du côté des adultes… Maman c’est
pareil mais maintenant qu’elle est passée de l’autre côté du pont,
ça va mieux…
Ethan, qui en oublie les pincettes de rigueur à la
maison depuis quelque temps : Ouais, elle est vieille mais
maintenant c’est bon, elle veut bien…
Moi, méfiante depuis le coup qu’Ethan m’a fait
devant ses profs : Oui, enfin, c’est pas encore tout à fait
ça… Je peux dire que je suis une vieille, mais vous, pas question,
sinon je vous étrangle…
RÉCAPITULONS
Je ne sais pas vous, mais moi je vais boire une
coupette de champagne et trinquer à nous toutes… Parce que mon
petit doigt me dit qu'on n'est pas sorties de l'auberge…