MOI, DES CHEVEUX BLANCS ?
6 octobre. C’est l’apocalypse. Viens d’apercevoir en m’épilant les sourcils de petits cheveux blancs dans ma tignasse habituellement châtaine. Jurerais que ces jeunes pousses n’étaient pas là hier. Me demande s’il y a un Cheveu en chef responsable de cette attaque survenue dans la nuit, décide aussitôt de neutraliser l’ennemi. Au cas où la chasse au poil blanc échouerait, ai acheté une teinture au Monop.
Liste des choses à faire :
  • -  Assurer mon avenir en passant un CAP coiffure.
  • -  Dire à Garance que le casque de cheveux blancs n’est pas une bonne idée.
  • -  Demander à François par texto d’éviter de me parler ce soir de ma nouvelle couleur de cheveux.
Armée d’une pince à épiler, entreprends, grimpée sur le lavabo, de supprimer les intrus, la tête collée contre la glace de la salle de bains. Normalement, je devrais en venir à bout : on ne voit qu’eux, ils sont frisottés alors que j’ai les cheveux raides, et ils sont plus épais que les autres.
Une demi-heure plus tard, j’ai de quoi remplir un album ! Étrangement, il y en a toujours autant sur ma tête. Renonce, les bras ankylosés, à poursuivre l’opération. Sors de leur boîte les mixtures que je viens d’acheter, un mélange châtain « couvrant durablement les cheveux blancs », et me lance dans cette périlleuse entreprise.
À en croire le dépliant, je sortirai de là aveugle si une goutte de produit a le malheur de tomber dans mes yeux, les mains calcinées si je ne mets pas les gants en plastique, chauve si je ne fais pas un test allergie avant de couvrir mon cuir chevelu… Tant pis pour le test. N’ai pas le temps. Il y a urgence. Chasser les importuns avant qu’ils ne se croient chez eux.
Une petite boule au ventre, j’attrape les deux récipients, mélange les contenus, secoue le tout, enduis mes cheveux de ce liquide visqueux marronnasse et me colle un bonnet de douche sur la tête en prenant soin de sortir mes oreilles de là-dedans.
Très choli.
Profite de ces quinze minutes d’attente pour appeler Garance. Une fois mes expériences relatées, elle m’annonce, triomphante :
– Eh bien moi, je suis très contente de mes cheveux en blanc !
– Putain, Garance, je voulais t’en parler, mais qu’est-ce qui t’a pris ? Tout noirs, ça te va tellement bien avec tes yeux verts…
– Ouais, mais aller chez le coiffeur tous les quinze jours, je n’en peux plus…
– Mais pourquoi tu fais pas comme moi, les teintures à la maison, c’est génial et pas cher ?
– Tu rigoles, ce ne sont pas des cheveux blancs, mais des poils de cul que j’ai sur la tête.
– Ah, toi aussi ? Ils n’ont pas la même texture, et frisent à moitié… Et tu crois que mon produit ça va marcher ? Merde, ça y est, faut que j’y aille. Quinze minutes.
– Tiens-moi au courant. Comme tu as les cheveux plus fins, peut-être que ça le fera.
Lâche mon iPhone, me jette dans la salle de bains.
Le lavabo, la baignoire, le mur, le sol… C’est simple, tout est terre de Sienne. Les rebelles ne résisteront pas au traitement, c’est sûr.
Je rince, lave, relave, nettoie toutes les taches au passage, sèche mes cheveux.
Le moment que je redoute ; me regarde dans la glace.
Ne suis pas châtain, mais noir corbeau.
M’approche de la glace. Noir bleuté, plutôt. Ça ne me va pas du tout. Me rapproche encore, et là, j’aperçois les envahisseurs. Toujours aussi vivaces.
Au milieu de cette forêt noire, les abrutis sont bien plus blancs qu’avant.
RÉCAPITULONS
Un coup de chance, nous les filles, nous ne devenons pas chauves.
En revanche, les cheveux blancs, on n’y coupe pas.
Si vous commencez tout juste à les apercevoir et si vous êtes une apprentie chimiste comme moi, vous allez tout essayer avant de vous rendre chez un coiffeur. Teintures professionnelles, eau oxygénée, eau de Javel de la piscine municipale… Personnellement, j’en suis encore là. Et même si les résultats ne sont pas toujours très concluants, je résiste. Lorsque les cheveux blancs prendront le dessus, je me résoudrai à perdre deux heures chez une coiffeuse que je déteste d’avance. Parce qu’elle va me toucher la tête, me mouiller le cou avec son pommeau de douche, me tendre Public et Closer, me parler de ses vacances à Djerba, me dire que mes cheveux sont fourchus, me convaincre de les couper, me faire un clin d’œil en me tendant un miroir pour voir le résultat de dos… Le supplice.
Vos cheveux sont comme ceux de Garance ou Sonia, blancs depuis que vous avez la trentaine. Dans ce cas, le cheveu blanc n’est pas un « signe de vieillissement », mais une « sombre histoire de dépigmentation ».
Vous serez la psychologue, celle qui sait. Votre rôle est tout simple. Lorsque votre bonne copine déboulera catastrophée en vous jetant : « C’est horrible, j’ai des cheveux blancs partout ! », un seul geste de votre part suffira à la calmer : vous baisserez la tête à hauteur de ses yeux, écarterez vos cheveux avec vos doigts pour qu’elle voie vos racines blanches immaculées, puis vous vous redresserez, verrez l’air horrifié de votre amie, mais sourirez quand même : « Ça fait vingt ans que je suis fourrée chez le coiffeur toutes les deux semaines. »
Ensuite, tout est une question de goût.
La méthode casque blanc est une solution : mais il faut pouvoir la porter. Je fais confiance à Garance, elle reviendra à ses cheveux noirs.
Le look mèches ou balayage est sans doute le plus adapté aux cheveux mixtes. Il n’y a qu’à regarder Claire Chazal présenter son journal.
La méthode « mélange subtil » de plusieurs teintes allant du brun au châtain en passant par quelques mèches blondes a son charme également. C’est ce que j’obtiens en mélangeant plusieurs boîtes de teinture que je verse sur des surfaces de mon crâne habilement délimitées au préalable. Ça fait très nature… « Sauvageonne et plus de ton âge », dirait ma mère.