CHAPITRE VIII
La reconstitution de H.I.
— Cal, comme ça c'est bien ?
Entouré d'enfants, Cal donne sa leçon quotidienne de natation. Il y a maintenant une bonne douzaine de garçons et filles qui nagent le crawl et la plupart connaissent la brasse. Chez les adultes, il y a quelques réticences au crawl, venant surtout des habitudes anciennes. En revanche, la brasse a son succès, car, finalement, elle n'exige pas de mouvements très différents de leur barbotage précédent.
— Allonge davantage tes bras, Sirkou, et ce sera très bien.
— N'apprends-tu qu'aux enfants, Cal ?
Le Terrien se retourne pour protester lorsqu'il se fige: Meztiyano!
Son regard s'éclaire, s'illumine et il ouvre la bouche pour lui dire sa joie... Puis le regard se ternit, durcit même...
— Les hommes et les femmes savent quand je leur apprends à nager, dit-il en se détournant.
Les enfants qui braillaient joyeusement, sont surpris par le ton de sa voix. Ils ne l'avaient jamais entendu parler de cette manière et ils se font moins bruyants. Cal a un geste de colère.
— Continuez à nager, lance-t-il avant de faire demi-tour en se dirigeant vers la plage.
Meztiyano l'a suivi, avançant par petits sauts pour rester à sa hauteur.
— Est-ce que tu es fâché contre moi, Cal? Sans répondre, il accélère.
— Qu'ai-je fait, Cal, dit-elle en élevant la voix, réponds-moi au moins.
Il s'arrête sur le sable, la tête baissée, puis la regarde, plus calme.
— Rien, Meztiyano, rien. Comment pourrais-tu m'avoir fait quelque chose, tu es partie le lendemain de mon arrivée au village...
— Pourquoi dis-tu cela? Je ne comprends pas, Cal. - Explique-moi, s'il te plaît.
Elle a un ton chagriné qui le remue, mais sa rancune est trop forte, il a été trop déçu et s'enferme dans son hostilité, agressif.
— Tu ne comprendrais pas, Meztiyano.
Puis il se détourne et avance à grands pas vers le bungalow de Louro, plantant là la jeune fille.
Louro est en train de réparer une lance et lève la tête à son arrivée.
— Ah ! pourquoi n'as-tu pas apporté de ton voyage d'autres lames comme celle de ta lance, Cal, la mienne me semble...
— Je t'ai déjà expliqué, je ne savais pas que les villages du nord ignoraient la fabrication de ces lames.
— Dommage, fait Louro en continuant son travail. Tiens, Meztiyano et Salvokrip sont revenus. Ils ont rapporté de mauvaises nouvelles des villages de l'ouest.
— Quelles nouvelles? demande machinalement Cal en s'asseyant.
— Ils ont été loin, à plusieurs jours de marche. Là-bas, un homme venant de beaucoup plus loin encore, disait que des hommes avançaient vers l'est et détruisaient les villages.
Cal sursaute, regardant son ami.
— Que font-ils?
— Ils tuent tout le monde, sauf les femmes les plus belles, comme les Tocosabs d'autrefois.
— Je n'ai jamais entendu parler des Tocosabs. Qui était-ce ?
Louro relève la tête.
— Oh ! C'est une vieille histoire. Un père m'a raconté que, lorsqu'il était tout enfant, une tribu de guerriers a ravagé la région. Elle a détruit tous les villages du lac et les habitants ont dû fuir en abandonnant tout, pour éviter le massacre.
— Ils n'ont pas combattu?
— Ce n'est pas possible, les Tocosabs sont des guerriers, ils sont...
comment te dire, trop forts, trop bien armés. Personne ne peut leur résister, personne.
— Si cette tribu vient jusqu'ici, que ferons-nous, Louro?
Il lève des yeux étonnés.
— Nous partirons, bien sûr, avant qu'ils n'arrivent. Si nous le pouvons...
Cal ne répond rien. Effectivement, tel qu'il connaît les Vahussis, ils se borneront à fuir. Pas par lâcheté, mais parce qu'ils s'estiment, à juste raison, inférieurs. Ce qui ne leur donnera pas pour autant envie de se renforcer. Ils n'imaginent même pas être capables de résister à un adversaire belliqueux.
— Sais-tu où est Salvokrip?
— Il est allé pêcher... Tu as des projets, Cal ? fait-il après avoir fixé un instant le Terrien.
— Je suis heureux ici, Louro, répond Cal avec force, personne neme fera fuir, personne ne détruira ce
village.
Il se lève et va à la recherche du petit copain de Meztiyano qu'il trouve avec les pêcheurs.
— Salvokrip, lance-t-il du bord, voudrais-tu parler avec moi?
Le gars lève la tête. C'est un très beau gabarit, avec un torse plus large que la moyenne et un visage intelligent. Cal fait un effort pour ne pas lui manifester d'antagonisme. Après tout, ce type est beaucoup plus beau gosse que lui et Mez était libre de choisir. Elle l'est toujours, d'ailleurs! Le grand gars sort de l'eau, curieux de parler à l'étranger dont on dit tant de bien dans le village.
— Asseyons-nous à l'ombre, si tu veux, fait Cal avec un geste de bras.
Le gars hoche la tête en silence.
— Salvokrip, Louro vient de me dire que vous avez entendu parler d'une tribu venant de l'ouest?
— Oui.
— Qu'as-tu appris exactement, je voudrais que tu me dises tout ce que tu sais, et d'abord, où sont-ils pour le moment?
— C'était dans le village le plus lointain. Un homme les avait vus et leur avait échappé. Il a marché vers l'est pendant des jours et des jours, traversant beaucoup de villages et mettant les habitants en garde. Il disait que ces guerriers étaient pires que l'antilope. Ils tuent pour le plaisir, ils gardent les femmes les plus jeunes pour travailler et pour le plaisir. Ils volent la semoule et la nourriture.
— Comment sont-ils?
— Mais... comme nous, enfin ils ont les cheveux clairs, plus que toi, ajoute l'autre d'un ton gêné. Ils ont des lances, mais je ne sais pas pourquoi on dit que ces lances sont mortelles à plus de dix pas! Je ne vois pas comment?
« Des javelots... » , songe Cal. Tout ça est mauvais, apparemment. Il s'agit d'un raid d'une tribu guerrière entraînée au combat et, surtout, motivée. Des conquérants, en somme.
— Et ils ne s'installent nulle part?
— L'homme disait qu'ils voulaient voir le lac-qui-ne-finit-pas.
L'océan ! Dans ce cas, il y a de forts risques pour qu'ils viennent jusqu'ici.
— Sais-tu comment ils avancent? Comment ils combattent?
— Ils avancent... Que veux-tu dire, je ne comprends pas?
— Marchent-ils chaque jour? fait Cal avec un mouvement d'impatience. Est-ce qu'ils ne s'arrêtent jamais? Peux-tu calculer quand ils arriveront ici?
— Oh ! Oui, je crois. Pas avant trois doigts les deux mains, je pense.
Trente jours! C'est peu. Mais ça n'empêche pas les Vahussis de vivre tranquillement, bien qu'ils connaissent certainement tous l'histoire.
Voyons, combien y a-t-il d'hommes ici, une trentaine? Et les autres?
— Combien sont-ils?
— Très très nombreux, répond Salvokrip.
Oui, il ne sait pas! Et d'ailleurs la peur qu'ils inspirent doit faire multiplier leur nombre.
— Étranger, je voudrais te poser une question.
— Je m'appelle Cal, on ne t'a pas dit?
— Si, fait le grand gars en souriant, Meztiyano m'a souvent raconté.
La vache! Et en plus elle parlait de lui à son petit copain ! Il ne sait même pas si cela lui fait plaisir ou le contraire.
— Pourquoi poses-tu toutes ces questions?
— Parce que je n'ai pas l'intention de fuir, mais de les combattre.
Est-ce que ça te fait peur?
— Je ne sais pas, je n'y ai pas réfléchi, répond tranquillement le gars.
Touché! Du coup, Cal l'examine avec plus d'attention.
— Serais-tu capable de rester et de les combattre? insiste-t-il.
— Avec toi?
— Oui ! bien sûr!
Le gars cogite un moment.
— Tu as fait beaucoup de choses, ici... Tu connais bien des choses encore. Si tu crois que nous pouvons repousser cette tribu, c'est que tu as de bonnes raisons. Tu ne veux sûrement pas mourir ; je t'ai vu avec Meztiyano tout à l'heure, ajoute-t-il avec un petit sourire amusé. Alors si tu me convaincs que nous pouvons les battre oui, je resterai avec toi.
Sachant combien la tradition vahussie est hostile à toute forme de combat, Cal apprécie la réponse de Salvokrip qui soutient tranquillement son regard. Oui, ce gars-là n'a pas peur, ou plutôt si, il sait ce qu'est la peur mais il a confiance, ce qui est beaucoup plus fort.
« Cette fois, il m'a eu, pense Cal. Il n'a aucune hostilité à mon égard, il est près à se mettre à mes ordres et il me le dit en face. En fait c'est moi qui me conduis comme un imbécile de Terrien avec cette jalousie idiote. »
— Dans peu de temps, la tribu sera là. Il faut vous préparer très vite, mais d'abord réfléchir. Je vais te demander de rester au village aujourd'hui, nous aurons peut-être à parler. Il faut d'abord que je réfléchisse.
Le gars hoche la tête et va rejoindre les pêcheurs tandis que Cal s'éloigne le long de la plage. Chaque fois qu'il doit réfléchir intensément, Cal éprouve le besoin de marcher. Autrefois, Giuse disait que ses petites cellules grises devaient se trouver dans ses pieds. Giuse... Il y a longtemps qu'il n'y avait pensé. Cela l'amène à songer au laser. Évidemment, ce serait facile d'anéantir les assaillants au laser, mais inexplicable pour les Vahussis, dont le comportement changerait illico. Or, s'il y a une chose qu'il faut surtout éviter, c'est bien la légende de l'Homme-Dieu. Cela représente trop de risques pour l'avenir, avec les interprétations successives et la religion qui s'ensuivraient. C'est tellement inespéré que les Vahussis soient vierges d'idées préconçues, n'aient aucune religion ! Non, il faut qu'ils battent les agresseurs eux-mêmes!
Ce qui leur faudrait, c'est un avantage tel qu'ils surclassent les Tocosabs, s'il s'agit bien de ceux-ci ; une arme, par exemple. Une arme... qui leur évite le corps à corps où ils n'ont aucune chance. Une arme inconnue. Eh bien ! Mais il n'y a qu'à donner un petit coup de pouce ! Voyons, dans l'évolution terrienne, que trouve-t-on avant la p... Bon Dieu! l'arc ! C'est évident ! Les Vahussis sont adroits, ils seront certainement d'excellent archers.
Reste à fabriquer des arcs... et leur apprendre à s'en servir, le tout en un mois. Oui, enfin disons trois semaines pour le cas où les autres seraient en avance. Avisant une petite fille, une de ses élèves, jouant dans l'eau, il l'envoie dire à Salvokrip de le rejoindre chez Louro.
Puis il revient au bungalow au pas de course.
Louro est toujours en train de travailler sur sa lance, avec une moue désabusée.
— Louro, est-ce que tu accepterais de combattre les guerriers?
Saisi à froid, le Vahussi prend son temps pour répondre :
— Si nous restons, nous serons massacrés, Cal, on ne peut pas lutter contre eux.
— D'accord, fait Cal avec un geste de la main, mais imagine que nous ayons une arme qu'ils ne connaissent pas, une arme qui les abattrait... à distance?
— A distance? répète Louro interloqué. Ce n'est pas possible !
— Donne-moi seulement ta réponse en me faisant confiance, si nous pouvions les combattre sans les approcher, disons de plus de trente pas.
— Trente pas?...
— Oui, alors? dit Cal impatienté.
Posant sa lance à terre, l'autre baisse la tête en réfléchissant.
— Moi je combattrai avec toi, fait une voix derrière. Cal se retourne. Sospal, la mère de Louro, le regarde.
— Pas toi, Sospal, refuse Cal.
— Pourquoi pas moi, reprend-elle surprise. Est-ce que tu me prends pour une vieille femme?
Il est vrai qu'elle paraît avoir une quarantaine d'années. Louro n'est pas vieux et elle n'a pas eu une vie éreintante. Cal a eu envie de lui dire : « Parce que tu es une femme », puis il s'est souvenu qu'ici cela ne veut rien dire. En outre une Vahussie a assez de force pour bander un arc, peut-être pas un grand arc normand, mais certainement l'arc assyrien à deux courbures, pour peu qu'il soit possible d'en fabriquer, et cela change tout, parce qu'il y en a des femmes, au village! En comptant les défections, cela devrait tout de même avoisiner une cinquantaine de combattants!
— Et cette arme, où iras-tu la chercher? reprend Louro.
— Nous la fabriquerons ici, du moins nous essaierons. Si nous pouvons en fabriquer suffisamment, resteras-tu?
— Sera-t-elle plus redoutable que ta lance?
— Beaucoup plus. Ma lance ressemble à un bâton d'enfant à côté de cette arme.
— Alors je suis avec toi !
Quelques minutes plus tard, Salvokrip pénètre fugitivement dans le bungalow suivi de Mez dont Cal surprend le regard douloureux.
— Meztiyano restera aussi avec toi, dit Salvokrip, elle a confiance.
Cal tourne les yeux vers elle et reçoit un choc. Les Vahussis ne trichent jamais, les traits de la jeune fille traduisent une telle tristesse... non. Non, n'est pas ça. Plus fort encore! Un sentiment de douleur dont les Terriens ne connaissaient pas l'existence. La douleur morale à l'état pur? On ne résiste pas à cela. Alors, lentement, Cal laisse l'émotion monter à ses lèvres dans un sourire pas très assuré. Doucement, comme un rideau que l'on ouvre, le visage de la jeune fille se détend puis s'illumine.
— Je crois que je sais ce que tu voulais dire tout à l'heure, Cal.
Tsoura t'a appris beaucoup de choses, mais moins qu'elle ne l'aurait souhaité, peut-être?
— Nous en parlerons plus tard, élude doucement le Terrien qui se sent gagné d'une joie violente. Si vous êtes là tous, c'est que vous avez confiance alors écoutez-moi. Je sais que vous aimez connaître le pourquoi des choses, mais si vous exigez des explications à chaque instant, lorsque les guerriers arriveront, nous ne serons pas prêts. Donc, faites un effort pour ne pas poser de question, cela m'aidera... Au cours de mon long voyage, reprend-il, je suis passé dans les villages qui utilisaient cette arme ; nous allons ensemble essayer d'en fabriquer une. D'abord, il faut apporter ici des branches de tous les genres d'arbres que vous trouverez. Je cherche un certain bois et je ne le connais pas. Ramenez donc des branches grosses de deux doigts seulement. Salvokrip, je vais te donner ma hache. Louro prendra mon poignard et j'utiliserai la lame de ma lance. Toi, Sospal, tu vas entreprendre une tâche difficile : il faut que tu te procures beaucoup de fils à tisser. Ensuite, tu en tresseras ensemble un nombre suffisant pour faire un lien gros comme la moitié du doigt de ta petite fille, pas plus gros surtout, et haut comme ton fils Louro. Fais-le le plus vite possible.
Cal s'interrompt pour réfléchir un instant.
— Toi, Mez, tu vas aller faire des entailles à plusieurs arbres à résine, mais sans la recueillir encore ; il faut qu'elle soit fraîche.
Voilà. Maintenant, que chacun se dépêche et revienne ici ensuite.
Tout le monde s'équipe et s'en va. A la porte, Meztiyano s'arrête un instant et pose sa main sur le bras de Cal.
— J'aime que tu m'appelles Mez.
Puis elle fait demi-tour et s'en va en courant, laissant le Terrien immobile.
— Meztiyano te plaît, n'est-ce pas? intervient Sospal de sa voix calme, mais tu ne peux oublier quelque chose, peut-être son voyage avec Salvokrip?
« Sospal-la-futée », songe Cal en souriant sans répondre.
— Tu es différent de nous tous, reprend calmement la mère de Louro. Tu n'as pas les mêmes pensées, tu es plus violent aussi... Mais tu es bon, pourtant. Je me suis interrogée à ton sujet, maintenant je sais. Tu es un étranger, mais tu nous apportes beaucoup et nous t'aimerons... Autant que Meztiyano, ajoute-t-elle en souriant d'un air moqueur. Tu as fait la paix avec elle, alors je vais te dire : son voyage avec Salvokrip était prévu depuis longtemps. Elle avait promis, alors elle est partie. Mais tu t'es fâché. Tu veux tout, toujours, et si tu n'obtiens pas ce que tu veux, tu es fâché. C'est mal. Heureusement, jusqu'ici, ce que tu veux, c'est bien. Mais ne te trompe pas, Cal, car ton esprit est plus faible que le nôtre. Nous savons être heureux, pas toi. Tu ne penses pas comme nous.
Stupéfait, Cal la regarde intensément. Qu'a-t-elle deviné exactement?
— Sospal, commence-t-il d'une voix sourde, est-ce que je serai jamais admis par le village?
— Tu es déjà admis!
— Mais serai-je admis comme un Vahussi?
— Tu n'es pas un Vahussi et tu ne pourras jamais le devenir, Cal, dit-elle avec tristesse.
— Sospal, je voudrais que tu me promettes une chose : dis-moi toujours ce que tu penses, conseille-moi à l'avenir, aide-moi.
— Je suis heureuse que tu me demandes cela. Tu n'es pas un Vahussi, mais tu n'en es pas loin, ajoute-t-elle ironiquement.
*
**
Il y a un monceau de bois, maintenant, devant le bungalow.
Intrigués, des voisins sont venus s'asseoir et commentent tranquillement les événements. La dernière à arriver est Mez.
Cal commence alors à trier les branches. Les arcs, sur Terre, étaient taillés de préférence dans du bois d'if ou d'érable, de noisetier, de frêne ou d'aubépine. Une arme mesurant 2 mètres était capable d'envoyer sa flèche à 220 mètres au moins. Prenant les branches tour à tour, il entreprend de les courber pour en éprouver la robustesse et l'élasticité. Très rapidement, les branches de séquoia, de cèdre, d'arbre-résine cèdent. Il prend alors une branche d'arbre à pain à l'écorce fine, unie et sombre. Elle est dure à cambrer et il doit poser un pied au milieu, l'une des extrémités posée sur le sol, l'autre tenue à deux mains. Et c'est la révélation. Elle atteint, bientôt la demi-circonférence sans céder ! Il y a une lumière de triomphe dans ses yeux, lorsqu'il se redresse sous les regards stupéfaits des Vahussis. Avec son couteau, il épointe alors les extrémités.
Sospal a terminé de tresser la corde. Pourvu qu'elle soit assez solide
! Cal la fixe soigneusement à un bout, fait un nœud coulant à l'autre, et creuse une gorge dans le bois. Puis, aidé de Louro, il courbe le bois et fixe définitivement la corde. Aussitôt il tend l'arc sur une flèche imaginaire et lâche la corde qui siffle ! Il faut déployer un effort important, mais les hommes y arriveront aisément. Les assistants suivent maintenant ses gestes avec passion. C'est le moment de fabriquer une flèche. Il demande qu'on lui apporte une petite branche du bois le plus dur qui existe et quelques plumes d'oiseau.
Le soir, la flèche est prête, l'empennage de plumes a été collé à la résine et la pointe est un morceau d'os taillé. Tout le village est là, assis et silencieux. Cal fait évacuer le bungalow et repousser tout le monde de 50 mètres sous les arbres, puis il s'éloigne à 60 mètres du bungalow dont il vise la paroi. Soigneusement, il bande l'arc, vise un endroit précis à hauteur d'homme, et lâche la flèche.
Un sifflement suivi d'un bruit sourd. La flèche est plantée dans un montant du bungalow, 50 centimètres à droite de l'endroit visé, vibrant encore.
Une clameur immense !
Louro a saisi Cal aux épaules et bredouille :
— Mon frère... mon frère...
Cal se dégage enfin et va voir la flèche, appelant tout le monde auprès de lui.
— Regardez! Vahussis, regardez bien et imaginez un guerrier là...
Il serait mort, maintenant !
Hommes et femmes hochent la tête, excités, et parlent entre eux.
— Si vous voulez suivre mes conseils, quand les guerriers arriveront, tout ce village sera armé ainsi, chaque homme ou femme aura cinquante flèches et même plus, et jamais les guerriers ne pourront entrer ici. Ils seront tués à plus de soixante pas.
Une ovation formidable...