Des frissons agréables accompagnaient ses rêveries, alors qu’une ouate cristalline et étincelante se précipitait inlassablement dans le faisceau de ses phares. Il se remémorait le premier sein caressé, la première main qui plonge dans la dentelle blanche pour conquérir une aréole tendre et suave. Les années se passant ; la même main plongea quelquefois entre un ceinturon dégrafé et un ventre frémissant, à la recherche d’un Graal interdit qui se dérobait ou se donnait dans une cambrure voluptueuse. Une érection se fit sentir au bas du ventre de Manuel, histoire de le sortir de ses phantasmes et de le remettre dans la rigide réalité d’un homme seul abandonné au milieu d’une tempête de neige.
Il était temps de se concentrer sur la route, ou ce qu’il pouvait en deviner, entre les bourrasques soudaines chargées de papillons blancs et les nuages bas laiteux qui se confondaient peu à peu au tapis de sol, blafard, de plus en plus épais. Le moteur hurlait parfois pour passer une plaque de glace ou des congères qui allongeaient leurs langues de neige sur la chaussée. Il devait être à 2 km du Mas et il lui tardait d’arriver, ne préférant pas penser à ce que serait le retour.
Une zone, plus clémente, à l’abri de quelques collines, rendit la conduite plus facile. Des frissons de plaisir l’envahissaient à nouveau, dans la chaleur confortable de son véhicule.
Le jour de ses dix-sept ans, les draps étaient blancs, comme la neige ce soir, quand il serra ce premier corps féminin entièrement nu.
Toutes les impressions suaves des flirts passés se condensèrent dans une étreinte savoureuse ou sa bouche courrait partout, sur les lieux interdits soudainement offerts ensemble.
Comme un papillon frénétique, ses mains, ses lèvres, butinaient là où le désir les attirait.
La voiture fut charmée soudain par un fossé. Manuel, à nouveau en érection, dans ses pensées voluptueuses, avait oublié simplement de braquer à temps.
Le premier contact avec le froid fut saisissant, il avait laissé ses gants sur le siège et il put constater que la neige qui atteignait en ce lieu trente centimètres, n’avait rien du drap de satin, tiède et doux d’après l’amour . La tempête à présent reprenait vigueur à coup de gifles glacées à couper le souffle . Il dut se rendre à l’évidence , la voiture ne sortirait pas seule de ce trou et il restait un bon kilomètre avant d’atteindre le mas perdu. L’humidité des flocons, le froid, les doigts gelés, n’incitaient plus à la rêverie érotique.
Un kilomètre à traîner une valise pleine de science, et de potions pour soulager des souffrances et des maladies. La progression dans la poudreuse pulvérisée et givrée fut très éprouvante. Manuel apprécia bientôt la vision lointaine, des lueurs du Mas des collines blanches.