CHAPITRE XIII
Le cortčge s’organise comme suit : Sirk et Béru coltinent la malle, Pinaud et Gérard les précčdent, moi je ferme la marche.
Nous prenons la sortie qui sert, ,dans le sens contraire, d’entrée des fournisseurs. C’est plus prudent, car l’entrée principale (qui
sert éventuellement de sortie d’apparat) est trčs fréquentée. Certains émirs rentrent déjŕ chez eux pour des raisons diverses.
L’un parce qu’il a oublié de fermer le gaz en partant, un autre parce qu’il veut suivre l’homme du Quinzičme Sičcle ŕ la Télé (on
est en retard au Kelsaltan) et le troisičme parce qu’il a un élevage de chats persans et que ces bętes-lŕ, c’est comme les chiens
de Pathé-Marconi ; ça ne connaît que la voix de son maître.
Donc, profitant de ce que l’animation a lieu devant, nous nous tirons par derričre.
Cette issue (qu’on appelle au palais l’issue des pieds parce qu’elle ne comporte pas de paillasson) est gardée par un poste de
guerriers rébarbatifs.
Ce sont des eunuques de la garde spéciale de l’émir Obolan, qu’on appelle ici la garde Ť Mheurménsrhanpa sť en souvenir de
la bataille Merdave qui permit aux Kelsaltipes de battre les Kambronars.
Les gars dont je vous cause, bien que privés de leurs scapulaires ŕ quetsches, n’ont pas l’air de fillettes. imaginez -des gaillards
de deux mčtres (chacun) avec des moustaches larges comme des pains de deux livres et des yeux si terribles que lorsqu’ils
vous regardent, on se met ŕ faire de la température.
Pinaud et Alcide passent la porte sans encombre, puisqu’ils n’en n’ont pas sur eux. Maintenant, c’est la Gravosse et Sirk qui
s’amčnent. Je vous ai déjŕ parlé de mon petit lutin intime, vous savez ? Le petit mec embusqué dans mon caberlot qui me
tuyaute sur certaines choses dans les circonstances périlleuses. En ce moment, il gratte ŕ ma cellule du dessus et m’annonce
que ça va barder dans si peu de temps que ça barde déjŕ. Effectivement, les deux militaires surveillant la porte se placent en
travers du passage, mitraillette braquée, et d’autres radinent du poste de garde avec des intentions tout pareillement
belliqueuses,
J’ai une suée.
Le gougnafier-chef intervient. Il désigne la malle et enjoint ŕ mes zčbres de la poser ŕterre.
Béru, naturliche, se met ŕ parlementer. Mais les militaires ne comprennent pas le français. C’est Sirk qui prend le relais en
s’efforçant d’avoir l’air dégagé.
- Trahou doua cava farcih ! dit-il.
Et il ajoute cette phrase qui m’impressionne passablement
- Nonobstan béhčncéhi cérapé.
Ça ne lui fait pas plus que si on lui lisait du Claudel, au vaillant gougnafié-chef. Il donne un coup de pied sur la malle et glapit
d’une voix d’eunuque enroué
- Délourdéssa hélčfissa !
Autant dire que nous touchons le fond de l’abîme. Ça sent déjŕ la vase.
Lŕ-bas, Pinaud et Alcide attendent. Je leur fais signe de disparaître. Eux, au moins, ont maintenant une chance de s’en tirer.
Pour ma part je pourrais sortir, notez bien, mais le bon San-Antonio a-t-il jamais laissé un :de ses hommes dans la barbouille ?
- Ça se corse ? je demande ŕ Sirk.
- ils veulent absolument qu’on ouvre.
- Si on piquait un démarrage style Jazy ? propose le Gravos.
- Les balles courent plus vite que toi!
J’ai sur moi un pistolet-mitrailleur piqué aux Russes, et effectivement, Je pourrais l’utiliser, mais ça serait perdue d’avance. Ils
sont au moins vingt gardes en arme, maintenant. A quoi bon en scrafer quelqu’uns puisque les autres nous allongeraient tout
de męme.
- Essayez de faire demi-tour avec la malle, nous verrons bien.
Mes deux lascars chopent les manettes du coffre, mais le gougnafié-chef pose le pied dessus. Il fait un signe ŕ ses sbires. En
dix secondes, Lola est découverte. En apercevant cette beauté dans son écrin, les guerriers ont un mouvement de recul. Ils
viennent de reconnaître la favorite, de leur émir et ça leur colle les jetons. Ils s’attendaient ŕ découvrir un vol, non un rapt.
En moins de temps qu’il n’en faut ŕ un contractuel pour avoir l’air d’un contractuel, nous nous retrouvons face au mur, les bras
levés, avec chacun le canon d’une mitraillette entre les épaules.
C’est l’affairement. Ça crie dans le landerneau. Ça cavale. On se bouscule…
Lola me lance
- Laisse-moi parler, et dis comme moi sinon vous ętes perdus tous les trois !
La garde a prévenu l’émir et Sa majesté Obolan s’amčne, toute réception cessante.
Il est dans une fureur noire. Tellement noire qu’il en est tout blanc, le pauvre lapin. Lola se met ŕ parlementer avec une
véhémence toute féminine. Elle s’exprime en kelsaltipe, et pourtant je pige trčs bien ce qu’elle bonnit ŕ son seigneur.
Il n’est que de voir l’index accusateur qu’elle brandit sur Sirk Hamar et que d’entendre les protestations forcenées de monsieur
le truand pour réaliser qu’elle lui fait porter le bitos. Elle lui cloque tout sur le râble. Et lui se défend comme un perdu.
Que dit-il? That is the point of interrogation. Son systčme de défense m’échappe. J’ignore s’il a la magnanimité de se sacrifier
ou bien au contraire s’il se met ŕ table.
Lorsque la môme Lola et Sirk ont bien vitupéré, l’émir dit quelque chose et on nous entraîne tous dans la salle du petit conseil.
Mon regard croise celui de Lola. Je l’interroge muettement. Elle me fait comprendre qu’Hamar n’a pas parlé de notre mission.
Ça me réconforte quelque peu:
Béru, désenchanté, regarde tomber le crépuscule.
- Je commence ŕ en avoir classe, soupire-t-il, et j’aimerais bien rentrer chez moi!
- Prends un taxi, ricané-je, tu le porteras sur ta note de frais.
- J’ai une idée que c’est mon corbillard, que je porterai sur ma note de frais.
L’émir se tourne vers moi.
- Étranger, m’attaque-t-il, ma favorite -prétend que l’homme qui t’accompagne est un ancien nervi, (Au Kelsaltan, le nervi est un
poisson qui offre de grandes similitudes avec le maquereau de nos rivičres).
- Je l’ignore, Votre Majesté.
Béru, qui reprend espoir, se hâte de débloquer
- Vous savez, mon émir, les prestidigitateurs, c’est comme les bonniches, faut pas chicaner sur leurs certificats, on prend ce
qu’on trouve !
Obolan frappe l’acajou incrusté d’or et de nacre de son burlingue,, (Le burlingue est un meuble kelsaltipe trčs pratique, qui a
sensiblement la forme d’une table et qui sert de bureau).
- Silence ! Ma favorite prétend que c’est cet homme qui l’a expédiée dans mon pays. Il paraîtrait qu’on ne la lui aurait pas payée
et que c’est pour cela qu’il voulait la remporter.
Je hausse les épaules.
- J’ignore tout de cette affaire, Votre Seigneurie.
Re-Béru
- Sa grandeur seigneuriale et majestueuse doit bien se penser que si j’aurais su quoi t’estce qu’il y avait dans la malle, je ne
l’eusse point portée… Je me disais z’aussi qu’elle était bougrement lourde.
Obolan se recueille.
- Etramgers, fait-il, je ne veux pas ternir l’éclat de ces festivités par une sentence sévčre. Obolan-le-Juste, tel est le surnom
qu’on a forcé mes sujets ŕ me donner. Voilŕ ce que je décide : Attendu que ma bien aimée favorite prétend que votre ami le
lutteur et vous ignoriez le contenu du coffré, vous ne serez condamnés qu’ŕ cinquante coups de fouet…
- Chacun ou si on se les partage? questionne le Gravos.
- Chacun! précise Obolan.
Il poursuit
- Attendu que Sirk Isker ne peut fournir la preuve qu’il n’a pas été payé lors de la vente de ma bien-aimée Lola. Attendu qu’il a
voulu se faire justice en l’emmenant de mon palais clandestinement. Attendu qu’il a osé porter la main sur elle, nous le
condamnions ŕ ętre castré, puis empalé, ainsi que l’exige notre loi émiriale.
Sirk pousse un hurlement avant-coureur. Cette fois, y a pas d’erreur, il va s’affaler… Obolan ne lui laisse pas le temps de parler.
- Toutefois, enchaine-t-il, attendu que c’est grâce ŕ Sirk somme toute que j’ai eu le rare bonheur de connaître ma bien-aimée
favorite, je fais grâce en ce qui concerne le supplice du pal.
Ça ne calme pas tellement Sirk qui n’apprécie gučre la premičre partie de, la condamnation.
Vivement, je lui lance
- Ne moufte-pas, mec, sinon ça serait le suppositoire de châtaignier pour tous.
Il pige et, par un prodigieux effort de volonté, se contient.
- Que l’ablation soit effectuée sur-lechamp ! décide l’émir.
Bérurier lčve la main pour demander la parole.
- Dites voir, Majesté, puisque votre Sir est si bon, et puisque c’est la java monstre aujourd’hui, Votre aimable honneur pourrait
pas nous accorder les cinquante coups de marünet avec sursis ? On lui a fait du bon travail ŕ sa séance, non ? Vos invités, si
c’étaient pas des pommes, ont dű ętre joyces.
Obolan est dans ses bons days. Il palpe doucement les cuisses de sa Lola retrouvée. C’est curieux comme les tyrans sont
faibles en amour. Ce zig qui fait tomber les tętes et les noix comme vous laissez tomber deux sucres dans votre café du matin,
est tout bęlant avec sa gosse d’amour.
- Doux Seigneur, gazouille cette friponne, étant donné que ces deux hommes n’ont absolument pas voulu nuire ŕ Votre
Majesté, ne pourriez-vous point les gracier pour l’amour de moi ?
Il lui met une caresse masseuse sur la malle arričre.
- Et que me feras-tu si je leur accorde le sursis ?
Elle se penche ŕ l’oreille d’Obolan ,et lui chuchote des trucs qui font rigoler l’émir.
- Qu’il en soit fait selon ton désir, déclare ce dernier, soucieux de s’assurer une nuit de qualité.
Du coup, je tire Béru par ses basques pour l’inviter ŕ se prosterner comme moi aux pieds du magnanime.
- Grand des grands, psalmodié-je, Gardien des vertus, Rayonnement du pouvoir souverain, Splendeur glorieuse des sables,
Maître incontesté de tous les shahs et de tous les ras d’Aigou et de la périphérie, commandant supręme de l’armée et
-également de la marine et de l’aviation si vous en possédiez un ,bateau et un avion, Commandeur, de la foi, Grand Cordon
Ombilical de l’ordre des Hépatiques; Lumičre des nuits, Chaleur des jours, Abonné ŕ Rustica, Aboutissement du genre humain,
Protégé de Mahomet, Destin des hommes, Vous qui ętes resplendissant comme le soleil et abscons comme la lune, O Mystčre
vivant, Prodige de force et de grâce, Miroir des âanes, International de Rubis…
- Écrase un peu, me souffle le Gros, il va se prendre pour un saint avec un 33 tours lumineux au-dessus de la coiffe !
Mais je poursuis, car les émirs sont élevés au petit lait de louanges et il ne faut jamais hésiter ŕ se munir d’une boite de
superlatifs quand on va chez eux
- … Trésor des sables, Grondement du tonnerre…
Je suis dans l’obligation de m’arręter car des larbins viennent d’entrer précipitamment dans la salle en baragouinant des choses
qui me font froid dans le dos.
A l’oeil carménien que me jette Obolan, je pige aisément qu’on a découvert le pot aux roses. Fallait s’y attendre, ŕ force de
glander sur les lieux du carnage !
Je parie que vous vous y attendiez un peu, les gars, avouez ?
Je vous blague souvent, rapport ŕ votre matičre grise qui fait la colle, mais je sais bien que vous n’ętes pas aussi truffes que
vous en avez l’air.
Il vous arrive de flairer ce qui va se passer un paragraphe ŕ l’avance. Pas toujours, mettons une fois sur cent mille, mais ça
réconforte un auteur. Il a du coup l’impression de s’adresser ŕ des gens normaux, comprenezvous ?
Bon, si vous voulez bien changer le chapitre, je vais vous bonnir la suite. Parce que, la suite, vous ne pouvez pas la deviner. -
Attachez-les sur des chevalets, maintenant ! commande Obolan. Tous les trois! faitIl en désignant également Lola.
Il vient ŕ elle et lui crache au visage.
- Chienne ! l’invective-t-il. A toi aussi, je réserve une mort exceptionnelle. Je te ferai manger par un chacal. Chaque jour on lui
laissera dévorer un morceau de ton corps immonde! Et chaque fois on versera de l’huile bouillante sur ta plaie !
- Monsieur est abonné ŕ Guérir, d’aprčs ce que je crois comprendre, gouaille le Gros, qui réagit toujours bien dans ce genre de
circonstances.
Obolan a également des délices en réserve pour ma Grosse Gonfle.
- Quant ŕ lui, fait-il, vous allez le fixer tout de suite sur une croix de Saint-André AVEC DES CLOUS! Son supplice sera de ne
jamais plus boire ni manger. Il ,est gras et goulu, je veux qu’il ne lui reste plus que la peau sur les os.
Les sbires se jettent sur mon pauvre cher Bérurier. Ils l’écartčlent sur un Ť X ť de bois. L’un des hommes lui tient la main
appuyée contre le chevron tandis qu’un autre, armé d’un clou et d’un fort marteau, s’agenouille prčs de Sa Rondeur.
Mon sang ne fait qu’un tour. Il est impossible ŕ un garçon -de ma trempe et de ma valeur ,de contempler les tourments d’un ętre
cher. Non, je ne peux pas supporter. J’essaie de faire sauter mes liens en bandant mes muscles, mais bien que je sois un
fameux bandeur -de muscles (l’essayer c’est s’en convaincre, mesdames) je
n’y parviens pas. Faudrait, pourtant! Car, je vais vous dire une chose marrante, mes tout petits chérubins, mais aussi Incroyable
que cela puisse sembler, ces tordus ne m’ont pas encore fouillé et je sens toujours dans la poche-pistolet de ma gandoura le
pistolet-mitrailleur.
Un premier coup de marteau. Le sang gicle de la main trouée du Gros.
- Ah! les carnes !
Il est trčs bien, le camarade Béru. Stoďque. Un peu, pâlichon sous sa couche de bronzine, peut-ęte, mais d’une fermeté
édifiante.
Un second coup ! Le clou s’est enfoncé de deux centimčtres. Le raisin pisse comme l’eau d’une tuyauterie crevée. Penché sur
le Mastar, Obolan se repait. Il arrose sa colčre avec le jus de veines des victimes. Tous les tyrans font commak. Ils pensent
pouvoir étancher leur soif, mais ils n’y parviennent jamais car le sang désaltčre ,moins que le Cinzano.
Mon petit lutin rapporteur m’envoie un télégramme en urgent. Il me dit : Ť Vise donc un peu la môme Lola qua, elle, les mains
libres et qui profite de ce que l’attention de l’horrible Obolan est accaparée pour exécuter dans ta direction un mouvement
tournant. Si tu n’es pas la derničre des crępes, mon pote San-A, complčte le Mouvement et présente-toi ŕ elle de dos pour lui
permettre de te délier. ť
Un drôle de futé, mon petit lutin, hein?
Je suis ses instructions ŕ la lettre. D’un regard, j’invite ma Lola ŕ délacer mes liens. Ça se passe aux frais du Gravos. Big
pomme subit un marte qui n’a d’équivalent que celui de Saint Sébastien. Il serre le dentier, Bibendum. Il veut pas gémir. Il se
laissera découper en rondelles s’il le faut, sans donner ŕ ses tortionnaires la satisfaction de l’entendre crier.
Je suis maintenant dans le dos de l’émir. La main tâtonnante de Lola, si experte pour dévaliser les poches de Kangourou, arrive
sur mes poignets ligotés. Elle a un, doigté pharamineux, cette beauté. Un chopin gynécologue, pour vous la préciser
professionnellement.
Soudain je sens que j’ai recouvré ma liberté de mouvements.
Un léger glissement. Ce sont mes liens qui viennent de choir. Je faufile ma main droite dans les plis de ma gandoura. Ah ! la
bonne crosse gaufrée ,du pétard ŕ répétition. Je dégaine, sans que personne ne se soit aperçu de rien. Je vise les deux
crucifixeurs et je crache une demidouzaine de pépins. Ils s’abattent sur le Gros. Lors, j’appuie le canon brillant sur la nuque
d’Obolan.
- A nous deux, Pauvre Crępe, grincé-je. Si tu ne fais pas exactement tout :ce que je vais te dire, je te farcis tellement la cervelle
que ta tęte sera plus lourde que ta saloperie de conscience.
En voyant que je me sers de leur monarque comme bouclier, les gardes n’osent broncher.
- Tu vas leur dire d’arracher ce clou de la main de mon ami. Et qu’ils ne lui fassent pas mal!
Obolan, ,dont je vois les membres faire Ť ŕgla-gla ť, transmet mon ordre. Un garde nanti de tenailles arrache délicatement le
clou. Béru se redresse.
- Dites, Miss Lola, fait-il ŕ la charmante, vous auriez-t-y pas un petit bout de quéque
chose pour (que je me fasse un pansement?
Elle déchire un pan de son voile.
- Merci, dit le Gros.
Il se fait un bandage express et rafle deux mitraillettes aux gardes terrorisés.
- Maintenant, me dit-il, on va pouvoir s’expliquer avec ces fripouilles.
Il saisit un coutelas trčs effilé, tellement effilé que, de profil, la lame est invisible ŕl’oeil nu. Puis il s’approche de l’émir, cueille
entre le pouce et l’index une pointe de sa belle moustache calamistrée et tranche un côté de cet ornement pileux.
Un seul.
- Maintenant regardez, bandes d’esclaves ! tance-t-il aux soldats pétrifiés, votre émir de mes choses, quand il lui reste rien
qu’une baffle, il a l’air aussi crępe que le dernier clodo du patelin.
- Ne fais pas de démagogie, Gros, le calmé-je. On va se tirer d’ici avec Sa Majesté et Lola.
- Bon Dieu ! Et Sirk ! s’exclame le Gros, tu crois qu’ils lont déjŕ dévalsé ?
- Cher émir, dis-je. Donnez lordre ŕ vos comiques troupiers d’aller chercher notre compagnon et dites que si l’opération est en
cours elle est suspendue.
Un vrai mouton, Obolan, quand il a le canon d’un casse-tęte dans le cou. Il ordonne tout ce qu’on veut. Il verrait un enfant de
choeur qu’il l’ordonnerait prętre dans la foulée.
- Pourvu qu’on arrive ŕ temps, fait Béru. Ou du moins qu’on ne lui ait ôté que la moitié de ses philippines. Un, c’est mieux que
rien. Ça personnalise un type.
Pendant que le messager va récupérer notre pote, nous remontons l’escadrin.
Quant ŕ l’émir, il s’efforce de se composer un maintien digne pour affronter ses gens. Mais c’est une vraie gageure. Quand on
marche au bout d’un pistolet avec seulement une moitié de moustache, cest dur d’imposer le respect.
- Dis donc, l’émir, je gouaille, j’ai idée que ton standing, si on le cotait en Bourse, il foutrait pas les Royal-Dutch par terre, hein ?
Une fois que nous avons refait surface, on nous amčne Sirk Hamar. Il est soutenu par deux gardes, il se traîne. Il est vert, avec
des yeux plus cernés que ceux d’une collégienne.
- Oh! m… arabe! soupire le Gros, tu veux parier qu’ils sont arrivés trop tard ?
Nous interpellons ce pauvre truand.
- Alors, Sirk ?
Il balbutie
- C’est fait. Ah ! Tes tantes !
- Complčtement ? Insiste Béru d’un ton qui s’enroue.
Sirk opine (c’est tout ce qu’il peut faire désormais).
- Pour un barbeau, tu parles d’une punition ! s’émeut le Gros. La larme perlant ŕ la paupičre, il s’approche d’Hamar et lui passe
un bras affectueux autour du cou.
- Pauvre bonhomme! soupire-t-il. Faut pas te laisser abattre. Y a tout de męme pas que l’amour, dans la vie. Tiens, t’apprendras
ŕ jouer aux échecs, parait que c’est un bon passe-temps.