Dark Forces : Chevalier Jedi
William C. Dietz
5 ap. BY
Kyle Katarn a découvert l’emplacement de la légendaire Vallée des Jedi ! Mais les milliers d’âmes Jedi et Sith piégées depuis la fin de la Nouvelle Guerre des Sith par la bombe mentale de Lord Kaan sont également à la merci du Jedi Noir Jerec dont l’ambition est de s’emparer du trône impérial. C’est donc une course contre la montre qui s’engage pour Kyle Katarn et Jan Ors afin d’empêcher Jerec de s’emparer de l’immense pouvoir enfoui depuis des milliers d’années. Une mission d’une importance capitale mais dangereusement mortelle.
Basé sur les jeux vidéo Dark Forces et Jedi Knight, Chevalier Jedi clôt la trilogie initiée avec Soldat Impérial et Agent Rebelle. William C. Dietz nous livre ici une fin haletante à son ambitieuse trilogie à travers un récit où se mêle adroitement passé et présent.
Titre original : Dark Forces : Jedi Knight
Chapitre Un
L’airspeeder, un véhicule usé conçu à partir de pièces détachées et maintenu en état par d’incessantes prières, vrombissait, tressaillait, et tanguait dans les airs. Jadis, il avait été peint en jaune, mais c’était il y a bien longtemps, et de larges taches de rouille jonchaient maintenant la peinture décolorée par la lumière. Un affleurement de roche se dressait droit devant.
Le seul occupant de la machine avait une barbe de deux jours et ses yeux étaient drapés de cernes. En voyant le danger, il jura et tira sur les commandes. Le moteur à répulsion se coupa brusquement, émit un grondement, et souleva de nouveau la machine. Le ventre de l’airspeeder passa à moins d’un mètre de la plus haute cime. Il se pencha comme si la manœuvre l’avait épuisé, et Grif Grawley tapota la console en disant :
— Gentille fille… tu as bien travaillé… c’est bien.
Le colon jeta un œil par-dessus le flanc de son véhicule. Il voyait l’ombre de l’airspeeder parcourir la surface du sol et ses gra rebondir sur les parterres sous-jacents. Il savait où ils allaient. Une colline sculptée par le vent, une parmi toutes celles laissées après le recul d’un ancien glacier, avait déclenché l’un de leurs instincts préprogrammés : chercher la haute terre où la lumière se fane, et éviter les prédateurs.
Une stratégie de survie qui avait semblé naturelle, mais qui était en fait le résultat d’une modification génétique approfondie ; une modification génétique qui s’était révélée si fiable que les spermatozoïdes et les ovaires des gra étaient régulièrement vendus « au troupeau » et accompagnés d’un manuel électronique. Un manuel que Grif avait mémorisé durant son long voyage pour Ruusan.
Un amoncellement de rochers se dressait sur leur chemin, et le troupeau se sépara en deux groupes. L’un suivit Alpha, le mâle dominant, l’autre suivit Bêta, sa compagne.
La colline était proche désormais, et Grif augmenta sa vitesse. Le speeder était fragile, très fragile, et le colon n’espérait même pas pouvoir faire une course de cinquante kilomètres jusqu’à Fort Perdu, le seul avant-poste humain sur Ruusan.
Le speeder ralentit, survola un sommet, et s’arrêta sur des traces laissées par de précédents atterrissages. Grif coupa l’alimentation, effectua une liste de vérifications, et sécurisa les stabilisateurs. Le vent accompagnait la tombée de la nuit, et on n’était jamais trop prudent.
Ensuite, avec l’assurance de quelqu’un qui avait accompli la même chose une centaine de fois, Grif installa un camp. L’abri se déploya et se stabilisa en produisant un claquement distinct. Le combiné de cuisine et le casier à nourriture se déplièrent à côté de la tente.
C’est là que Grif ouvrit une boîte métallique abîmée. Des composants, que Grif avait fabriqués avec tout ce qu’il avait pu trouver, emprunter, ou voler, étaient dissimulés à l’intérieur.
Il retira les morceaux un par un, les plaça sous la lumière décroissante, et souffla la poussière qui recouvrait leurs rouages. Chaque unité s’enclencha avec l’autre en émettant un clic rassurant. L’objet, que Grif appelait « Fido » avait la forme d’un boomerang, et était équipé d’un assortiment de capteurs. Le capteur miniature était conçu pour rester en l’air toute la nuit, à l’affût de tous signes de danger, et alerter Grif en cas d’intrusion. La machine émit un bip en s’activant et trembla tandis que son gyroscope commençait à pivoter.
Le colon vérifia les relevés du dispositif. Il s’assura que tous les systèmes étaient opérationnels et lança l’objet en direction d’une colline voisine. Fido bascula automatiquement en mode thermique, permuta sa cellule d’alimentation en mode veille, et s’éleva dans le ciel obscur.
Grif vérifia son moniteur, ainsi que la qualité de réception des holos, et retourna à ses tâches. Les gra était à mi-chemin de la colline, se frayant un chemin à travers les éboulis de la montagne, et grignotant les touffes d’herbe égarées. Une série de collines les retiendrait à ce niveau jusqu’au matin.
Une demi-heure plus tard, avec une gorgée de ce que les gens du coin appelaient le « Vieux Fidèle » et une vue d’ensemble sur le soleil levant, Grif appela sa femme.
Carole Grawley avait attendu son appel, et esquissa un sourire lorsque le casque sonna.
— Grif ?
— Salut, chérie… Je suis assis au sommet de la colline 461, et tout va bien.
Carole posa le dispositif de communication sur la parcelle de terre rigide qu’ils s’amusaient à appeler « la véranda ». La maison, qui avait été creusée dans le flanc d’une colline à vingt klicks au sud du Fort Perdu, faisait face au sud pour anticiper le soleil d’hiver. La colline 461 était au sud-ouest de sa position, et Carole tourna son regard dans la bonne direction.
— Comment est la lumière du soleil ? Elle a l’air splendide vue d’ici.
Grif s’imagina le visage de sa femme, toujours aussi belle en dépit de sa cicatrice, et esquissa un sourire.
— Elle est fabuleuse, chérie… Tout comme toi.
Carole esquissa un sourire, sachant qu’il le pensait vraiment, et changea de sujet.
— La pompe travaille à la même vitesse. J’ai suffisamment d’eau pour nous et le jardin, mais le système d’irrigation est à sec. Les récoltes ont commencé à flétrir.
Grif pensa au fait que les fermiers rupestres avaient toute l’eau qu’ils désiraient et se demanda s’ils avaient raison. « L’affleurement » – c’était là le terme qu’ils utilisaient pour décrire ce que lui et sa femme faisait – était bien plus difficile ici que sur Sulon. Bien sûr, travailler dans une grotte, installer des éclairages jusqu’au fond des galeries, tout ça avait ses inconvénients également. Comme être enfermé. Grif sirota une gorgée de sa boisson.
— Pas de problème, chérie. Je réparerai la vieille Jenny dès mon retour.
Carole Grawley sourit, touchée par la propension de son mari à donner des noms aux machines, et regarda le soleil disparaître derrière l’horizon à l’ouest.
— Je sais que tu le feras, Grif. Prends soin de toi là-haut.
— Fais-moi confiance, répondit Grif. N’oublie pas d’installer les alarmes de proximité. Je te rappelle demain.
— Je t’aime…
— Je t’aime, aussi. Bonne nuit.
Le soleil était couché et l’air se rafraîchissait très vite. Au moment où le dîner était terminé, et que le premier des trois satellites naturels de Ruusan s’élevait à l’ouest, Grif pouvait déjà voir l’air s’échapper de sa bouche sous forme de fumée. Les contrebandiers qui avaient construit Fort Perdu appelaient les lunes de Ruusan « les triplettes », et juraient que des ruines existaient sur l’une d’elles. Non pas que ça faisait énormément de différence pour Grif. Il avait d’autres choses à l’esprit.
Le colon reposa son gobelet, le remplit à nouveau, et vérifia les relevés du scanner de Fido. Le dispositif, qui faisait le tour de la colline toutes les cinq minutes, lui confirma que tout était sous contrôle.
Tous les gra étaient présents. Aucun prédateur n’avait infiltré la zone, et les conditions atmosphériques étaient normales.
En fait, la seule anomalie, en supposant que c’en était bien une, était le fait que le réseau planétaire des seize satellites météorologiques et pisteurs s’étaient volatilisés. Ce n’était pas nouveau, mais inhabituel, tout spécialement à la lumière du fait que les contrebandiers qui avaient placé ces machines en orbite étaient très portés sur la maintenance. Et pourtant, les choses avaient une fâcheuse tendance à mal tourner, et Grif supposa que le problème serait identifié puis réparé au plus vite.
La troisième lune venait de s’élever, et avec l’aide de ses jumelles, projetait un doux voile blanchâtre sur le paysage. Grif sirota son deuxième verre, envisagea d’en boire un autre, et se ravisa en se disant que Carole désapprouverait.
Ceci étant, il alla chercher ses électro-jumelles dans son esquif et grimpa au plus haut point de la colline. Il y avait peu de chance qu’il parvienne à repérer les autochtones, rebondissant et flottant à travers les paysages, mais il ne désespérait pas. Ce que ses confrères colons regardaient avec peur et hostilité, il le considérait comme étant beau et fascinant.
Grif bascula ses jumelles en infrarouge, choisit un endroit éloigné au sud, et quadrilla la zone.
Des rochers, encore chauds de leur exposition au soleil, émettaient une lueur verte dans le viseur. De la lumière parcourut le viseur tandis qu’un rôdeur des buissons sortait à toute vitesse d’une cachette pour en trouver une autre. Il déplaça les jumelles vers la droite, et c’est là qu’il vit le bondissant prendre forme. Il était rond comme une balle. Le colon sentit son pouls accélérer et pressa le bouton de contrôle du zoom. L’image devint plus grande.
Une seconde… quelque chose clochait. La signature thermique était trop large, trop intense, et trop élevée dans les airs.
Grif savait à quel point les indigènes aimaient voler contre le vent, rebondir dans les airs, et flotter jusqu’à ce que la gravité les rappelle au sol. Ils atteignaient des altitudes de cinquante ou soixante mètres parfois, mais cet objet était bien plus haut.
Alors que pouvait être cet objet ? Quelle que fût sa nature, il avait la capacité de voler et de se déplacer contre le vent dominant. Grif regarda le globe scintillant et vert grossir à vue. Il réalisa qu’il allait dans sa direction, et sentit son estomac se nouer. Étant donné qu’il pouvait le voir… lui aussi pouvait le voir !
Des souvenirs défilèrent dans son esprit, des souvenirs d’un droïde sonde impérial qui flottait à travers la brume, des souvenirs de décharges d’énergie frappant les murs de sa maison, et de son incapacité à empêcher tout ça.
Il se souvenait de l’explosion, des flammes, et du son des cris de Katie. Il se souvenait du moment où Katie avait tenté d’entrer à l’intérieur, de la manière dont il l’en avait empêché, et de la façon dont la structure s’était effondré au bout de quelques secondes.
Carole avait été affolée ce jour-là, hurlant le nom de sa fille, se débattant alors qu’il l’éloignait de la maison. Tout cela parce que la famille avait pris part à une protestation futile contre la présence impériale sur Sulon. Un leader rebelle nommé Morgan Katarn leur avait conseillé de partir. C’est comme ça qu’ils avaient débarqué sur Ruusan. Mais on ne pouvait fuir ses souvenirs.
Grif regarda l’image grandir et se verrouiller sur la chaleur irradiant de l’airspeeder. La seule question était de savoir si le droïde avait été lancé par un vaisseau impérial de passage dans le système, ou par un vaisseau en orbite. La première théorie correspondait à la manière dont les éclaireurs impériaux opéraient, tandis que la seconde expliquerait pourquoi les satellites météorologiques avaient été neutralisés.
Cela ne faisait pas de différence, étant donné que le mode opératoire serait le même. Détruire la sonde, prévenir les autres, et espérer pour le mieux. C’était tout ce que Grif, ou qui que ce soit d’autre, pouvait faire.
Le cœur du colon frappait fort contre sa cage thoracique tandis qu’il dévalait la montagne, s’immobilisait, et utilisait son couteau de chasse pour sectionner les liens d’ancrage. Le speeder grinça lorsqu’il grimpa à bord.
Grif saisit les commandes, déclenchant les phares du véhicule, et enclencha les moteurs à répulsion. La machine se pencha légèrement en quittant la surface du sol. Elle tremblota tandis que l’énergie tentait de circuler le long de deux câbles, et se stabilisa lorsque Grif frappa le panneau de commandes.
Ensuite, sachant que Fido était toujours en patrouille dans les parages, le colon s’en alla. Il se leva afin d’améliorer sa vision et sentit le vent battre contre son visage. La lueur de la lune se reflétait sur la peau hautement polie du droïde. Tout à fait conscient qu’il n’avait pas le moindre plan d’attaque, il se dirigea quand même vers le reflet.
Lorsque tu es dans le doute, improvise, se dit-il. Il saisit le fusil blaster rangé le long du flanc du véhicule, et désactiva la sécurité. Un voyant lumineux vert apparut alors qu’il posait le canon de l’arme sur le pare-brise et pressa la détente.
La décharge d’énergie s’envola, manqua la sonde de vingt mètres, et disparut. Grif corrigea son tir, riposta, et fit mouche. La décharge heurta l’un des senseurs du droïde, écorcha l’alliage de peau sur quelques centimètres, et déclencha une réponse préprogrammée.
La sonde dégaina quatre canons à énergie, un pour chaque direction, et en brandit un dans sa direction. La partie tribord du pare-brise disparut sous la décharge d’énergie décochée par le droïde.
Grif jura, effectua le virage le plus serré qu’il eut jamais effectué, et vit une autre décharge fendre l’air à l’endroit où sa tête s’était trouvée quelques secondes plus tôt. Le combat, si l’on pouvait le considérer ainsi, était tout sauf équitable. Il avait besoin de rééquilibrer les forces.
Le colon entama une descente vers la surface. Plus il descendait, plus les forces de la gravité lui faisaient gagner de la vitesse. Le fait que le droïde soit forcé de convertir plus de puissance informatique en une capacité de navigation de faible niveau constituait un bonus.
Grif connaissait le terrain, et savait que le sol s’élèverait. Une crête apparut, et il visa l’espace en forme de « V » situé au sommet. Une décharge d’énergie passa à quelques centimètres, et frappa un affleurement avant de le sectionner. Le speeder passa à travers l’obstacle, vira à droite, et longea le flanc sud de la crête.
Le droïde bondit à travers l’obstacle, mais il avait perdu la signature thermique de sa proie à cause de la chaleur émanant de la roche. Aussi bascula-t-il en holo-objectif.
Grif immobilisa son speeder quelques secondes. Il retira la télécommande du panneau de commande, et attrapa son fusil blaster. Puis, priant pour qu’il ait suffisamment de temps, le colon sauta par-dessus bord.
Il plia les genoux pour absorber le choc et son fusil heurta le sol. La télécommande était toujours au creux de sa main. Il pressa le bouton d’activation, brandit l’interrupteur en direction du speeder, et regarda la machine s’éloigner. La sonde altéra sa trajectoire et ouvrit le feu. Il manqua sa cible. Il avait encore une chance. Et maintenant venait la partie cruciale du plan…
Grif tourna la touche directionnelle vers la droite, attendit que l’airspeeder réponde à son ordre, et jura lorsque la machine ne fit rien. Tout comme la plupart de son équipement issu du marché local, la télécommande avait tendance à faire des siennes. Il fit un nouvel essai et obtint le même résultat.
La sonde fit feu. L’objet volant chancela sous l’impact d’un tir direct, et Grif tourna la touche directionnelle vers la gauche. La manœuvre fonctionna cette fois-ci. Le tir suivant manqua sa cible, mais la machine s’était mise à émettre de la fumée.
Le colon grinçait des dents. Il enfonça les commandes autant que possible et regarda le speeder se jeter sur son attaquant. Le droïde ouvrit le feu, brisa ce qui restait du pare-brise, et se prépara à finir ce qu’il avait commencé.
Le speeder compléta sa rotation. Grif centra la touche directionnelle, et le véhicule se positionna sur la bonne trajectoire. Satisfait, il poussa l’interrupteur au maximum.
— Désolé, ma vieille, mais c’est le seul moyen.
L’airspeeder prit de plus en plus de vitesse, perdit un peu d’altitude lorsque le moteur surchauffa, et se redressa tant bien que mal. La sonde fit feu, manqua son coup, et activa sa visée laser.
Grif se leva, priant pour que le speeder endure encore cinq secondes de souffrance.
— C’est bien, ma belle ! Tu peux le faire !
Le droïde fit à nouveau feu, et n’arrêta pas jusqu’à ce que le speeder le heurte de plein fouet, provoquant une forte explosion. Un champignon rougeâtre s’éleva dans les airs, envoyant des volutes de fumée vers le ciel.
Grif regarda les débris s’entasser sur le sol, et sentit une rapide sensation d’exaltation avant de plonger dans le désespoir. Les impériaux avaient trouvé Ruusan. Le rêve prenait fin. Plus rien ne serait comme avant. La vie, aussi difficile qu’elle avait pu être, allait devenir un enfer.
Le colon considéra ses options. Les contrebandiers avaient conçu Fort Perdu pour repousser un raid de force un. En supposant que le droïde avait été déployé dans l’atmosphère de la planète depuis un vaisseau de passage, ou qu’il appartenait à un vaisseau de reconnaissance légèrement armé, il y avait encore un espoir.
À condition qu’il les prévienne.
Qu’ils l’écoutent.
Et qu’ils se décident à passer à l’action.
Son moyen de transport était éparpillé un peu partout, et Fort Perdu était environ à cinquante kilomètres de là. Quelle stratégie adopter ? Se tourner les pouces en attendant les secours ? Ou retourner à la colline ? L’unité com serait là où il l’avait laissée, posée sur son casier à nourriture. Mais qu’en était-il de l’escalade ? S’il faisait une chute ? C’était une possibilité étant donné qu’il n’avait aucun équipement d’escalade.
Grif poussa un soupir. Il espérait qu’Alpha soit parvenu à conserver le troupeau intact. Il attrapa son fusil blaster, ressentant alors une sensation de réconfort. Il prit la direction du nord et se mit en route. Un long chemin l’attendait, et rien d’autre.
La pièce, le plus grand compartiment habitable que le Vengeance avait à offrir, était d’un confort spartiate. Aucune étagère, aucun tableau, aucun objet personnel. Rien qu’une couchette standard, une chaise banale, et un bol en cristal rempli d’une multitude de petites pierres noires.
Certains, parmi les quelques privilégiés autorisés à accéder à l’endroit, supposaient que l’absence d’ornement était liée au fait que Jerec était aveugle, et qu’il n’accordait probablement aucune importance à ce qu’il ne pouvait pas voir. Ils se trompaient.
D’autres pensaient que ces conditions spartiates étaient le résultat de la discipline sévère que les Jedi lui avaient imposé. Eux aussi se trompaient.
La vérité, à l’image de l’homme qu’elle concernait, était bien plus complexe que ça. Les choses matérielles ne signifiaient rien pour Jerec, pas tant qu’elles ne servaient pas son pouvoir, car posséder le pouvoir c’était décider où et quand devaient se trouver les objets physiques qui l’entouraient.
Jerec s’installa dans son siège. Il le sentit s’adapter à son corps, et laissa la seconde symphonie de Borna le submerger. Borna était un compositeur qui avait fait partie des rebelles, et la sombre musique que le Jedi Noir appréciait tant était une protestation contre le gouvernement impérial. Quel dommage que Borna soit mort si jeune, mais l’art et la politique faisaient de pauvres tandems.
Jerec esquissa un sourire et glissa ses doigts dans le bol. Les pierres avaient différentes formes, différentes tailles, et différentes textures. Certaines étaient douces et fraîches au toucher, d’autres étaient rugueuses et chaudes à l’intérieur.
Le Jedi en choisit une qui lui inspirait une étoile, la plaça sous son nez, et brisa la coque. Une odeur de fleur sauvage emplit ses narines, forma un contrepoint à la musique, et l’emporta. Il imaginait le futur, le trône sur lequel il finirait par s’asseoir, et le pouvoir qu’il détiendrait. Tout ça grâce à la planète qui flottait juste en dessous, et au secret qu’elle renfermait.
Le coup à la porte fut si léger que Jerec aurait pu l’ignorer s’il l’avait voulu. Mais il savait qui se tenait derrière la porte et souhaitait entendre son rapport.
— Entrez.
Sariss était jeune, belle, et vêtue de noir. Ses lèvres rouge sang, ses ongles, et son col intensifiaient le noir de sa tenue. Elle entra dans la pièce, laissa la porte se refermer derrière elle, et attendit que Jerec prenne la parole. Il glissa à nouveau ses doigts dans les pierres, trouva un triangle, et le tendit à son invitée.
— Pour vous, ma chère.
Sariss scruta l’offrande attentivement, le regard teinté de méfiance. C’était là sa façon d’affirmer son autorité sur elle. C’était un jeu. Devait-elle manger la pierre ? La briser et humer son parfum ? Elle pouvait toujours demander à Jerec, et celui-ci réaffirmerait son autorité, ou elle pouvait prendre le risque de ne rien dire. Le Jedi Noir avait déjà essayé ça auparavant. Elle se souvenait de la manière dont la pierre s’était brisée, de la puanteur qui avait empli l’air, du rire de Boc. C’était une expérience plutôt déplaisante.
Jerec, qui pouvait imaginer son dilemme, esquissa un sourire.
— Qu’y a-t-il ? Vous refuseriez une offrande de ma part ?
Sariss prit une posture plus ferme, saisit la pierre au creux de sa main, et la glissa dans sa bouche.
— Pas du tout… je vous remercie.
La pierre finit par se dissoudre, un sirop à la vanille inonda sa bouche, et Jerec gloussa.
— Très bien ! Je suis impressionné ! Maintenant, dites-moi ce que vous avez appris.
Sariss avait une mémoire infaillible. Elle repassa les faits dans sa tête.
— La phase une de reconnaissance est terminée. La phase deux est en cours.
Sariss tendit un holoprojecteur portable et pressa un bouton. Une planète ressemblant comme deux gouttes d’eau à Ruusan se projeta au centre de la pièce. Jerec ne pouvait pas la voir, mais il aimait faire croire à ses subordonnées qu’il le pouvait. Il paraissait ainsi omniscient, ce qui venait nourrir le mythe associé à son nom. L’image commença à tourner sur elle-même et Sariss s’en servit pour focaliser ses pensées.
— L’atmosphère et la gravité correspondent tout à fait aux paramètres de classe trois. La cartographie de la surface est complète à quatre-vingt-treize virgule quatre pour cent. La surface et le sous-sol révèlent d’importantes traces de minéraux, y compris de fer, de cuivre, de césium, d’iridium, de nickel, d’uranium, et d’autres encore. Il y a également des mines épuisées, vieilles de plusieurs milliers d’années. Elles sont à l’abandon.
— Sont-elles à l’intérieur ou à proximité de l’objectif ?
— Non, mon seigneur. En dépit du fait que les sondes souterraines ont confirmé l’existence d’un réseau étendu de cavernes au cœur de la vallée, ces cavernes ne sont pas reliées à des dépôts de minéraux suffisamment riches. Et bien que les installations utilisées pour traiter le minerai aient pu disparaître au fil des siècles, les sondes n’ont trouvé aucune trace de poursuite.
Jerec hocha la tête.
— Continuez.
— La planète supporte deux cultures. La première consiste approximativement en vingt mille individus vivant dans une ère pré-industrielle. Ils semblent être l’espèce dominante, bien que des artefacts retrouvés en surface semblent suggérer que d’autres espèces y ont également vécu. Ce qui pourrait vouloir dire qu’ils sont originaires d’une autre planète.
— En effet, dit Jerec. Les légendes parlent de nombreuses espèces, ainsi que d’une riche civilisation. Dites m’en plus sur ces humains.
Sariss haussa les épaules.
— Il n’y a pas grand-chose à dire… Des rebus de l’espace pour la plupart, mélangés aux dissidents. Les sondes sont restées à distance, mais elles sont parvenues à capter diverses communications. L’analyse des contenus, ainsi que la cartographie, confirment que la plupart des humains vivent et travaillent dans les environs d’une installation militaire de classe deux.
Jerec haussa les sourcils.
— Une installation militaire ?
— Oui, mon seigneur. Il semble qu’un gang de contrebandiers se sert de Ruusan pour convoyer leur contrebande. Ils ont bâti un fort pour protéger leurs marchandises. Ils l’appellent le « Fort Perdu », un nom plutôt approprié vu les circonstances. Nos forces lanceront leur attaque demain.
— Non, dit fermement Jerec. Vos forces resteront là où elles sont. Nous leur rendrons une visite préliminaire. Envoyez Yun et Boc. Voyez ce que vous pouvez apprendre. Et faites-moi un rapport.
Voir Jerec remanier ses plans la contrariait. Son approbation avait beaucoup d’importance pour elle, et elle travaillait dur pour l’obtenir. La situation était d’autant plus désagréable qu’elle n’était pas d’accord avec ses ordres. Elle se racla la gorge et dit :
— Puis-je demander pourquoi, mon seigneur ? Une telle visite risquerait de les alerter, et de causer plus de pertes dans nos rangs.
Jerec fronça les sourcils.
— Vous doutez de nos chances de victoire ?
— Non, mon seigneur. Bien sûr que non.
— Bien. Il y a toujours une raison, même lorsque vous ne la voyez pas. Ces gens ont longtemps vécu sur cette planète. Connaissent-ils l’existence de la Vallée ? Et si c’est le cas, ont-ils pillé les chambres ? Et s’ils l’ont fait, qu’est-il arrivé aux objets trouvés sur place ?
Ces questions étaient pertinentes, et le fait qu’elle ne les avait pas considérées elle-même la rendait d’autant plus furieuse. Elle s’inclina, promit à Jerec que ses ordres seraient exécutés, et recula en direction du corridor.
Jerec attendit que sa subordonnée ait quitté les lieux pour replonger ses doigts dans le bol de pierres. Il y trouva une surprise. La pierre avait la forme de Ruusan. Il la leva jusqu’à ses lèvres, la glissa dans sa bouche, et brisa la couche externe sous sa mâchoire. La liqueur avait le goût de cannelle et contenait un léger poison. Il sourit, repensant à la gêne que Sariss avait expérimentée, et se mit à rire.
Grif était fatigué, exténué. Il était en meilleure forme que la plupart des hommes de son âge – ou de la moitié de son âge – mais cinquante kilomètres était une distance longue à parcourir – plus particulièrement à pied. Le soleil s’était déjà levé et couché depuis son combat contre le droïde.
Il s’arrêta, prit un moment pour vérifier ses arrières, et émit un grognement de satisfaction. Le ciel était dégagé, les triplettes s’étaient levées, et il n’y avait aucune activité à signaler. Aucun droïde, aucun véhicule, aucun speeder-bike surgissant de nulle part pour l’intercepter. Peut-être la sonde avait-elle été envoyée seule. C’est ce qu’il espérait.
Les montagnes avaient contraint le colon à marcher vers l’ouest. En supposant qu’il avait raison, et qu’il se trouvait face au versant de la Colline Katarn, il était presque arrivé.
Du gravier grouillait sous ses bottes. Il jura, résista à la tentation de se servir de son fusil blaster comme d’une canne, et commença son ascension.
La puanteur émanant d’un ravin rempli d’ordures vint confirmer qu’il était sur la bonne route. Grif se boucha les narines, impatient de laisser l’odeur derrière lui, et grimpa jusqu’au sommet de la colline.
Les maisons, dont plusieurs avaient été bâties selon les indications de Morgan Katarn, étaient légèrement brûlées au niveau de leurs fondations, une stratégie qui leur permettait de rester fraîches pendant le jour et chaudes pendant la nuit.
Un éparpillement de rectangles orange marquait l’emplacement de fenêtres et laissait imaginer l’hospitalité et le confort que la maison offrait. Grif passa à proximité. C’était le soir, et cela voulait dire que la majorité des chefs élus de la colonie serait rassemblée au Repos de la Bordure, gobelet en main.
Grif se lécha les lèvres, ignorant la créature des buissons qui bondissait à l’autre bout de la haie, et suivit le chemin usé jusqu’au fort. Il entendit une bribe de conversation, le claquement d’une porte, et le bruit d’un outil multifonction. Des sons communs qu’il trouvait rassurant.
Fort Perdu était bâti en forme d’étoile à six pointes. Des canons blaster avait été montés à chaque extrémité des pointes – une stratégie qui jetterait tout agresseur dans un feu croisé dévastateur.
Les canons, ainsi que des batteries de missile cachées, constituaient une puissance de feu suffisante contre tout assaut ennemi mais pas contre un assaut de l’Empire, la menace même dont Grif comptait les avertir.
Une voix retentit depuis l’obscurité et demanda sur un ton ferme :
— Qui va là ?
Le colon s’immobilisa.
— Grif Grawley.
La sentinelle, un trafiquant du nom d’Horley, fit un pas dans la lumière.
— Grif ? Carole a appelé. Elle se fait un sang d’encre.
— Je vais rentrer la voir, dit Grif. Aussitôt que possible. Où est l’obèse qui se prend pour le maire ?
Horley gloussa.
— Au même endroit que d’habitude, en train de traîner au Repos et de se plaindre de l’Empire.
— Bien. Ouvre bien l’œil, où il se pourrait qu’on ait tous à se plaindre très bientôt.
La sentinelle se demandait ce que le colon voulait dire par là, mais Grawley était déjà parti. Horley frissonna sous la brise fraîche de la nuit, et se tourna en direction du désert. Des nuages masquaient les triplettes, et les ténèbres obscurcissaient la terre.
Grif entendit le bruit venant du Repos de la Bordure avant même de voir l’enseigne. La musique, qui avait fait un carton deux ans plus tôt sur Corellia, était ponctuée des rires et du bruit émis par le gong à boissons. Quelqu’un avait commandé une bière.
Grif tourna au coin, hocha la tête à l’attention d’un pilote, et parcourut la largeur de la cour intérieure. Les portes s’ouvrirent au contact de sa main, et son regard fut agressé par une lumière soudaine. Le bar avait été conçu à partir d’une cuve de combustible endommagée, et ornait un côté de la salle. Une douzaine de tables différentes se dressaient comme des îles sur le sol infesté de crasse. Les murs, qui étaient couverts de souvenirs, avaient nourri de nombreuses histoires. Il y avait quinze ou vingt personnes à l’intérieur. Tous se tournèrent lorsqu’il passa le pas de la porte.
— Regardez ! s’exclama quelqu’un. C’est Grif Grawley ! Hé, Grif ! Carole cherche des volontaires. Tu n’es pas aussi fougueux que dans ta jeunesse, tu sais !
Il y eut un chorus de rires. Ils se souvenaient de cette nuit, il y a six mois, la veille de l’anniversaire de Katie, lorsque Grif avait tenté de s’anesthésier avec une bouteille entière de Vieux Fidèle. Ce jour-là, Carole avait été appelée, et avec l’aide des clients, elle l’avait chargé sur un esquif. Elle avait exprimé tant de colère, et tant de rancœur.
Grif pivota à droite et décocha un tir depuis sa hanche. Une enceinte explosa aussitôt. Le silence s’abattit sur le bar, seulement interrompu par les gouttes de composants liquéfiés et par le ronronnement monotone du ventilateur. Le maire Devo, le ventre pendant au-dessus de sa ceinture, fut le premier à se manifester. Il se leva, pointant un doigt en l’air.
— Et ce sera tout pour aujourd’hui ! On en a assez de toi, Grif Grawley. Pose ton arme au sol, et fais trois pas en arrière.
Le colon ne fit aucun effort pour obéir. Il fouilla sous sa chemise, saisit la plaque de métal, et la détacha de sa ceinture. L’objet retentit en tombant sur la table.
Devo baissa les yeux vers l’objet, avant de les relever vers Grif. Il fronça les sourcils.
— Et que suis-je censé voir ?
— Une plaque d’immatriculation. Lis ce qui est écrit.
Avec réticence, et le visage rouge de colère, le maire s’exécuta. Les mots semblèrent provoquer un écho dans le bar.
— Droïde sonde impériale PD 4786. Et alors ?
Grif parcourut la salle du regard.
— Alors je suis tombé sur un droïde sonde, je l’ai détruit avec mon airspeeder, et je suis revenu aussi en marchant. Il se pourrait que ce soit un droïde isolé, jeté dans notre atmosphère par un vaisseau de passage, ou alors il se pourrait que ce soit pire. Je suggère que vous emportiez ce que vous pouvez transporter, que vous chargiez vos familles sur des speeders, et que vous me suiviez. Il y a des endroits où vous pouvez vous cacher.
Il y eut un silence, suivi d’un total tohu-bohu. C’était comme si tout le monde avait quelque chose à dire.
— Virez-moi cet idiot !
— Et s’il avait raison ? Comment nous ont-ils trouvé ?
— Je vous avais dit que ça arriverait un jour…
— Grif ne reconnaîtrait même un droïde sonde si celui-ci flottait dans son whisky…
Grif frappa la cloche avec une bouteille de Vieux Fidèle à moitié vide. Le babillage prit fin. Grif scruta les visages qui se tenaient devant lui.
— Croyez ce que vous voulez. Mais une question demeure. Comment expliquez-vous le fait que les satellites météorologiques soient subitement tombés hors service ? Pas seulement l’un d’entre eux… mais tous ?
Le colon se tourna vers une femme nommée Peeno. Elle était le second du capitaine Jerg, et d’autres disaient qu’elle était plus encore.
— Qu’est-ce que t’en penses, Marie ? Tu es arrivée à quelque chose avec ces satellites ?
La contrebandière, une femme aux cheveux roux et au nez fin, secoua la tête.
— Ils sont tous tombés en rade à peu près au même moment. Impossible de les contacter depuis.
Grif persista.
— Et pour les vaisseaux ? Y en a-t-il en orbite ?
Jerg était parti depuis plus de trente jours et avait emmené les navettes avec lui. Tous savaient qu’il était parti, et tous savaient qu’il ne reviendrait pas avant un mois. Peeno secoua la tête à nouveau.
Grif acquiesça.
— C’est bien ce que je pensais. La tête dans le sable, les fesses à l’air. Je vous souhaite bonne chance, parce que vous en aurez besoin.
Sur ce, le colon sirota une longue gorgée de la bouteille nichée dans sa main, la brisa en la jetant au sol, et lança une pièce sur le comptoir. Elle tournoya, tomba, et atterrit sur la tranche.
Grif était à mi-chemin dans la cour lorsque les hurlements des clients du bar reprirent. Il était à vingt klicks de la maison. Ce serait bon de revoir Carole.
Le soleil était levé depuis quelques temps lorsque la navette impériale approcha depuis le sud. Le vaisseau décrivit une série de cercles, réduisant progressivement son rayon, comme si les personnes à bord établissaient une reconnaissance des lieux, ce qui n’était pas complètement faux.
Sariss détacha son harnais de sécurité, marcha jusqu’au poste de pilotage, et jeta un œil par-dessus les têtes des pilotes. Fort Perdu miroitait sous la chaleur.
— Une vraie décharge, dit Yun, un tout jeune Jedi Noir aux cheveux bruns.
Yun rejoignit Sariss ; en partie parce qu’il était curieux, et en partie parce qu’elle était son mentor.
— Ça c’est sûr. Je ne sais pas ce qu’ils essaient de fuir, mais en tout, ça a plutôt l’air mauvais.
— Ça l’est, ajouta Boc tandis qu’il prenait position derrière eux. C’est nous qu’ils fuient.
La tête de Peeno suivait le mouvement de la navette avec l’un des canons à énergie du fort. Elle portait un casque, une armure sur son torse, et un fusil blaster en écharpe. L’artilleur numéro trois, un colon du nom de Dinko, voulait ouvrir le feu.
— Je peux l’avoir, lieutenant ! Vous n’avez qu’un mot à dire.
La navette effectua un virage, et Peeno suivit son mouvement.
— Mauvaise idée. Cette navette d’assaut n’est pas venue ici d’elle-même. Il y a au moins un vaisseau en orbite, peut-être plus. S’ils avaient voulu nous éliminer, ils l’auraient déjà fait. Désengage ton arme. Et cet ordre vaut pour tout le monde. Ils veulent parlementer, alors nous allons parlementer.
Les répulseurs de la navette émirent une lueur, mettant en évidence le numéro de série peint sur la coque, avant de se poser sur une piste.
De la poussière vola dans les airs, et le bruit attira d’autres habitants du Fort Perdu sur les lieux. Grif s’écarta, et le bruit amena davantage de citoyens du Fort Perdu à se rassembler au même endroit.
Les colons s’attendaient à recevoir des soldats impériaux, ainsi qu’un officier, mais ils allaient avoir une surprise. Tous écarquillèrent les yeux lorsque Sariss, Yun, et Boc sortirent du vaisseau.
— Qui sont-ils ?
— Ils ont des sabres-laser !
— Qu’est-ce qu’une tête d’asticot fait ici ?
— Qu’est-ce qui ne va pas chez vous ? Abattez-les !
Ce dernier commentaire venait d’un colon nommé Lasko. Sa première femme avait donné sa vie pour défendre le Drain-G sur Sulon. La vue de moindre uniforme impérial faisait resurgir sa haine.
L’intensité de ses émotions envoyait des ondes à travers la Force. Sariss s’arrêta, se tourna, et pointa Lasko du doigt. Le colon parut surprit, et saisit sa gorge de ses deux mains. Il ne pouvait plus respirer. Son visage devint bleu, ses genoux cédèrent sous son poids, et il s’effondra au sol. Puis, alors que la vie s’apprêtait à quitter son corps, Sariss cessa de l’étouffer.
Lasko pu à nouveau remplir ses poumons d’air. Il s’éclaircit la gorge et se releva. Ses amis et voisins baissèrent le regard tandis que le colon se frayait un chemin hors la foule. Ensuite, ayant laissé la foule derrière lui, Lasko partit en courant. Il avait une nouvelle femme désormais, et un bébé de six mois. Il chargerait son esquif, prendrait la route du désert, et prierait pour trouver un endroit habitable.
Sariss aimait cette aura de peur qui l’entourait. Grâce au colon et à sa grande bouche, elle avait pu leur donner un aperçu de ce qu’ils pourraient subir. Résistez, et vous mourrez.
La foule commença à reculer, à se disperser, mais Yun secoua la tête.
— Vous êtes pressés ? Restez où vous êtes, et on ne vous fera aucun mal.
Boc se mit à rire, émettant un son haut perché qui effraya la foule entière. Sariss avait les mains posées sur ses hanches.
— Alors, qui est votre chef ?
Il y eut un silence, suivis de regards jetés en biais, puis de bruits de pas. Le maire Devo avait été poussé jusqu’à l’autre bout de la foule. Une fois exposé, le politicien tenta d’améliorer la situation au mieux. Il ajusta sa bedaine, esquissa un sourire, et fit trois pas en avant.
— Eh bien… c’est moi. Maire Byron Devo, à votre service. Et vous êtes ?
— Mon nom n’a aucune importance, répondit froidement Sariss. Ce qui importe, c’est que vous, et les traîtres qui vous servent d’amis, avez établi une colonie illégale dans le but de convoyer de la contrebande et d’éviter de payer les taxes. Deux crimes passibles de mort.
Devo déglutit. Il réalisa que ses mains s’étaient levées en direction de son cou, et les baissa brutalement. C’était comme si la femme savait tout. Et pourtant, la négociation l’avait déjà sortie du pétrin auparavant, et elle pourrait le faire à nouveau.
— Non, non, il s’agit d’un malentendu ! Laissez-moi vous expliquer.
Sariss parut douteuse.
— Vous avez une explication ? Cela paraît difficile à croire. Mais, d’après la tradition impériale, tout le monde mérite une chance… Conduisez-moi à votre bureau. Vous en avez un, n’est-ce pas ?
— Oh, mais bien sûr ! répondit hâtivement Devo. Suivez-moi…
La foule se sépara pour les laisser passer. Yun sourit, et Boc gloussa.
Il fallut à Sariss une heure pour menacer Devo, prélever des informations précieuses, et confirmer ses hypothèses en conversant avec Peeno et le gérant du café.
Yun, assisté de Boc, en profita pour faire un repérage des défenses de Fort Perdu.
Plus de trois cent paires d’yeux regardèrent les Jedi Noirs grimper à bord de leur vaisseau et décoller. Le maire Devo, désireux de réaffirmer son autorité et de regagner le peu de crédibilité qu’il avait perdu, fit un geste obscène en guise d’adieux.
— Ça c’est pour vous et votre Empereur !
La navette avait à peine disparue à l’horizon lorsque Peeno se glissa furtivement à côté de lui.
— Alors, Byron, qu’est-ce que tu en penses ? Pourquoi sont-ils si intéressés par un tas de ruines et d’artefacts ?
Devo plissa les yeux. Son regard se posa çà et là.
— Quelque chose de grande valeur à mon avis. Quelque chose qui mérite qu’on envoie un groupe expéditionnaire sur Ruusan.
Peeno hocha la tête.
— Exactement, alors garde ça pour toi. Qui est au courant ? Peut-être pouvons-nous le trouver.
Ses yeux se figèrent tandis que des visions de trésors inestimables dansaient dans sa tête.
— On pourrait récupérer ces trésors, Marie ! Ils seraient à nous ! Rien qu’à nous !
Peeno hocha la tête. Elle se demandait si les impériaux étaient si stupides, et craignait qu’ils ne le soient pas.
Le pont, spacieux et dégagé, était digne d’un vaisseau capital. Jerec, les mains croisées dans le dos, se tenait dos à l’aire de commandement. L’équipage, qui occupait des tranchées semi-circulaires creusées à même le pont, écoutait le moindre de ses mots. Il aimait que les choses se passent ainsi. Sa voix était puissante.
— Et qu’en concluez-vous ?
Sariss, qui était toujours à bord de la navette en compagnie de Yun et de Boc, terminait avec son rapport. Un holo de sa tête et de ses épaules flottait dans l’air.
— Eh bien, mon seigneur, d’après les informations tirées de la communauté criminelle, et étant donné la misère dans laquelle ils sont forcés de vivre, il semble sage de conclure que la Vallée n’a pas été découverte.
Jerec fit une pause, faisant grimper la tension, puis hocha la tête.
— Je suis d’accord. Détruisez la colonie.
Le groupe de raid impérial avait été rassemblé en vingt-six heures. La zone plane, entourée de collines, constituait le lieu parfait pour établir un camp. Un complexe de maintenance avait été installé, des cuves de carburant avaient été enterrées, et un périmètre avait été établi. Le périmètre était quadrillé par un duo d’AT-ST qui était appuyé par des soldats impériaux lourdement armés.
L’unité d’assaut, qui devait conserver les avantages de la vitesse, de la surprise, et de la force, consistait en quatre navettes d’assaut et six chasseurs TIE. Ces hommes étaient les meilleurs, et ils étaient prêts.
Sariss, les cheveux balayés par le vent du désert, jeta un dernier regard aux vaisseaux placés sous son commandement et ouvrit le canal com de son micro.
— Très bien, vous connaissez le plan. Les chasseurs TIE d’abord, les vaisseaux d’assaut ensuite. Allons leur apprendre les bonnes manières.
Le Jedi Noir sentit la rampe rebondir sous son poids tandis qu’elle grimpait à bord. Elle se glissa sur le siège du copilote, attacha sa ceinture, et hocha la tête à l’attention du pilote. Le pilote enclencha les moteurs, tira les manettes de contrôle, et vérifia ses relevés. Le vaisseau d’éleva, se balançant légèrement sous la brise, et s’en alla. Le reste des vaisseaux suivit.
Les contrebandiers avaient anticipé la possibilité d’une attaque depuis l’espace, ce qui les avait poussés à placer des satellites en orbite. Cependant, le système de surveillance orbitale étant hors-service, et faute de détecteur terrestre pour compenser la panne, l’attaque aurait pris la colonie par surprise si les Jedi Noirs ne leur avait pas rendu une petite visite. Et pourtant, en dépit de l’avertissement qu’on leur avait adressé, ils n’étaient que partiellement préparés.
Les chasseurs TIE furent les premiers à arriver, à faible vitesse et à basse altitude, leurs canons crachant la mort. La première rafale de tirs perça des trous dans les murs extérieurs, détruisant la porte sud, et mettant le feu à un abri de stockage. La fumée faisait un excellent marqueur et aida les pilotes à s’orienter lors des attaques successives.
La défense du fort était assurée. Peeno y avait veillé. Les tourelles pivotaient tandis que les artilleurs ciblaient les vaisseaux en approche. Dinko hurlait de joie.
— J’ai eu l’un de ces déchets de l’espace, lieutenant ! Regardez ça !
Peeno, qui supervisait l’effort défensif depuis un bunker souterrain, consulta ses moniteurs. Ils n’étaient pas si nombreux, tous assis dans un vieux module de cargo, interconnectés par un labyrinthe de câbles. Elle vit un chasseur TIE exploser, projetant des débris sur la Colline Katarn. Elle savait que les pertes seraient lourdes.
— Joli tir, Dinko ! Continue comme ça !
— Je détecte quatre vaisseaux d’assaut en approche à… trente klicks d’ici.
Peeno ne reconnut par la voix, mais elle appréciait l’information. Le système de tirs du fort consistait en quelques volontaires équipés d’électro-jumelles.
Elle se tourna vers l’officier des systèmes d’armement, un jeunot de seize ans au visage morose, doué en informatique.
— État des missiles ?
— Parés…
— À mon signal… feu !
Le jeune officier tapota quelques touches. Une série d’écoutilles s’ouvrit, et un groupe de six missiles décolla dans le ciel avant de foncer vers les cibles.
— On les a eus ! dit l’officier, tout excité. On les a eus !
— Peut-être, répondit Peeno, s’efforçant de conserver son calme. Ou peut-être pas. Préparez la deuxième salve.
Sariss, le visage impassible, vit le premier chasseur TIE exploser. Elle maudit le pilote et sentit la navette se pencher à bâbord.
— Leurres déployés, dit laconiquement le pilote. Missile sol-air en approche… air-air en partance.
Le pilote pressa un bouton, libérant deux volées de quatre missiles. Sariss sentit la navette tressaillir et vit des sphères rougeâtres traverser le ciel. Le pilote continuait de compter.
— Trois, quatre, cinq…
— Et six, dit sèchement Sariss alors que la navette numéro trois vacillait, quittait sa trajectoire, et heurtait le versant d’une colline.
Le fort était juste en dessous, continuant la lutte en dépit du fait que trois de ses tourelles amovibles avaient été détruites et qu’une section du mur s’était effondrée.
On pouvait voir tout un tas de personnes courir dans toutes les directions, tandis que d’autres cherchaient à se mettre à l’abri dans les couloirs souterrains. Un chasseur TIE passa en rase-mottes, faucha plusieurs colons en fuite, et remonta dans le ciel.
— Posez-vous, dit Sariss d’un air grave. Nous avons des criminels en fuite.
— Trente moins terre… en attente.
Quarante soldats impériaux avaient été rassemblés dans la soute. Ils firent une dernière vérification de leurs armes et se préparèrent à l’impact. Il y eut un bruit sourd, suivi d’un écho, puis un voyant lumineux vert s’alluma. La lumière du jour apparut, la rampe s’abaissa, et un officier hurla.
— Allez ! Allez ! Allez !
En sortant, ils furent accueillis par un feu nourri. L’un d’eux tomba, et le reste chargea.
La navette tremblait sous l’impact des missiles mais ne souffrait aucun dommage sérieux. Sariss, qui n’était armée que de son sabre-laser, descendit la rampe. Une décharge d’énergie fendit l’air à côté de sa tête et frappa un soldat. Elle était indemne. C’est alors qu’elle vit Devo se dandinant pour la saluer, le visage teinté de peur.
— Que faites-vous ? Je vous ai donné les informations que vous vouliez. Vous avez promis de nous laisser en paix !
La Jedi Noir sourit.
— Tiens, maire Devo ! Ravi de vous revoir. Les politiciens disent tant de mensonges que je pensais que vous aviez compris.
Sariss enclencha son sabre-laser. La lame crépita et s’éleva. Le colon, dont les yeux étaient aussi grands que des soucoupes, tenta de s’enfuir. Un faisceau d’énergie grésilla, et sa tête se détacha de ses épaules pour rouler le long de la pente.
Il fallut quinze minutes pour maîtriser le fort, et encore vingt minutes pour sécuriser le réseau de galeries souterraines. Certains des colons avaient réussi à s’enfuir. Sariss le savait, mais elle n’était pas disposée à les suivre. Le long et peu glorieux travail d’extermination pouvait être laissé aux officiers juniors et aux soldats impériaux. Son travail était fini.
La Jedi Noir attendit que Boc achève un colon blessé pour ordonner à Yun de détruire les fermes souterraines, et pour grimpa sur une colline voisine. Une habitation était en train de brûler, une femme gisait morte à quelques mètres, et un gra luttait pour se libérer de ses liens.
Sariss gagna le sommet, et scruta l’étendue désertique qui s’étendait à l’horizon. Elle se demandait à quoi avait pu ressembler la planète à l’époque où les forces de la lumière et des ténèbres s’étaient affrontées sur les plaines. À l’époque où des éclairs artificiels fendaient le ciel, où les Jedi tombaient comme des brindilles, et que l’air sentait l’ozone à planer.
Le fait que de telles batailles s’étaient déroulées était suffisamment incroyable, mais il était encore plus incroyable de savoir que des esprits anciens résonnaient encore, là, au cœur de la Vallée, attendant que quelqu’un vienne réclamer leur pouvoir. Jerec ? Oui, probablement, mais avec elle à ses côtés.
Le vent balayait les plaines, faisait onduler sa cape et souffler la fumée vers l’est. La première bataille avait été livrée. La première bataille avait été remportée.
Chapitre Deux
Des tirs heurtaient le flanc bâbord du Nouvel Espoir alors qu’un escadron de bombardiers TIE se frayait un chemin à travers les défenses rebelles, crachant des salves de torpilles à proton. Les boucliers déflecteurs avaient été démolis dix minutes auparavant ; quelques torpilles parvenaient donc à passer au travers.
Leia Organa Solo sentit la coque trembler. Elle croisa le regard de Mon Mothma et sut ce à quoi la chef rebelle pensait. Les bons jours du cuirassé étaient loin derrière lui. Dernièrement stationné au-dessus de Churba, où il avait servi de musée de la guerre, le vaisseau avait été un fort symbole de la domination impériale. Un symbole que les rebelles avaient récupéré et remis en état. La victoire fut plus morale qu’autre chose, mais un vaisseau était un vaisseau, et les rebelles avaient besoin de vaisseaux. Ceci étant, le cuirassé subit une complète révision, fut rebaptisé Nouvel Espoir, et reprit du service sous une nouvelle bannière.
Cependant, l’Espoir n’était pas de taille face à des vaisseaux plus récents et deux fois plus grands, et remplissait donc le rôle de base d’opérations. Il était en orbite au-dessus de Milagro depuis deux mois, et avait fourni à la structure de commandement rebelle une plateforme spatiale active.
C’est pourquoi les deux femmes savaient que le cuirassé ne tiendrait pas une minute face à un destroyer stellaire. Elles se demandaient pourquoi le vaisseau impérial ne s’était pas rapproché, mais étaient en même temps soulagé qu’il ne l’ait pas fait. Les bombardiers TIE étaient une chose, mais les armes de destruction massives que le destroyer stellaire possédait en étaient une autre. De toute façon, elles n’allaient rien dire devant l’équipage de pont. Le moral était au beau fixe, et il fallait qu’il le reste ainsi.
Les rapports d’avarie ne cessaient de défiler…
— La batterie à turbolasers quatorze a essuyé un tir direct…
— On nous signale une brèche dans le compartiment A-Quarante-trois.
— Nous avons perdu l’antenne de senseurs bâbord… ainsi que les nacelles de survie soixante à soixante-trois…
L’équipage de la passerelle de commandement, placé sous la direction quelque peu stoïque d’un capitaine Mon Calamari répondant au nom de Tola, accusa réception des rapports d’avarie et assigna les ressources appropriées pour procéder aux réparations.
Mon Mothma, qui avait les cheveux mouillés car elle sortait tout juste d’une douche interrompue à la hâte, affichait le même calme que d’habitude. Une barrette en argent maintenait sa robe soigneusement entretenue.
— Y a-t-il des nouvelles du général Solo ?
Leia savait que la question était rhétorique, mais elle répondit quand même.
— Non, les trois escadrons devraient être de l’autre côté de Milagro en ce moment même, prêt à contourner la planète.
Mon Mothma hocha la tête d’un air distrait. Il y avait tellement de choses à prendre en considération. Le premier des trois escadrons, presque entièrement constitué de nouveaux modèles d’Ailes-X, appartenait au Nouvel Espoir et était emmené par des pilotes chevronnés.
Les escadrons deux et trois étaient une autre affaire. Les pilotes, dont beaucoup récupéraient encore de leurs blessures précédentes, avaient été récupérés sur le vaisseau-hôpital Clémence puis postés à la surface de Milagro. Une fois sur place, ils furent assignés à un micmac de vieilles Ailes-Y, d’Ailes-X reconditionnées, et – cerise sur le gâteau – à deux Ailes-B qui sortaient tout juste de révision.
Ce serait ces forces, placées sous le commandement du général Solo, qui décideraient de l’issue du combat. S’ils parvenaient à trouver le destroyer stellaire d’où les bombardiers TIE avaient été déployés, et s’ils réussissaient à le neutraliser, la victoire serait à eux. De plus, un groupement tactique avait été détaché six jours plus tôt. Ce dernier pouvait revenir victorieux, ou bien sévèrement endommagé et en détresse.
Tout cela soulevait une autre question : les impériaux savaient-ils que le Nouvel Espoir était vulnérable ? Et si oui, comment ? Un droïde sonde avait-il découvert leur cachette ? Les impériaux avaient-ils infiltré un espion dans la structure de commandement rebelle ? Mon Mothma soupira. Les possibilités étaient infinies. Et c’est pourquoi elle parvenait rarement à dormir.
Une voix familière résonna dans le canal com inter-vaisseau.
— Ici Solo… nous approchons par le pôle nord et sommes sur le point de passer l’horizon planétaire. Terminé.
Un puissant ordinateur avait servi à analyser les vecteurs d’attaques impériaux et les vecteurs de fuite possibles. Et cette information, combinée aux statistiques réalisées sur les générateurs de puissance et les consommations de carburant des bombardiers TIE, donnerait aux forces d’attaque rebelles la localisation probable du destroyer stellaire. Du moins, c’est ce qu’ils espéraient, étant donné que le meilleur moyen d’empêcher le vaisseau capital de lancer des TIE ou d’engager le Nouvel Espoir directement était de le neutraliser, ou au pire des cas, de le faire fuir.
Les chasseurs rebelles émergèrent de l’horizon planétaire. Ils reçurent les informations dont ils avaient besoin et changèrent leur trajectoire.
— Bien reçu, confirma la voix. Gardez mon dîner au chaud. Terminé.
Leia esquissa un sourire. Elle savait que ce commentaire lui était destiné, et elle se souvenait du repas qu’elle et Han avaient à peine pu partager. Il y avait eu du vin, des bougies, et la possibilité de…
Une main se posa sur le bras de Leia. Elle se retourna, tendit la main pour calmer le technicien des communications tandis que le cuirassé encaissait un autre coup, et sourit de manière rassurante.
— Oui ?
— Un appel pour vous, madame, bégaya le jeune homme. C’est votre frère.
Leia se renfrogna.
— Luke ? Vous êtes sûr ?
— Oui, madame, dit le technicien en hochant la tête. Il est sur la fréquence six. Canal quatre.
Luke Skywalker avait quitté le cuirassé deux semaines plus tôt, d’abord pour remplir une mission personnelle, et ensuite pour s’assurer que Kyle Katarn et Jan Ors étaient sains et saufs.
Après avoir obtenu les plans qui permettraient à l’Alliance de détruire l’Etoile de la Mort, les deux agents étaient partis pour remplir une nouvelle mission : retrouver la Vallée des Jedi. Une mission que Skywalker considérait être importante et qu’il espérait voir réussir. Il était maintenant revenu, et au pire moment possible.
Leia se précipita vers une console et un holo du visage de Luke se matérialisa. Il portait un casque et une combinaison de vol.
— Luke ! Fais demi-tour ! Nous sommes attaqués !
— Sans blague, dit sèchement le Jedi. On avait remarqué. Un duo de chasseurs TIE nous a bondi dessus à notre sortie d’hyperespace. On a réussi à les éliminer, mais on dirait qu’il y en a d’autres, droit devant.
— On ?
— Le Corbeau Usé est sur mon aile tribord. Kyle Katarn et Jan Ors vous envoient leurs salutations.
— Faites demi-tour, s’écria Leia. Ils occupent tout l’espace entre vous et nous. Han et trois escadrons de chasseurs stellaires sont à la poursuite du destroyer stellaire ce moment même.
— Trop tard, dit laconiquement Skywalker. On l’a déjà trouvé… ou plutôt, c’est eux qui nous ont trouvé ! C’est effectivement un destroyer stellaire, de classe Impériale à en juger par son allure. La proue est endommagée. Je vois des tas d’escortes… trente, peut-être plus. Mais ça pourrait être pire, étant donné que la moitié n’est faite que de transports.
— Comment ça ? demanda Mon Mothma qui s’était matérialisé à côté de Leia. Luke a-t-il dit “endommagé” ?
— Affirmatif, répondit Luke. Je vois des dommages sérieux sur la proue du destroyer, comme si quelque chose l’avait heurté ou qu’elle avait heurté quelque chose. Han peut se caler sur mon transpondeur pendant qu’on s’en occupe.
Mon Mothma abattit son poing sur la console. L’impact fit bondir un stylet du panneau de commande.
— Mais bien sûr ! Voilà pourquoi le destroyer ne nous a pas attaqués. Il est endommagé ! Il s’est arrêté dans ce système à la recherche d’un endroit où se cacher et nous est tombé dessus ! Capitaine Tola ! Informez le général Solo et préparez-vous à quitter l’orbite.
Si Tola était contrarié, il n’en montrait aucun signe. Les ordres avaient été donnés. Le cuirassé quitta l’orbite et engagea la contre-attaque.
L’Espoir tangua tandis qu’un pilote impérial perdait le contrôle de son chasseur et venait s’écraser contre sa coque. L’explosion emporta la jauge de refroidissement numéro trois. Les panneaux éclairants clignotèrent frénétiquement, puis finirent par se stabiliser. Mon Mothma regarda Leia.
— L’affrontement s’annonce serré.
Leia hocha la tête. Elle sentait ses ongles s’incruster dans les paumes de ses mains, et luttait pour garder son calme.
— Oui, très serré en effet.
Le Corbeau Usé se pencha tandis que Jan Ors luttait pour suivre la trajectoire de Luke Skywalker. L’Aile-X du chevalier Jedi était plus petite, plus rapide, et bien plus manœuvrable que son vaisseau corellien.
À l’origine conçu pour transporter des cargaisons légères, mais non moins importantes, sur des astéroïdes miniers et des stations spatiales orbitales, le Corbeau avait rempli bon nombre de tâches depuis lors, dont beaucoup n’étaient pas tout à fait légales. Ceci étant, il pouvait atteindre des vitesses satisfaisantes et transporter plus d’armement que la plupart des vaisseaux de sa taille. C’était une chose que Jan appréciait beaucoup, étant donné la décision quasi-suicidaire de Luke Skywalker d’engager ce qui semblait être la moitié d’une flotte impériale.
— Les voilà !
La transmission semblait quelque peu inutile, étant donné le nombre de cibles qui grouillaient sur l’écran d’affichage. Jan résista à la tentation de baisser la tête alors qu’un rayon d’énergie passait en trombe au-dessus de la coque du Corbeau et entreprenait un voyage sans fin dans l’espace profond.
Skywalker riposta et fut satisfait de voir un vaisseau ennemi exploser et un autre quitter violemment sa trajectoire tandis que Jan ajoutait la puissance de ses armes aux siennes.
Kyle Katarn était assis sur le siège du copilote, souhaitant avoir quelque chose à faire, et grinçait des dents sous l’effet de la frustration. Le Corbeau était son vaisseau, mais Jan était aux commandes lorsque la bataille avait éclaté, et il était impossible d’usurper sa position. Non pas qu’un tel geste serait logique étant donné qu’elle était meilleure pilote.
Tout cela laissait Kyle impuissant… du moins le croyait-il. À la différence de la plupart des Jedi qui étaient en apprentissage sous la tutelle d’un maître, Kyle était forcé de parfaire ses talents lui-même, ou presque, étant donné qu’il recevait les conseils occasionnels du Jedi désincarné répondant au nom de Rahn. Et parmi les nombreuses choses que Kyle avait apprises, il y avait le fait qu’aucune arme n’était aussi puissante qu’un esprit ouvert.
Prenez par exemple la situation actuelle : Une opportunité s’offrait à lui, et tout ce qu’il devait faire, c’était la trouver. Cette situation rappelait à Kyle les opérations planifiées qu’il avait étudié à l’académie militaire impériale. Une carrière qu’il avait poursuivie dans l’espoir d’acquérir une bonne éducation ; mais qu’il avait abandonnée après que son père fut assassiné. Assassiné, la tête placée sur une pique, s’offrant au regard de tous. Kyle n’avait pas été là ce jour-là, mais il avait vu un holo, et l’image hantait ses pensées depuis.
Le destroyer stellaire impérial semblait grossir à vue d’œil. Des vaisseaux de soutien entouraient le vaisseau et projetaient un feu nourri. Kyle vit qu’ils avaient formé une bulle protectrice autour du destroyer, qui, bien que lourdement armé, était temporairement vulnérable à cause des dommages visibles sur sa proue et de son besoin de lancer et de rapatrier des chasseurs TIE, dont la plupart étaient occupés ailleurs.
Soudain, Kyle le trouva. L’endroit parfait pour se cacher, bien que l’ennemi saurait exactement où les trouver. Ils ne resteraient pas là éternellement ; juste assez longtemps pour que les chasseurs rebelles puissent faire leur arrivée.
— Jan ! Luke ! Dirigez-vous vers le centre de leur formation, puis passez entre lui et le destroyer. Puis passez entre le destroyer et son escorte, et maintenez la position aussi longtemps que possible.
Skywalker effectua un virage serré, ouvrit le feu sur un chasseur TIE, et remarqua qu’il s’agissait d’un des derniers modèles : un chasseur TIE/ct, si sa mémoire était bonne. Il considéra la suggestion de l’agent rebelle. L’idée semblait suicidaire au premier abord, jusqu’à ce que la beauté de la chose le frappe. En se plaçant entre le vaisseau mère et son escorte, ils forceraient les impériaux à rompre leur formation et à se tirer les uns sur les autres en tentant d’abattre les vaisseaux rebelles ou tout simplement à cesser le feu !
— Bonne idée, Kyle… si nous arrivons jusque-là en un seul morceau. Je me lance…
Han Solo s’assura que le groupe d’attaque rebelle était toujours en chemin, et se tourna vers son compagnon.
— Faisons une vérification de dernière minute, Chewie. Comment se porte ce coupleur d’énergie ? Je détesterais le voir griller pendant qu’on est poursuivi par deux chasseurs TIE.
Bien qu’il était capable de comprendre le basique, Chewbacca ne parvenait pas à le parler.
Il grogna, frappa quelques boutons, et pointa un écran du doigt. Han se renfrogna.
— Oui, je sais lire, mais le fait qu’il fonctionne en ce moment ne prouve pas qu’il continuera de fonctionner indéfiniment.
Chewbacca émit un son plaintif. Il commença à détacher son harnais, et s’arrêta lorsqu’une voix résonna sur la fréquence de groupe.
— Médipac-Un à Groupe Leader…
Han esquissa un sourire. Il n’avait pas tellement de temps pour des subtilités telles que des noms de code. Ceci étant, le second escadron, en grande partie composé de blessés, avait choisi le sien.
— Je vous reçois, Médipac-Un… allez-y. Terminé.
— Les bandits sortent pour jouer... vingt… peut-être plus. Terminé.
Han maudit les problèmes d’accélération du Faucon Millénium, qui était protégé par un écran d’Ailes-Y. Il aurait aimé voir l’ennemi de lui-même. Mais cela n’avait aucun sens ; pas avec une telle unité improvisée. Le commandement serait crucial, et il n’y en aurait aucun s’il se faisait tué durant les quelques premières minutes de combat.
— Bien reçu… vous en verrez d’autres car les chasseurs de l’Espoir commencent à sortir. Souvenez-vous, ne laissez pas les impériaux nous éparpiller. Ciblez le destroyer.
— Bien reçu, dit Médipac-Un sur un ton joyeux qui ne l’était pas vraiment. Engageons la cible.
Les quinze minutes suivantes furent les plus longues de la vie de Han. Médipac-Un et son escadron encaissèrent la première vague d’assaut, perdant deux Ailes-X au passage. Le poids de trois escadrons au complet, peu importe leurs apparences aléatoires, était difficile à contrer.
L’officier en charge du groupement impérial envoyait continuellement des duos de chasseurs TIE afin de repousser les chasseurs rebelles et ainsi affaiblir la contre-attaque.
Han, qui avait les instincts d’un loup solitaire et qui détestait recevoir des ordres, se trouvait dans la position quelque peu ironique de maintenir une discipline sans faille. Les pilotes qui succombaient à la tentation, ou qui se retrouvaient séparés de la formation involontairement, devaient se débrouiller tout seul tandis que le groupe d’attaque enfonçait les vagues successives de chasseurs TIE. Les plus audacieux, trop nombreux pour être recensés, rompaient la formation de leur plein gré.
— Vire à droite, Médipac-Trois ! Tu en as un aux trousses !
— Yahoo ! Prends ça, sale nigaud d’impérial…
— Attention, à six heures… deux chasseurs en approche rapide.
— Hé, toi ! Dans l’Aile-Y… Suis-moi !
— Ça fait mal… ça fait si mal…
— Je m’en occupe, Bleu Six… Cramponnez-vous…
Puis, à travers le micmac du trafic com, Han entendit la réponse qu’il attendait.
— Médipac-Quatre à Groupe Leader, j’ai un visuel sur le groupe d’attaque impérial… je répète : j’ai un visuel sur le groupe d’attaque impérial.
Han pencha le Faucon afin d’éviter les restes d’un chasseur TIE puis en abattit un autre. Il adressa alors une pensée à Luke. Tiens bon, gamin… on y est presque.
L’Aile-X tangua de droite à gauche, esquiva des tirs, et continua sa progression. Luke pouvait presque entendre la voix de Yoda. Un modèle des choses à faire tu dois avoir. Par la structure subatomique de la pierre dans ta main, tu dois commencer, et tes perceptions aux étoiles elles-mêmes, tu dois étendre. Hum, voilà. Trouve le motif, comprend la manière dont il a été tissé, et sur ton chemin, plus rien ne se dressera.
Chacun des vaisseaux impériaux possédait son propre centre de contrôle de tir, et chacun de ces centres était relié à un ordinateur à bord du destroyer. Alors que cette stratégie faisait un usage maximal de l’armement de l’unité d’attaque, elle créait également un motif que Luke pouvait ressentir.
L’objectif était de diriger son esprit vers la compréhension des sous-motifs individuels qui contribuaient au tout, mais il fallait le faire sans pensée consciente, car celles-ci prenaient du temps et conduisaient au doute. Ceci étant, Luke « sentit » où diriger son vaisseau, ouvrit le feu lorsque son instinct le lui dictait, et parvint à se frayer un chemin à travers un labyrinthe de rayons laser. Le Corbeau Usé, en un seul morceau et dans le sillage de Luke, suivait le mouvement.
Jan, qui jonglait avec les différentes manettes de contrôle, prit la parole.
— Tu as vu ça ? C’est comme s’il savait exactement où aller.
Kyle, qui avait fait énormément de progrès concernant ses propres talents, hocha la tête d’un air admiratif.
— C’est parce qu’il le sait. Ne le lâche pas.
Jan ouvrit le feu. Elle cligna des yeux lorsque le Corbeau fonça à travers l’explosion résultante, et vit le destroyer grossir à vue d’œil. Les vaisseaux rebelles avaient déjà pénétré l’écran défensif externe et s’attaquaient au second écran.
Des lumières se mirent à clignoter lorsqu’un fragment de chasseur TIE heurta les boucliers déflecteurs. L’impact provoqua une surcharge dans le vaisseau ennemi et le chasseur décrivit des tonneaux sur une trajectoire aléatoire…
Le capitaine de la marine impériale Purdy M. Trico scrutait les écrans holo et écoutait le trafic des communications. Il se demandait pourquoi les dieux avaient décidé de l’abandonner. Il posa sa main sur une bosse dans son uniforme. L’amulette avait toujours fonctionné jusqu’à maintenant. Qu’est-ce qui avait changé ?
La structure de pouvoir impérial désapprouvait les divinités, quelles qu’elles soient, surtout celles qu’on croyait être plus puissantes que l’état. Mais cela n’avait pas empêché Trico de vénérer les mêmes entités que ses ancêtres vénéraient. Pas à l’académie, où de telles croyances pouvaient provoquer l’exclusion, et pas non plus durant les années suivantes où une telle découverte aurait ruiné sa carrière.
Alors pourquoi les dieux l’avaient-ils abandonné à ce moment précis ? Pourquoi Mugg, Bron, et le grand Pula permettaient-ils au vaisseau rebelle de pilonner son destroyer ? Et alors qu’il tentait de trouver refuge dans un système solaire ravagé par la guerre, pourquoi l’avaient-ils maudit avec un cuirassé ? Sans oublier cette nuée de chasseurs ennemis. En ce moment même, deux vaisseaux rebelles étaient en train de percer à travers ses défenses comme s’ils étaient invincibles. La rêverie, qui avait duré à peine plus de quelques secondes, prit fin lorsque son commandant en second attira son attention.
— Navré de vous déranger, monsieur… mais le cuirassé rebelle a quitté l’orbite et se dirige vers nous.
Trico venait d’un monde à lourde gravité, et étant de la quatrième génération, il avait le physique d’un haltérophile. Ses muscles se contractèrent alors qu’il tentait de réprimer son envie de briser la nuque de l’officier.
— … “a” quitté l’orbite ? Vous avez dit “a” ? Pourquoi n’ai-je pas été averti de ce changement au moment où il est survenu ?
Le commandant en second trouvait ça difficile à avaler. Bien qu’il fût plus compétent que d’autres, Trico avait la réputation d’être aussi sévère que la lanière d’un martinet.
— Car nos chasseurs tentaient alors d’intercepter les rebelles… monsieur.
Trico pouvait entendre les dieux rire. Il se força à conserver une voix ferme.
— Vous les avez laissés faire ? Aucun de nos chasseurs n’a reçu l’ordre de surveiller le cuirassé ? Un vaisseau qui, bien qu’ancien, dispose d’une coque plus épaisse que la nôtre et d’un puissant système d’armement ?
Le commandant en second se mit à trembler.
— Ce n’est pas ma faute… je pensais que…
Un trou apparut au centre du front de l’officier, et ses yeux louchèrent tandis que son regard se levait en direction de l’impact. Le corps émit un bruit sourd en heurtant le sol.
Trico rangea son arme et leva les yeux pour découvrir que les vaisseaux rebelles, les mêmes qu’il avait observé plus tôt, n’avait pas seulement pénétré ses dernières défenses, mais l’avaient fait avec impunité. Son index trembla en pointant l’holo du doigt.
— Qu’est-ce que vous attendez ? Détruisez-les !
— Oui, monsieur, répondit l’officier en charge du système d’armement. Devons-nous détruire également nos escortes ?
La question semblait insubordonnée, mais ne l’était pas.
Trico regarda à nouveau les vaisseaux ennemis. Il réalisa que les rebelles avaient pris des positions spécifiques, et lâcha un terrible juron.
— Pula, emporte-les ! Je leur apprendrais le respect… Rompez la formation !
L’équipage de pont savait que c’était une erreur, mais personne n’avait le courage de le dire. Pas avec le corps du commandant en second gisant encore sur le sol. Les ordres furent retransmis et exécutés. Lentement, avec une fierté appropriée à un vaisseau de cette taille et de cette importante, un fossé se creusa entre le destroyer et ses escortes.
Luke vit le mouvement. Il comprit ce que ça signifiait et pressa la pédale des gaz. L’Aile-X fonça en ligne droite.
— Jan ! Kyle ! Suivez-moi !
Jan enfonça la manette d’accélération au maximum. Il sentit les forces de gravité la presser contre le dossier de son siège et murmura une prière silencieuse.
Des rayons d’énergie partaient dans tous les sens tandis que le Destroyer et ses escorteurs faisaient cracher leurs batteries principales. La lumière éblouissante créée par les faisceaux d’énergie destructeurs assombrissait les écrans tactiques des rebelles et les forçaient à procéder en aveugle. Leurs boucliers déflecteurs scintillèrent à la limite de la surcharge mais tinrent bon. Le temps sembla ralentir…
— Groupe Leader au Commandement, dit Han. Nous sommes proches de l’ennemi et nous préparons à engager. Le destroyer a rompu la formation et baissé ses boucliers déflecteurs afin que les chasseurs puissent rentrer aux hangars. Il s’éloigne maintenant de nous. Je recommande que vous fassiez intervenir l’Espoir.
Mon Mothma regarda le capitaine Tola et attendit la décision du Mon Calamari. Cela avait été une erreur de quitter l’orbite sans même le consulter… une erreur qu’elle refusait de reproduire. Oui, elle savait ce qu’elle ferait dans une telle situation, mais la décision revenait au capitaine.
Leia retint son souffle. Elle était soulagée que la décision revienne à quelqu’un d’autre, et elle faisait de son mieux pour paraître indifférente.
Le capitaine Tola, attentif au silence qui s’était abattu sur le pont, fit un petit hochement de tête. Le cuirassé avait beau être une pièce de musée, les forces étaient rééquilibrées.
— Vous avez entendu le général. C’est l’occasion que nous attendions ! Il y a un destroyer là-bas. Donnons-lui une leçon d’histoire.
Le capitaine Trico était furieux.
— Vous les avez manqués, bandes d’incapables ! Deux vaisseaux, et vous les avez manqué tous les deux ! Vous êtes incompétent, et vous faites honte à ce vaisseau.
— Le cuirassé se prépare à faire feu, monsieur, répondit désespérément l’officier en charge des systèmes d’armement. Je recommande que nous rejoignions nos escortes, ou que nous fassions passer tout notre groupe d’attaque en hyperespace.
— Et condamner plus d’une centaine de pilotes TIE ? demanda froidement le capitaine Trico. Avez-vous perdu l’esprit ? Ou avez-vous simplement perdu votre sang-froid ?
Trico voulait dégainer son blaster afin d’éliminer un autre officier incompétent, mais un technicien des communications l’interrompit.
— Ils arrivent, monsieur ! Des chasseurs rebelles et un cuirassé !
Trico se retourna, le visage tordu par la colère, son index pointé comme le canon d’une arme. L’équipage de pont afficha des visages pâlis.
— Vous tiendrez vos positions et vous vous battrez ! J’abattrai personnellement le premier homme qui quitte son poste.
L’officier des systèmes d’armement regarda ses subordonnés du coin de l’œil. Il savait qu’ils ne le soutiendraient pas. Il se tourna vers les consoles de contrôle.
— Vous avez entendu le capitaine. On a du boulot.
La bataille qui s’ensuivit dura plus de trois heures… mais son issue ne fit jamais le moindre doute.
Coupé de ses escortes, et ne disposant que d’une poignée de chasseurs TIE pour le défendre, le destroyer, déjà largement affaibli, devint vulnérable. Et pourtant, les impériaux continuaient le combat, non pas vaillamment, mais parce que Trico les poussait à le faire.
Finalement, après que la coque ait été ébréchée plusieurs fois et que plus de la moitié des batteries se soit tue, l’officier des systèmes d’armement, conscient que les caméras du pont avait capturé le comportement excentrique de son commandant et certain de la confiance que l’équipage lui accordait, prit les choses en mains.
Le capitaine Trico hurlait encore les noms de ses dieux lorsqu’un tir de blaster perça un trou dans son cerveau. Une offre de reddition sans condition suivit deux minutes plus tard.
Le turbo-ascenseur s’arrêta. Les portes coulissèrent et les rebelles entrèrent dans le corridor. Kyle fit deux pas et s’immobilisa. Jan le percuta. Elle s’apprêtait à dire quelque chose lorsqu’elle comprit pourquoi.
Plus de cent chasseurs impériaux avait attaqué le Nouvel Espoir… mais un seul avait réussi à pénétrer la coque. Les panneaux solaires du vaisseau avaient été arrachés, mais le nez de l’appareil débordait sur la passerelle. Le pilote, toujours visible à l’intérieur, était affalé sur son panneau de commande. Sa visière était levée, et Jan vit qu’il s’agissait tout juste d’un jeune homme, un seul sur les cent qui avait péri durant la bataille – une bataille qui avait duré douze heures. Une voix retentit derrière lui. Elle appartenait à un soldat dont l’uniforme était noirci de fumée. Il tenait un cutter à fusion dans la main et faisait partie d’un groupe de contrôle des avaries.
— Bizarre, hein ? On a pris une torpille au même endroit. Elle a percé un trou dans la coque, et ce chasseur l’a colmaté cinq minutes plus tard. Tout ce qu’on avait à faire, c’était combler les trous avec un enduit à prise rapide, pressuriser la passerelle, et voilà ! Un parfait rapiéçage ! Vous pourrez raconter ça à vos enfants.
Jan acquiesça poliment. Elle pensa aux petits-enfants que les pilotes impériaux n’auraient jamais, et suivit Kyle à travers le couloir. Elle avait tué des hommes semblables à ce pilote – beaucoup – et rêvait que tout cela prenne fin un jour.
Kyle fut forcé de baisser la tête pour passer sous des câbles temporairement branchés, de se frayer un chemin entre des équipes de réparation, et de laisser passer les droïdes de réparations de haute priorité. L’air sentait l’ozone, l’enduit, et la fumée. En dépit du fait que le cuirassé avait encaissé beaucoup de dégâts, l’agent était interloqué par les sourires amicaux, les hochements de tête, et les signes de main de ceux qu’il croisait. Ils avaient subi de lourdes pertes, des pertes douloureuses, mais ils étaient victorieux. Cette histoire prendrait vite de l’ampleur, et résonnerait bien après leur mort. Les sentinelles stationnées devant la cabine de Mon Mothma vérifiaient les accréditations et, à la surprise de Kyle, elles lui permirent de conserver à la fois son arme de poing et son sabre-laser. Une preuve de confiance qui, à la différence de ceux qui l’accompagnaient, ne lui avait jamais été accordée auparavant.
Jan savait ce qu’il pensait et lui fit un clin d’œil. Kyle lui répondit par un sourire. Jan, plus que quiconque dans l’univers, lisait en lui comme dans un livre ouvert. Leurs mains se touchèrent, et Luke, qui était le dernier à traverser la porte, ne put s’empêcher de sourire. Ces deux là étaient faits l’un pour l’autre… et il espérait qu’ils vivraient suffisamment longtemps pour réaliser leurs ambitions.
Le compartiment avait été conçu pour répondre aux besoins des amiraux aux devoirs de cérémonie. Ceci étant, il était spacieux. Malgré le fait que le vaisseau avait subi une complète révision l’année précédente, il disposait de ressources trop limitées pour qu’on se soucie de la décoration. Les draperies, dont beaucoup étaient âgées de plus de cent ans, ne semblaient pas du tout à leur place. Plus particulièrement au vu du style non ostentatoire de son occupant actuel. Mon Mothma, que Kyle avait déjà rencontré auparavant, s’avança pour l’accueillir.
— Kyle… c’est bon de vous voir, Jan… comment allez-vous ? Vous connaissez Leia… Mais avez-vous déjà rencontré Han Solo ?
Jan ne l’avait jamais rencontré, mais elle avait déjà entendu parler de lui. Elle lui serra la main.
Luke enlaça Leia et se tourna vers Kyle.
— Kyle, je voudrai vous présenter ma sœur, Leia Organa Solo, et mon ami Han Solo.
Kyle leur serra la main et tenta de faire abstraction du fait que leurs visages étaient connus dans toute la galaxie. Tous deux arboraient le même visage que lui : celui de la fatigue, de l’usure. Mon Mothma déclara l’ouverture de la réunion.
— Je sais que vous avez tous besoin de repos, alors ne perdons pas de temps. Han, je suppose que Leia vous a briefé là-dessus, mais n’hésitez pas à poser des questions. Kyle, Luke m’a dit que vous n’avez pas seulement confirmé l’existence de la Vallée des Jedi, mais que vous êtes parvenus à en obtenir les coordonnées. Félicitations ! L’Alliance a une nouvelle dette envers vous.
Kyle se souvenait du voyage presque fatal dans les profondeurs de Nar Shaddaa, du pillage de la ferme de son père, du duel contre le Jedi Noir Yun, de la confrontation avec le droïde 8T88, de la bataille contre Gorc et Pic, et de l’endroit plutôt déplaisant où il avait fini par récupérer les coordonnées. Le fait que Mon Mothma pouvait résumer toute la chose en une seule phrase l’épatait. Mais il était vrai que de son point de vue, seuls les résultats comptaient. Il haussa les épaules.
— Merci, mais Jan mérite au moins la moitié des lauriers.
Jan rougit, et Mon Mothma sourit.
— En fait, il se trouve que c’est Jan, avec le soutien de Leia et Luke, qui m’a convaincue de vous laisser carte blanche pour cette mission. Peut-être le saviez-vous déjà ?
Kyle ignorait ce fait, même s’il aurait pu le deviner, étant donné que Mon Mothma avait éprouvé beaucoup de soupçons quant à ses motivations. Ce fut son tour de rougir, et c’est Han qui répondit.
— Ne te laisse pas faire, gamin… ils se méfient de moi également !
Tous rirent, y compris Mon Mothma.
— Alors, Kyle, nous savons désormais où se trouve la Vallée des Jedi. Et maintenant ?
Kyle avait anticipé ce moment et avait préparé son discours.
— Une bataille a été livrée sur la planète Ruusan il y a plus de mille ans. Une bataille livrée par deux armées de Jedi. En quelque sorte (Et là, l’agent tourna son regard vers Luke), et personne ne sait comment, le pouvoir de ces deux armées s’est retrouvé piégé au cœur de la Vallée. Un Jedi Noir du nom de Jerec a dérobé les coordonnées depuis la ferme de mon père, et il ne fait aucun doute qu’il s’en est déjà servi. S’il parvient à drainer le pouvoir contenu là-bas, s’il parvient à le maîtriser, nous assisterons à l’avènement d’un empire qui fera passer l’actuel empire galactique pour un gouvernement éclairé.
— Oui, dit Mon Mothma d’un air impatient, nous sommes conscients de la menace. Quelle mesure pensez-vous que nous devrions prendre ?
Kyle n’était pas si sûr que Han connaissait tous les faits… mais il décida d’écourter son discours.
— Je propose que nous nous rendions sur place, avec Jan si elle est d’accord, et que nous trouvions un moyen de l’arrêter. Nous l’avons fait sur Danuta… nous pouvons le refaire sur Ruusan.
Mon Mothma repensa à la mission sur Danuta. L’affaire avait été laborieuse, mais les agents avait localisé les plans de l’Etoile de la Mort et les avait rapporté. Un accomplissement qui, combiné aux informations glanées par les autres agents, permirent aux rebelles de remporter la Bataille de Yavin. Le duo avait été chanceux, très chanceux, et il était peu probable qu’il le soit à nouveau.
— J’admire votre bravoure, Kyle, sans oublier votre dévouement à la cause rebelle, mais les chances ne sont pas en votre en faveur. Vous pouvez être sûr que Jerec dispose d’un destroyer, et qui sait de combien de vaisseaux de soutien et d’autres troupes d’assaut. Non, ce dont nous avons besoin, c’est d’un groupement tactique pleinement équipé.
— Une idée intéressante, dit doucement Leia, mais où le trouverions-nous ? Nous disposons de peu de vaisseaux.
— Exact, reconnut Mon Mothma d’un air pensif, mais considérez l’alternative. Comment Kyle et Jan passeraient-ils le barrage de vaisseaux ? Et même s’ils y arrivaient, que feraient-ils à la surface ? Nous ignorons beaucoup de choses sur cette planète, mais une chose est sûre : il n’y a aucune population civile susceptible de nous cacher.
Luke avait une expression distante, presque distraite. C’est lui qui brisa le silence qui s’était installé.
— Tout ce que Mon Mothma dit est vrai… mais la vérité a plusieurs visages. Le pouvoir que Jerec cherche à saisir émane des esprits piégés au cœur de la Vallée… des esprits qui doivent être libérés. Si Kyle parvient à libérer les esprits, la menace disparaîtra. Tout ça sans même mettre en place un groupement tactique. Facile ? Non, mais ce genre choses suit un courant, un courant qui est mû par un pouvoir unique.
Le Jedi scruta les visages tournés vers lui.
— On m’a dit qu’il existe une espèce sur Ruusan, une espèce qui possède une longue histoire, dont la plus grande partie a été décrite dans une chose qu’ils appellent le poème des âges. Il y a de nombreuses prophéties contenues dans la fin du poème, y compris une qui dit « Et un chevalier viendra, une bataille sera livrée, et les prisonniers seront libérés ». Ils croient que cette prophétie fait référence à la Vallée… et je suis d’accord.
Kyle avait déjà entendu ces mots avant, mais il sentit quand même un frisson parcourir son échine. Il se demandait s’il devait se sentir fier ou bien très, très effrayé. La seconde possibilité semblait plus logique.
Mon Mothma soupira. Certes, elle savait que la vie était bien plus que ce qu’elle pouvait entendre, toucher, goûter, ressentir, et voir. Elle savait que certains individus – Luke étant un parfait exemple – possédaient ce qui pouvait être décrit comme des sens ampliatifs. Mais le savoir et l’accepter étaient deux choses différentes. Elle préférait l’accès direct aux informations fiables qui lui permettaient de prendre d’importantes décisions, et cette décision était extrêmement importante. De plus, si Luke disait une chose, c’était généralement vrai. Elle esquissa un sourire forcé.
— OK, étant donné les problèmes mentionnés précédemment, comment Kyle et Jan atteindraient-ils la surface de la planète ?
Han se racla la gorge. Sa voix était enrouée car il avait passé douze heures à donner des ordres.
— S’il est vrai que le barrage de vaisseaux arrêterait l’un de nos vaisseaux, un vaisseau impérial passerait sans problème.
Kyle saisit rapidement l’idée.
— Han a raison ! Nous pourrions arrimer le Corbeau à bord de l’un des transports capturés, livrer des fournitures, et s’éclipser… c’est parfait !
— Pas si vite, dit Mon Mothma avec circonspection. Ne sous-estimez pas les impériaux. Le transport serait interpellé, et faute des codes d’identification corrects, il serait fouillé.
— C’est vrai, ajouta Jan, mais chaque commandant veut toutes les fournitures qu’il ou elle peut embarquer, plus particulièrement lorsqu’il s’agit de munitions. Si un transport sort d’hyperespace et leur offre un chargement de torpilles à protons, les impériaux se jetteront dessus. Surtout si le vaisseau et l’équipage semblent réglo.
Mon Mothma fronça les sourcils.
— Des torpilles à protons ? Vous plaisantez… et si on utilisait plutôt des rations de survie ?
— Certaines rations de survie sont tout aussi mortelles, dit Han sur un ton blagueur, mais je comprends votre inquiétude. Et pourquoi pas des torpilles spéciales ? Le genre qui explose dans un tube de lancement ?
— Exactement ce que j’ai à l’esprit, dit Jan.
— Alors c’est réglé ?
Mon Mothma regarda tout autour de la table et vit chacun de ses invités hocher la tête. Elle ajouta son approbation à celles des autres.
— Une dernière question. Qui va se charger de transporter l’équipage ? Et plus important encore, qui le commandera ?
— Je me porte volontaire pour commander, répondit Han hâtivement. Ça pourrait être drôle.
— Et le temps nous manque, ajouta Mon Mothma. Nous ne pouvons nous permettre de vous laisser partir dès maintenant.
Leia, consciente du fait qu’elle était plus qu’un peu biaisée, acquiesça. Han regarda dans sa direction mais choisit de garder le silence.
— Je trouverai des volontaires, ajouta Jan. Des gars qui ont travaillé aux Opérations Spéciales.
— Parfait, dit Mon Mothma, heureuse de déléguer au moins une tâche à quelqu’un d’autre. Quelque chose à ajouter ?
— Juste une chose, répondit Kyle avec discrétion. Souhaitez-nous bonne chance… j’ai le pressentiment qu’on va en avoir besoin.
Chapitre Trois
La lumière du soleil se reflétait à la surface d’un océan de verre scintillant. Du verre qui avait jadis fait partie de dômes irisés, d’imposants minarets, d’arches grimpantes, de tours gigantesques, et d’autres structures qui composaient la cité. Une cité réduite en un océan de lave synthétique, tandis que les canons laser impériaux déversaient une pluie destructrice sur la métropole jadis magnifique.
Le résidu résultant était plus épais aux endroits où s’étaient dressés des bâtiments, et plus fin au niveau des banlieues, où la base militaire avait été établie.
Le passé était encore visible sur une colline où un temple presque translucide resplendissait d’une beauté émeraude, sur un sommet où une statue à moitié fondue tendait une main vers les cieux, surplombant une plaine silicone où des essaims isolés d’habitations étaient encore intacts.
Le prisonnier 272-20-136 relâcha les commandes et attendit que le bruit du marteau s’évanouisse. Puis, avec prudence, l’homme inspira profondément et retira son masque. Milagro disposait d’une atmosphère fine, ce qui expliquait pourquoi lui et les autres prisonniers avaient la permission de travailler sans leurs jambières de fer. Il n’y avait nulle part où aller – pas sans air.
Le prisonnier essuya son front avec un vieux bout de tissu, remit son masque, et vérifia le verrou. L’air laissait un goût cuivré dans sa bouche. L’unité com était intégrée au masque, et la voix synthétique qu’elle produisait faisait partie de sa vie.
— Ceci était une pause non autorisée, unité 136. Vingt-sept secondes seront déduites de votre prochain temps de repos.
Le prisonnier tourna la tête pour regarder au-dessus de son épaule et vit qu’un droïde de détention s’était approché dans son dos. La machine ressemblait à une poubelle flottante et affichait un comportement approprié à son image.
— Mon nom est Obota, Alfonso Obota.
— Non, répliqua le droïde sur un ton inexpressif, c’est ce que vous étiez et pourriez redevenir. En ce moment vous êtes l’unité 136, et le membre de mon équipage le plus susceptible d’être puni. Veuillez reprendre le travail.
Obota commença à objecter et finit par se raviser. Il avait suffisamment de problèmes comme ça. Le prisonnier saisit le guidon et enclencha le marteau. L’antenne com nécessitait six piliers, chacun soudé à la surface du sol. Sa fonction était de forer à travers un manteau de verre en fusion épais de trois mètres. La foreuse crépitait lourdement, le bruit étant étouffé par la fine atmosphère. Des projectiles de verre arrosaient les jambes d’Obota.
Ses jambes tremblaient, mais il savait qu’il ne valait mieux pas s’arrêter. Il avait à peine foré un trou d’un mètre de profondeur lorsqu’une voix résonna dans ses oreilles.
— Tu es demandé à la baraque d’administration, unité 136… sur le champ.
Surpris, mais néanmoins heureux de faire une pause, Obota se mit à trotter. Tout ce que le prisonnier faisait devait se faire « sur le champ ». Tout retard dans ses tâches conduirait certainement à une punition semblable à celle que les droïdes de détention dispensaient avec logique.
La base, qui avait été établie trois mois auparavant, consistait en soixante-trois bâtiments en préfabriqué. C’était un endroit vaste qui abritait une zone d’amarrage, un hangar de réparations, des batteries de missiles air-sol, des baraquements, et un centre de détention militaire.
Généralement animé, l’endroit semblait encore plus animé après la bataille, car le personnel luttait pour s’occuper des chasseurs stellaires endommagés, qu’une procession funéraire se frayait un chemin à travers une rangée de tombes récemment creusées, et qu’une compagnie d’infanterie marchait le long d’une route de parade jonchée de lavande.
Le bâtiment vingt-trois faisait office de quartier général pour le centre de correction militaire, aussi appelé CCM. Tout comme les structures voisines, le bâtiment vingt-trois avait un sas pressurisé externe, des murs pneumatiques, et un faisceau protecteur.
Obota attendit que le sas s’ouvre, partagea le couloir avec un droïde administratif, et entra à l’intérieur. L’intérieur était d’un vert à faire vomir. Une longue liste de choses que personne n’était censé faire défilait le long d’un écran, et le sol, que plusieurs prisonniers avaient nettoyé jusqu’à devenir étincelant, continuait à droite et à gauche.
Le droïde, qui bénéficiait de privilèges que les humains n’avaient pas, choisit d’aller à droite. Les crampons de la machine émettaient un couinement et laissaient des traces noires sur le sol immaculé. Obota retira son casque, le fixa à sa ceinture, et s’approcha de la porte en panneau de fibres. Le panneau disait :
MMC 63
L’HONNEUR À TRAVERS LA DISCIPLINE
Frappez avant d’entrer.
Obota frappa trois fois à la porte, hurla « Prisonnier 272-20-136 au rapport comme vous l’avez ordonné, monsieur ! » et attendit la réponse.
— Entrez.
Obota ouvrit la porte, et fit un pas à l’intérieur. Un officier à l’air exténué hocha la tête, consulta son datapad, et leva les yeux à nouveaux.
— Suivez ce couloir… quatrième porte à droite. Au trot.
Obota aurait aimé demander pourquoi, mais il se ravisa.
— Monsieur ! Oui, monsieur !
Obota fit volte-face, passa à travers l’embrasure de la porte, et longea le couloir. L’officier regarda la porte se refermer, curieux de savoir ce que ses supérieurs pouvaient bien vouloir à un pauvre rebus, et retourna finalement à son travail.
Obota longea le couloir, trouva le bureau qu’il cherchait, et découvrit qu’il était inoccupé.
Tenez-vous prêt et patientez.
Une phrase qui aurait pu faire office de devise pour le MMC.
Il y avait des chaises, et Obota sentit un désir intense de vouloir s’asseoir sur l’une d’entre elles. Mais c’était contre les règles. Des règles que la compagnie faisait respecter à travers l’usage d’holocams installées dans chaque coin de la pièce. Ceci étant, le prisonnier se mit dans une position moins fatigante, choisit un endroit vierge sur le mur, et se força à le fixer du regard.
Une minute passa, puis cinq, puis dix. L’avaient-ils oublié ? Obota s’apprêtait à conclure que c’était le cas lorsqu’il entendit des voix et que le sol en fibre se mit à vibrer sous ses bottes. Il se manifesta tandis qu’un sergent technicien et deux civils entraient dans le bureau. Pas par courtoisie – mais parce que les prisonniers honoraient tout le monde.
Obota décida d’ignorer le sergent technicien et de concentrer son attention sur les civils. C’était eux qui l’avaient fait appelé – du moins le supposait-il – et c’était d’eux dont il fallait se méfier.
Pourquoi avait-il été appelé ? Que lui voulaient-ils ? Impossible à savoir. Les deux civils portaient des combinaisons de vol quelconques et arboraient des visages inexpressifs. Et qu’est-ce qui pendait sur le flanc de l’homme ? Un sabre-laser ? Voilà quelque chose d’inhabituel.
Le sergent hocha la tête à l’attention d’Obota.
— Le voilà… avez-vous besoin d’autre chose ?
La femme secoua la tête.
— Non, sergent, ce sera tout.
Le sergent hocha la tête, quitta la pièce, et referma la porte derrière lui. La femme consulta un datapad portatif, leva les yeux, et croisa le regard d’Obota.
— Mon nom est Jan Ors. Voici Kyle Katarn. Vous êtes Alfonso Luiz Obota, numéro de service 272-20-136, originaire du système Adega. Vous étiez le quatrième de votre classe à l’Académie Marchande, promu troisième officié sur un cargo, et vous avez refusé de rejoindre l’Alliance. Tout ça il y a plus d’un an. Vous avez accepté une commission en tant que second lieutenant, vous êtes devenu le second officier sur un transport des Opérations Spéciales nommé La Fierté d’Aridus, et vous avez mené une mutinerie il y a de cela dix mois standards. Ai-je omis quelque chose ?
Obota se souvenait du visage du capitaine Nord, des gouttes de sueur qui coulaient le long de son front, et de la manière dont ses mains tremblaient. L’Aridus, désormais rebaptisé Esprit de Solaris, avait décollé et, sous la couverture d’un transport livrant une cargaison complètement légale, avait déployé une équipe des Opérations Spéciales. Ils étaient partis depuis six heures et deux minutes, deux minutes de plus que le plan l’avait prévu, et Nord voulait décoller. Décoller et laisser douze hommes et femmes à leur sort sur une planète qui grouillait de troupes impériales. Obota se força à se concentrer sur l’instant présent.
— Madame ! Oui, madame !
Jan acquiesça pensivement.
— La retranscription de votre procès indique que vous avez désobéi à un ordre direct, confiné votre officier commandant dans sa cabine, et pris le contrôle du vaisseau. Exact ?
Obota se souvenait de l’explosion qui avait temporairement illuminé le voile de la nuit. Le son des sirènes et les appels de l’officier des communications tandis que les commandos se précipitaient vers le vaisseau. Il se souvenait de Nord hurlant à l’équipage « Décollez ! Décollez ! Décollez ! » et de son poing frappant la joue de l’officier. Toute la scène avait été enregistrée, et l’enregistrement avait été vu par tout l’équipage du pont.
— Madame ! Oui, madame !
Kyle vit diverses émotions voyager sur le visage du prisonnier. Il était lui-même un renégat, un déserteur dont la tête était mise à prix, et il pouvait imaginer ce qu’Obota ressentait. Le conflit entre le serment qu’il avait prêté et sa vision du bien. Ou était-ce plus compliqué que cela ? Le capitaine Nord avait déclaré que son officier en second avait été insubordonné depuis le début. Un mensonge intéressé ?
Jan leva les yeux de son datapad.
— Les dossiers disent qu’alors que trois des commandos ont réussi à rejoindre l’Aridus et ont été évacués avec succès, des chasseurs TIE ont attaqué votre transport au-dessus de l’atmosphère. Cinq de vos équipiers ont été tués au cours la bataille. Le vaisseau a subi de graves dommages et le passage en hyperespace relevait presque du miracle. Trois vies pour cinq autres… un échange peu équitable, vous ne pensez pas ?
Obota se souvenait de la peur, du carnage, et de la fumée. Il voyait les visages de ceux qui avaient perdu la vie. Il savait qu’ils auraient pu vivre s’il avait obéi aux ordres, et aurait souhaité que sa vie soit prise à la place des leurs.
— Madame ! Oui, madame !
— Alors, dit Jan calmement, sachant comment les choses ont tourné, prendriez-vous la même décision à nouveau ?
— Madame ! Oui, madame !
— Et pourquoi ?
Obota connaissait la réponse – il avait passé d’innombrables nuits à y réfléchir – mais il hésita. Qui étaient ces gens ? De toute évidence, ils étaient des agents sous couverture, mais que cherchaient-ils ? Et pour qui travaillaient-ils ? Ces quelques informations lui donneraient un avantage, mais il n’avait aucun moyen de savoir. Ceci étant, il se contenta de la vérité.
— Parce que ça semblait être la seule chose à faire.
Pendant un moment, un silence s’installa dans la pièce. Jan regarda Kyle. Le Jedi considérait les paroles d’Obota. Pas d’excuses compliquées, pas de rationalisations fantaisistes, pas d’explications intéressées. Il esquissa un sourire.
— Détendez-vous, lieutenant Obota, nous avons besoin d’un officier de pont expérimenté, et vous avez le profil de l’emploi.
Le Noble Transporteur s’extirpa de l’hyperespace et sonda le système solaire isolé à la recherche de vaisseaux. Il y en avait beaucoup, y compris un barrage de vaisseaux, un destroyer stellaire, et un nombre alarmant de chasseurs TIE. La plupart étaient concentrés autour de la quatrième planète en partant du soleil.
Obota, un lieutenant récemment réintégré mais néanmoins investi du titre de « capitaine », avait une sensation désagréable à l’estomac. Certes, il s’était attendu à trouver un groupement tactique impérial, et aurait été déçu dans le cas contraire, mais la vue de tous ces points lumineux rouges sur les écrans de détection continuaient de l’effrayer.
Le message d’avertissement fut presque instantané.
— Ici le destroyer impérial Vengeance… identifiez-vous, ou nous ouvrons le feu.
— Chasseurs en approche rapide, monsieur, déclara un technicien. Une frégate d’escorte a quitté l’orbite et s’approche de nous.
Obota vérifia son uniforme impérial pour s’assurer que les fermetures étaient proprement fixées, ajusta le bandage enroulé autour de sa tête, et scruta le pont. L’équipage de pont portait des uniformes crasseux, des bandages tachés de sang, et du maquillage soigneusement appliqué. Ils paraissaient exténués.
Même un œil novice verrait le rapiéçage improvisée de la coque, les câbles en suspens, et le panneau de contrôle criblé d’impact, et il en devinerait la cause : le Noble Transporteur avait livré bataille.
Un adjudant-maître, qui affichait une ressemblance étonnante avec Kyle Katarn, capta l’attention d’Obota et leva un pouce en signe d’encouragement. L’officier de pont lui adressa un clignement d’œil, se tourna vers l’holoprojecteur, et pressa un bouton.
— Le Vengeance ? Ici le lieutenant Hortu Agar, officier ingénieur à bord du Noble Transporteur. J’ai repris le commandement lorsque le capitaine Drax et la majorité de l’équipage de pont ont été tués.
L’holo tourbillonna, et un vrai capitaine fit son apparition. Il avait de petits yeux, un nez taillé comme un bec, et une bouche en forme de cicatrice.
— Écoutez attentivement, lieutenant, quel que soit votre nom… Je veux les codes d’identification et je les veux maintenant.
Le destroyer ouvrirait-il vraiment le feu sur eux ? Obota avait rejeté à cette possibilité plus tôt, mais il commençait maintenant à douter. Le désespoir dans sa voix était authentique.
— J’ignore les codes, monsieur ! Ils sont confiés aux personnes ayant une certaine accréditation, et les officiers ingénieurs n’ont pas une accréditation suffisante pour les recevoir ! Nous étions en route pour Byss lorsque les rebelles nous sont tombés dessus. Nous les avons combattus… mais en vain. Le pont a reçu un tir direct. Alors, étant donné le fait que nous transportons un chargement entier de torpilles à protons, j’ai pensé que…
— Avez-vous dit “torpilles à protons” ? demanda l’impérial.
— Eh bien, oui, répondit Obota innocemment, deux cent cinquante torpilles à protons pour être exact, venant tout droit des usines du Secteur des Corporations. C’est pourquoi…
— Assez, ordonna l’officier. Un groupe d’abordage viendra inspecter votre vaisseau, et en supposant que vous dites vrai, des réparations d’urgence seront effectuées. Vous et votre équipage avez bien travaillé, lieutenant… et l’Empire sait être reconnaissant.
Obota tenta de paraître modeste.
— Merci, monsieur.
— Encore une chose, ajouta l’officier.
— Monsieur ?
— Dans quel état est votre baie d’amarrage ?
— Pleinement fonctionnelle, monsieur.
— Excellent. Ces torpilles à protons tombent à pic… Que votre équipage se prépare à être transféré sur un autre vaisseau. Une navette viendra les chercher.
Obota hocha la tête docilement.
— Monsieur ! Oui, monsieur !
— Ce sera tout, dit l’impérial.
L’holo s’estompa. Obota pressa un bouton, s’assura que la communication était vraiment rompue, et se tourna pour être applaudi.
— Une prestation sidérante, dit Kyle avec admiration.
— Ça n’aurait pas pu être mieux, dit Jan tandis qu’elle émergeait de la pénombre. Vous devriez devenir acteur.
— Merci, dit Obota, en faisant une révérence. Mais ce n’était que le premier acte. Le deuxième acte est sur le point de commencer, et notre public arrive.
Une heure après sa sortie d’hyperespace, la baie d’amarrage du Noble Transporteur accueillait la navette d’assaut que l’impérial avait promis d’envoyer.
L’équipage, qui avait déjà effectué plus de vingt simulations d’abordages sur Milagro, était parfaitement en place. Ils disposaient de cartes d’identité contrefaites, de talons, de faux reçus, et d’autres objets que les gens gardaient dans leurs portes-feuilles. Tous étaient humains car les non-humains étaient très rares sur les vaisseaux militaires impériaux, et à l’exception de Jan Ors, tous étaient des hommes, étant donné que peu de femmes étaient autorisées à servir dans les forces armées impériales.
Un équipage qui était supposé s’élever à vingt-cinq hommes avait été réduit à douze, un nombre destiné à refléter les lourdes pertes qu’il avait subi, et également le fait que la marine impériale ne pouvait plus se payer le luxe d’avoir des équipages complets depuis longtemps.
Certes, se disait Obota, les détails sont importants. Avons-nous pensé à tout ? La prochaine heure le dirait…
Des sas se refermèrent et la baie fut pressurisée tandis que la navette d’assaut se posait sur le sol noirci par les répulseurs. Obota attendit que le voyant lumineux devienne vert. Il entendit le klaxon retentir et ouvrit le sas.
L’air émit un sifflement lorsque la pression fut égalisée. Le rebelle se glissa à travers l’ouverture, chercha du regard l’officier supérieur, et se dépêcha de le saluer.
— Lieutenant ! Nous sommes heureux de vous voir ! Bienvenue à bord.
Le lieutenant, qui prenait toute l’affaire à la rigolade, sourit et serra la main à son hôte.
— On dirait que vous en avez vu de belles… navré pour toutes ces formalités.
Jan observait l’échange depuis l’habitacle de pilotage obscur du Corbeau et bidouillait une unité com de fortune. Obota et le lieutenant avaient l’air de très bien s’entendre… mais qu’en était-il du reste de groupe d’abordage ? Leurs visages étaient dissimulés derrière des armures et des visières. Le seul moyen de savoir ce qu’ils étaient en train de se dire était d’épier leurs conversations… et c’était là le rôle de l’unité com.
L’inspection, au mieux succincte, dura environ quarante-cinq minutes. Après une rapide visite du pont, une promenade à travers les zones d’ingénierie, et un rapide coup d’œil aux trous récemment rebouchés, le groupe d’abordage revint à son point de départ. Le lieutenant était du genre bavard – friand de commérages et si fier d’avoir arpenté la surface de Ruusan qu’il ne pouvait s’empêcher de s’en vanter. Et Obota, conscient que ce genre d’informations pouvait s’avérer très utile, écouta attentivement.
Les deux hommes avaient l’air de s’entendre comme larrons en foire lorsqu’ils traversèrent le sas. La baie étant pressurisée, Obota accompagna le lieutenant jusqu’à l’endroit où était stationnée la navette d’assaut ainsi qu’un chargement de torpilles. Tandis qu’il s’auto-congratulait, l’autre officier remarqua le Corbeau. Il le pointa du doigt, et Jan, qui observait la scène à travers les holocams du vaisseau, sentit un frisson parcourir son échine. L’impérial se tourna vers Obota :
— Bon sang, qu’est-ce que c’est que ça ?
Ils s’étaient évidemment attendus à ce qu’il pose la question, mais Obota aurait aimé être mis au courant plus tôt pour ne pas être pris au dépourvu. Il lutta pour recouvrer ses esprits.
— Pas grand-chose à voir, hein ? Nous avons perdu notre vaisseau il y a environ trois semaines. Le capitaine en a réclamé un nouveau, et voilà ce qu’on nous a donné.
Le lieutenant hocha la tête d’un air sympathique.
— Les ressources se font rares, ce qui explique pourquoi l’officier commandant est si content de mettre la main sur ces torpilles. Le groupe dispose d’un armement deux fois moins puissant qu’il ne devrait l’être, ce posera problème lors de la prochaine bataille à grande échelle. Mince, je devrais y jeter un œil, mais c’est tellement ennuyeux.
Kyle, alerté par Jan, et toujours déguisé en adjudant-maître, surgit sur le pont.
— La barge est arrivée ! Ils sont prêts à se poser, monsieur.
La baie était trop petite pour accueillir trois vaisseaux en même temps, alors il fallait se débarrasser quelque chose. Obota s’était attendu à ce que le lieutenant continue son inspection de toute façon, mais ce dernier n’en fit rien, ce qui ravit Obota.
— Merci, capitaine. J’en ai vu suffisamment. J’espère vous revoir bientôt, et je vous souhaite un bon retour.
Obota ne pouvait s’empêcher d’apprécier le lieutenant. Il lui serra la main et entra dans le sas. Kyle fit de même.
Jan les regarda faire et poussa un soupir de soulagement. Elle aurait aimé que cela s’arrête là. Mais l’air avait à peine été pompé hors de la baie et la navette venait à peine de recevoir l’autorisation de décoller qu’une barge cubique fit son apparition. La barge transportait deux humains et douze droïdes monte-charges. Les droïdes n’avaient pas besoin d’oxygène, et il s’agissait d’un aller direct pour les cales, alors Obota laissa la baie dépressurisée. Ce procédé avait l’avantage d’accélérer le travail tout en isolant simultanément les pilotes.
La barge fit trois voyages avant que la dernière torpille soit extraite de la soute du transport. Le vaisseau était libre de partir. Une fois le vaisseau impérial parti, Obota signala son intention d’effectuer lui-même quelques réparations et assigna le Corbeau à une série de courses. Il y avait des pièces à récupérer, des rations à stocker, et une « mission d’entraînement » qui permettait aux agents de survoler l’hémisphère nord de Ruusan.
De telles activités comportaient des risques, mais elles offraient aux rebelles une excellente opportunité d’en apprendre plus sur les opérations impériales et permettaient au Corbeau de se positionner au cœur du schéma général des allées et venues du groupe de combat. L’atterrissage, et tout ce qui s’ensuivit, eut lieu seize heures plus tard.
Ayant reçu les autorisations nécessaires, le Noble Transporteur se sépara du groupement tactique impérial et se prépara à entrer en hyperespace. Personne n’accorda de réelle importance à l’évolution des choses car tout était devenu routinier et ennuyeux.
Et tandis que l’officier des opérations de la flotte prenait note du fait que le transport, en chemin à travers les couches supérieures de l’atmosphère de Ruusan, traversait une zone de sécurité Classe 1, il fit passer cela sur le manque d’expérience du commandant. Il valait mieux ignorer certaines choses ou du moins lui semblait-il. Néanmoins, ce fut pendant ce bref moment durant lequel le cargo passait à proximité de la planète que le Corbeau Usé quitta la baie d’amarrage du vaisseau pour plonger à travers la stratosphère. Jan était aux commandes. Elle parcourut des yeux le panneau de commande, attendit que le Corbeau soit bien à l’intérieur de l’atmosphère, et fit cracher les moteurs.
— Tout va bien pour l’instant, dit Jan.
Kyle acquiesça.
— Ouais, mais ils ne tarderont pas à nous retrouver. Nous devons trouver un endroit où nous cacher.
— Je suis d’accord, dit Jan, mais allons jeter un œil à la colonie d’abord… celle dont le lieutenant a parlé.
— Fort Perdu ?
— Exactement. Un guide pourrait être utile, quelqu’un qui connaît la surface, et c’est l’endroit parfait pour chercher.
— Bonne idée, dit Kyle, mais faisons vite, avant qu’ils n’envoient une escadrille de chasseurs TIE à nos trousses.
Jan hocha la tête et fit descendre le vaisseau dans une fine couche de nuages. WeeGee, le droïde utilitaire que le père de Kyle avait conçu et qu’ils avaient construit ensemble, se plaça au-dessus de leurs épaules pour observer. La machine était capable d’assurer une large variété de configurations, mais elle conservait sa forme de « U ». Son bras droit était son membre le plus puissant. Il intégrait quatre joints articulés et un poing en forme de pince. Le bras gauche était moins puissant mais avait l’apparence d’une main humaine. Un moteur à répulsion permettait à WeeGee de flotter au-dessus du sol. Le droïde émit une série de bips.
— C’est exact, mon garçon, acquiesça Kyle. Ruusan ne ressemble en rien à Sulon.
WeeGee émit un pépiement et s’agrippa à une paroi. Inquiet à l’idée d’être repéré, Kyle vérifia le spectre complet des fréquences com. Il y avait des discussions de routine et des émissions de parasites tandis que des ordinateurs échangeaient des paquets de données à un rythme inimaginable. Et il y avait encore autre chose, quelque chose de si faible, de si intermittent qu’il ignorait si cela provenait d’une source intentionnée. En tout cas, Kyle sentait que c’était intentionnel, et s’il y avait bien quelque chose que le Jedi avait appris, c’était qu’il fallait se fier à ses sentiments.
Le vaisseau trembla alors que Jan stabilisait son assiette et suivait les reliefs du terrain. S’ils parvenaient à voler à une altitude suffisamment basse, et s’ils avaient de la chance, elle et Kyle parviendraient à échapper aux radars terrestres.
— Écoute ça, dit Kyle en augmentant le volume sonore de la commande des com. Est-ce que ça te dit quelque chose ?
Jan tendit l’oreille pour entendre une série de clics. Certains clics s’enchaînaient rapidement, tandis que d’autres se suivaient à des intervalles plus courts.
— Non, mais le schéma se répète, ce qui écarte la possibilité de tout phénomène naturel.
— C’est bien ce que je pensais, ajouta Kyle. Essayons quelque chose…
Il toucha plusieurs boutons, intégra le signal dans l’ordinateur de bord du vaisseau, et attendit une réponse. Un écran s’alluma, et des informations se mirent à défiler le long de l’écran.
— Le signal en question présente une similitude de quatre-vingt-dix-neuf pourcent avec un code primitif incluant deux symboles alternatifs.
Des combinaisons spécifiques de ces symboles correspondaient à des lettres, tout comme une notation binaire fournissait une représentation symbolique de mots et de nombres.
Kyle ressentit de l’excitation. Il demanda une traduction, et regarda attentivement le texte défiler sur l’écran.
— Atterrissage à cinquante-six kilomètres au sud du Fort Perdu.
L’agent attendit quelques secondes de plus, mais le code n’avait pas de suite. Il pointa l’écran du doigt.
— Regarde ! Ils sont là !
— Qui ça ? demanda Jan d’un air cynique. Les colons ? Ou les impériaux ?
Kyle haussa les épaules.
— Tout est possible… mais ils n’ont pas l’air hostiles.
Le Corbeau prit de l’altitude et passa au-dessus d’une montagne de sable. Jan regarda Kyle du coin de l’œil. Elle n’avait pas prévu de tomber amoureuse de lui, ou de quiconque d’ailleurs, mais c’était arrivé et elle ne pouvait rien y faire. Elle était coincée avec lui et son don. C’était comme s’il possédait toute une gamme de sens supplémentaires – des sens qu’elle n’avait pas. Jan sentit une main se poser sur la sienne. Elle se tourna pour croiser le regard de Kyle, et le vit esquisser un sourire.
— Est-ce que ça va ?
L’agent réfléchit pendant une seconde, et comprit qu’elle allait bien. Il hocha la tête.
— Oui, tant que tu es là.
Kyle serra sa main.
— Comme si tu pouvais te débarrasser de moi… attention, un pont !
Jan pencha le vaisseau sur la droite, passa à travers un gouffre, et elle et Kyle se mirent à rire. Kyle avait remarqué que le signal s’intensifiait à mesure qu’ils approchaient du Fort Perdu. Ensuite, alors que le Corbeau survolait des ruines calcinées, la barre d’indication monta d’un coup.
— Faisons un autre passage, suggéra Kyle en pointant du pouce la direction inverse. Il pourrait y avoir des survivants.
Jan acquiesça. Elle effectua un virage serré, et réduisit sa vitesse. La colonie, ou du moins ce qu’il en restait, offrait une vue triste. Il ne restait pas grand-chose en dehors des bâtiments calcinés, des murs effondrés, et de la terre brûlée. Un gra isolé était en train de brouter à proximité du fort abandonné. Kyle émit un faible sifflement.
— Regarde ça ! Tout est en ruines… pourquoi ?
Jan savait pertinemment que la question était rhétorique, et décida de garder le silence. Les impériaux étaient venus pour éradiquer les colons, ou au moins pour s’assurer qu’ils seraient réduits à l’état de simples chasseurs-cueilleurs.
— Très bien, dit Kyle, je ne sens aucune forme de vie intelligente dans les parages… tentons notre chance avec la zone d’atterrissage.
Jan, qui ne comprenait pas encore totalement la sagesse de cette décision, mit le cap vers le sud. Il fallut moins de quinze minutes pour atteindre la zone d’atterrissage. Elle consistait en une plaine d’inondation située entre deux lits de rivières asséchés. Une chose était sûre : une embuscade était peu probable, étant donné qu’il n’y avait nulle part où se cacher. Jan inclina le vaisseau à tribord.
— L’endroit a l’air désert. Que faisons-nous maintenant ?
— Les apparences peuvent être trompeuses, répondit Kyle.
— Quelqu’un nous observe. Je le sens.
Jan fronça les sourcils.
— Quelqu’un de bon ou de mauvais ?
Kyle haussa les épaules.
— Je n’arrive pas à le déterminer. Posons-nous. Laisse le système d’armement en ligne, et voyons ce qui se passe.
Jan soupira. Elle aurait souhaité qu’il y ait une autre façon, mais elle suivit la suggestion de Kyle. Le Corbeau entama sa descente, fit du surplace pendant un moment, et se posa sur du gravier alluvial. Jan laissa le système d’armement en marche, prépara le panneau de contrôle à la possibilité d’un départ précipité, et connecta les capteurs à une télécommande de poche. Une fois le processus terminé, elle suivit son compagnon à l’extérieur. Celui-ci s’agenouilla près du vaisseau et laissa du gravier glisser entre ses doigts. Une brise soufflait depuis le nord, et le métal de la coque devint froid. Jan fit entrer l’air pur et non traité dans ses poumons.
— Agréable, n’est-ce pas ?
Les doigts de Kyle tombèrent sur quelque chose de solide. L’agent rebelle balaya une couche de gravillons, et saisit l’objet.
— Hé, regarde ça !
Il tendit l’objet pour qu’elle puisse l’inspecter, et Jan vit ce qu’il restait d’une ancienne dague. La poignée, qui était faite de bois ou d’os, semblait vieille de plusieurs centaines d’années, mais la lame était comme neuve. Puis, comme sensibilisée par la découverte de Kyle, son regard se posa sur quelque chose qui dépassait du sol. La rebelle s’approcha, cogna légèrement l’objet du bout de sa botte, et le sentit bouger. Elle se pencha, agrippa l’objet, et l’extirpa du sol.
— Regarde, Kyle ! Un casque ! (Kyle se redressa et se déplaça dans sa direction.) Je dirais qu’on marche sur un ancien champ de bataille. Je me demande bien qui en est ressorti victorieux.
La question resta sans réponse. Quelque chose vrombit au-dessus de la tête de l’agent. Jan était en train de dégainer son blaster lorsque Kyle attrapa son bras.
— Non ! Laisse-les faire !
Le dispositif décrivit un cercle autour du vaisseau et revint. Il avait la forme d’un boomerang, et était équipé de capteurs. Jan n’avait jamais rien vu de tel – ce qui semblait confirmer la présence de colons plutôt que celle des impériaux. La machine fit du surplace, comme pour les examiner, se tourna, et entra dans le Corbeau. WeeGee était toujours à bord, et Kyle imaginait déjà les machines s’examiner mutuellement. Ses pensées se tournèrent vers les propriétaires du dispositif.
— Ils sont plutôt du genre prudent, non ?
— Et ils ont raison, acquiesça Jan.
Le petit objet volant ressortit du vaisseau, tourna autour de leurs têtes, et repartit vers l’ouest. Il revint quelques secondes plus tard, effectua le même processus, et s’éloigna à toute vitesse.
— Ils veulent qu’on le suive, dit calmement Kyle. Mettons-nous en route.
Les rebelles remontèrent à bord de leur vaisseau, vérifièrent les relevés des senseurs, et décollèrent. L’objet volant plana et s’éloigna à toute vitesse. La machine en forme de boomerang était étonnamment rapide pour sa taille, mais il était difficile de maintenir le contact visuel et de voler aussi lentement.
Jan fut soulagé de voir que le petit engin commençait à perdre de l’altitude et à entamer sa descente. Kyle vit une paire de falaises peu élevées se dresser devant eux et se servit de son talent récemment développé pour sonder la Force. C’était comme un lac géant, calme en majeure partie, mais sensible à la moindre perturbation. Il y avait des êtres vivants un peu plus loin. Un certain nombre.
Était-ce des colons ? Des survivants de l’attaque du Fort Perdu ? Ou des soldats impériaux embusqués ? La logique penchait davantage pour la première hypothèse – mais ses sentiments penchaient pour la seconde.
Grif Grawley était perché au sommet d’une des deux collines qui gardaient l’entrée de la Vallée et des ruines qui reposaient au-delà. La statue qui avait occupé la plateforme située à sa gauche était tombée des centaines d’années auparavant.
Des restes étaient éparpillés le long d’une pente et menaient en direction d’une main adroitement sculptée. La paume était noircie par d’anciens signaux de feu qui jadis guidaient les voyageurs depuis des kilomètres. Ça devait être un beau spectacle. Carole toucha son bras.
— Grif, regarde ! Ils arrivent !
Le colon leva les yeux, saisit ses électro-jumelles, et scruta le ciel. Il s’agissait bien d’un vaisseau, et Fido le guidait. Il esquissa une grimace. Il était impossible de savoir qui étaient ces visiteurs, mais une chose était sûre, le vaisseau n’était pas impérial. Il avait lui-même inspecté la carlingue.
— Qu’en penses-tu ? demanda Carole. Ce sont des rebelles ?
Grif suivit la trajectoire du vaisseau tandis que celui-ci les survolait et entamait sa descente.
— Bonne question, chérie. Tu as vu la vidéo. Cet homme ne te dit rien ?
— Non, je ne crois pas…
— Eh bien, je pourrais me tromper, mais il me paraît étrangement familier. Il ressemble beaucoup au fils de Morgan Katarn… celui qui a quitté Sulon pour rejoindre l’académie militaire impériale. La question est : ai-je raison ? Et si c’est le cas, dans quel camp est-il ? C’est le moment de vérité.
La cour intérieure était suffisamment grande pour accueillir tout un escadron d’Ailes-X. Jan choisit un endroit situé entre une fontaine qui jadis devait offrir un beau spectacle et une rangée d’escaliers qui conduisait à l’intérieur d’un temple. Un groupe d’humains, tous armés, suivirent sa progression.
Le Corbeau se posa en produisant un bruit sourd. Jan et Kyle chargèrent WeeGee de surveiller le vaisseau et descendirent le long de la rampe d’embarquement. Lorsqu’ils posèrent un pied à terre, ils se retrouvèrent plongés dans une atmosphère chaleureuse. Un homme avec une barbe de trois jours s’avança vers eux. Il disait s’appeler Grif Grawley, et il serra la main de Kyle.
— Salut, fiston, comment se porte ton père ?
Kyle scruta le visage de l’autre homme et esquissa un sourire.
— Citoyen Grawley ? C’est bien vous ? C’est merveilleux ! Comment va votre femme ?
— Je vais très bien, dit Carole en s’approchant. Un grand merci à ton père… nous avions tellement de problèmes sur Sulon et il nous a aidés en nous amenant ici.
Grif se racla la gorge.
— Ce qui soulève une question intéressante, fiston. Nous savons dans quel camp es ton père, mais dans ton cas reste, ça reste un mystère. Pose ton arme et ton sabre-laser à terre. De même pour vous, jeune fille… jusqu’à ce qu’on règle la situation.
Les agents jetèrent un regard aux alentours. Il y avait plus d’une douzaine d’armes pointées sur eux. Ils posèrent donc les leurs.
— C’est mieux, dit Grif sur un ton calme. Alors, où en étions-nous ? Ah, oui, comment va ton père ?
— Il est mort, répondit Kyle sur un ton sec. Vous vous souvenez du spatioport ? Enfin, l’endroit où ils ont laissé sa tête. Plantée sur une pique pour que tout le monde puisse la contempler. C’est pour ça que je suis là, pour venger sa mort, mais plus encore, pour empêcher les impériaux de piller la Vallée des Jedi.
Carole Grawley porta une main à sa bouche, et son mari se renfrogna. Morgan Katarn ? Mort ?
Ce pouvait être un mensonge… mais Grif en doutait. Il jura, se tourna vers son équipe, et délivra des ordres.
— Lasko, Kimber, Pardy, cachez ce vaisseau sous une bâche et sortez-le de la cour. Les impériaux ne sont pas aveugles, vous savez… Allez, vous deux, allons à l’intérieur. Matin froid, après-midi chaud. C’est comme ça ici.
Les rebelles se sentaient nus sans leurs armes, et plus que nerveux en voyant autant de blasters pointés dans leur direction. Grif les guida en haut des escaliers et leur fit passer une grande porte d’entrée. L’intérieur du temple était étonnement bien éclairé grâce à un ancien système de lucarnes et de miroirs. Une douzaine de faisceaux lumineux, chacun provenant d’un angle différent, convergeaient sur Kyle. Il se pencha en avant, posant le menton sur son poing fermé.
Grif fit un grand geste pour leur indiquer l’espace dans lequel ils se trouvaient.
— Bienvenue dans notre logement temporaire. Ceux qui ont été suffisamment chanceux pour survivre à l’attaque du Fort Perdu se sont regroupés, ont collecté le peu de ressources qu’ils ont pu trouver, et sont venus ici.
Carole Grawley écoutait avec stupéfaction tandis que son mari, habituellement grossier, dissimulait le fait que les « locaux », comme il aimait les appeler, avait ignoré ses avertissements, subi de lourdes pertes, et fui dans les terres sauvages. Un endroit qu’ils connaissaient très peu.
Elle n’oublierait jamais le jour où ils étaient arrivés. Ils avaient interrompu la sieste habituelle de son mari pour installer des alarmes de proximité. Le fait que Grif avait accepté de les aider, et qu’il s’était ensuite métamorphosé en leader, relevait tout simplement du miracle.
Du moins, c’est ce qui lui semblait.
Ignorant les pensées de sa femme, Grif pointa du doigt une table rafistolée et l’équipement empilé dessus.
— Débarrasse-toi de tes affaires et raconte-nous toute l’histoire. Le peu de choses intéressantes qui arrive dans le coin se passe la nuit… alors nous avons tout notre temps.
Kyle s’assit et tenta d’ignorer les regards qui étaient posés sur lui. Il leur raconta l’histoire : comment il avait fini à l’académie, comment il avait reçu la nouvelle de la mort de son père, et comment il était rentré chez lui. C’était pendant ce voyage qu’il avait rencontré Jan pour la deuxième fois, qu’il avait appris que son père avait été tué par l’Empire, et qu’il avait juré de servir la cause rebelle. Le raid sur Danuta ne semblait pas avoir de rapport avec son histoire ; aussi décida-t-il de ne pas l’évoquer et de passer directement aux évènements de Sulon.
Ce qui concernait Sulon présentait un intérêt particulier pour les personnes présentes autour de Kyle, car la plupart d’entre elles venait de là-bas, et espérait y revenir un jour. D’un air détaché, Kyle décrivit ses combats contre Yun, Gorc, Pic, et 8T88 ; il expliqua comment Jan et lui avait mis la main sur les coordonnées nécessaires, et pourquoi ils étaient venus ici.
Un colon répondant au nom de Lasko, celui-là même qui avait été torturé par Sariss, écoutait avec un intérêt particulier. Les Jedi de l’histoire de Kyle pouvaient-ils être les mêmes que ceux qui avaient détruit le Fort Perdu ?
Cela en avait tout l’air.
Jan trouvait que c’était une histoire bien contée, mais au moins l’un des colons n’avait pas le même sentiment. C’était un individu pugnace à la mâchoire imposante et aux épaules larges. Il s’appelait Pardy, Luther Pardy, et il portait les armes de Kyle comme si elles lui appartenaient.
— C’est une jolie histoire, mon gars, une très jolie histoire, un peu à la manière des contes de fées que les nourrices racontent aux enfants. Pourquoi devrions-nous croire ses sottises ? En particulier ces histoires sur la Force, les Chevaliers Jedi, et tout le reste. Ça me semble un peu tiré par les cheveux, comme tout droit sorti de l’imagination d’un espion.
Lasko fixa les deux hommes du regard. Il décida de soutenir Katarn s’il devait le faire, et posa une main sur son blaster. Un nuage passa devant le soleil. Le taux de luminosité baissa de vingt pourcents. Une statue avoisinante sembla se renfrogner, et tous les regards se tournèrent vers Kyle. Lentement, comme pour ne pas faire sursauter un éventuel colon à la gâchette facile, il se leva.
Pardy, qui était bien plus imposant que Kyle, esquissa un sourire grimaçant. Une victoire rapide et facile renforcerait son statut au sein du groupe, et le rendrait plus important aux yeux de Grawley. Il se lécha les lèvres.
Kyle regarda l’homme dans le blanc des yeux. Il lui tendit la main comme pour serrer la sienne, et s’imagina ce qu’il voulait réellement. Un objet siffla dans les airs, vint se nicher dans sa paume, et émit un bruit sec. Un rayon d’énergie crépita alors que le sabre-laser s’activait, et Pardy fit un pas en arrière.
Une demi-douzaine de blasters se dressèrent dans la direction du Jedi mais s’abaissèrent lorsque Grif secoua la tête.
— Alors, Pardy, d’autres questions ? C’est bien ce que je pensais. Je pense qu’il serait plus sage que tu ranges ton blaster. Bienvenue à Ruusan, petit gars. Et bienvenue à vous aussi, Jan. Parle-nous de la Vallée, et dis-nous comment nous pouvons t’aider.
Lasko sentit une sensation immense de soulagement. Seul un Jedi pouvait vaincre un Jedi. Il y avait désormais un espoir.
Il n’y avait pas de moment particulier pour arpenter la surface de la planète, mais la nuit offrait une protection et permettait aux bondissants de sortir. L’idée de rencontrer les autochtones et de leur demander conseil venait de Grif. Après tout, si les bondissants n’étaient pas originaires de Ruusan, ils étaient au moins présents ici depuis des temps reculés – si reculés que cela ne faisait aucune différence – et ils connaissaient la planète mieux que quiconque.
Grif poussa Kyle du coude. Tous les deux, ainsi que Jan et six autres colons parmi les plus physiquement aptes, avaient trouvé refuge dans une forteresse de roche.
Un tas de rochers se dressait au centre du refuge, entourés de plus petits éboulis semés par inadvertance. Extraits du flanc des rochers par les forces combinées de la chaleur, de l’eau, et du froid, les éboulis offraient un poste d’observation duquel les rebelles pouvaient scruter les plaines environnantes. Ruusan disposait en tout de trois lunes, chacune d’entre elles étant alors visible. Grif indiqua du doigt la zone plane qui s’étendait en face d’eux.
— C’est là qu’on a le plus de chances de trouver les bondissants… Ils ressemblent à des balles avec des tentacules rétractables, et ils se servent du vent pour se propulser dans les airs. Tous ces faits pourraient expliquer leur style de vie, et leur fatalisme inhérent.
Kyle fronça les sourcils. Grif parut gêné.
— Hé, ça paraît sensé, non ? Pas besoin d’un diplôme en anthropologie pour savoir ça.
— C’est on ne peut plus sensé. Continuez.
— Eh bien, ils ont de grands yeux pour capter la lumière, et ils adorent voler dans le sens du vent. C’est là qu’ils cherchent des obstacles, qu’ils prennent appui dessus, et qu’ils bondissent dans les airs.
— D’où le nom « bondissant », conclut Kyle.
— Exact, confirma Grif. Et c’est comme ça qu’ils flottent aussi loin que le vent peut les porter.
— Ils ont l’air merveilleux, dit Jan sur un ton rêveur. J’espère qu’ils viendront.
— On ne peut pas en être certain, répliqua le colon, mais les conditions sont favorables. Ton père les connaissait, ajouta Grif en se tournant vers Kyle. Et ils se souviennent toujours de lui. Ils écrivent même sur lui, étant donné que c’est leur seul moyen de communication.
— Les bondissants connaissaient mon père ? demanda Kyle sur un ton incrédule.
— Ton père était un homme fascinant, répondit le colon. Lorsqu’il nous a déposés sur cette planète et qu’il s’est arrangé pour organiser les choses, il a pris un esquif et il est parti. Tout le monde disait qu’il était fou. Qui peut dire à quel moment il est entré en contact avec les bondissants. Ils l’appellent « le chevalier qui jamais ne fut ». Aucune idée de ce que ça peut bien vouloir dire.
Kyle eut la chair de poule. Son père aurait pu être un chevalier Jedi… mais il en avait décidé autrement. Enfin, c’était sa théorie, ce qui correspondait aux paroles des bondissants. Mais comment pouvaient-ils le savoir ?
— Regarde ! dit Jan avec agitation. Je vois des formes floues blanches !
— Les voilà, confirma Grif, observant l’horizon à travers ses électrojumelles. Regardez bien… vous allez avoir une surprise.
Les créatures projetaient des ondes à travers la Force. Kyle avait saisi ses électrojumelles et s’apprêtait à jeter un œil à travers lorsqu’une autre présence se manifesta dans son esprit. L’agent se retourna, grimpa sur un rocher au sommet plat, et scruta l’horizon au sud. Il fallut moins de cinq secondes pour verrouiller les cibles en approche et les identifier : un esquif escorté par deux speeder bikes.
— Grif ! Jan ! On a de la compagnie. Alertez les autres !
— Et pour les bondissants ? demanda Jan.
— Nous devons les prévenir, hurla Kyle.
Le jeune Katarn se retourna, réalisant que les globes étaient plus proches qu’ils ne le pensaient, et les vit bondir haut dans les airs. Alors que son esprit était encore à la recherche d’une solution, les speeder bikes ouvrirent le feu. Plus petits et donc plus rapides que l’esquif lourdement chargé, ils sectionnèrent le rocher situé entre eux, tournèrent, et prirent des directions opposées.
L’un vers l’ouest, l’autre vers l’est. La lumière générée par leurs canons à énergie fendirent le voile obscur de la nuit et se perdirent au loin. Les bondissants réagirent en se tournant vers l’intérieur.
— Ils sont en train de se rassembler, cria Grif, pour que les soldats sur l’esquif puissent les massacrer.
— Pas ce soir, dit Jan sur un ton grave. Pas tant que je serai là.
L’agent dégaina son fusil blaster, grimpa sur un perchoir situé plus haut, et enroula la sangle autour de son coude. Kyle envisagea de l’arrêter, mais il savait pertinemment que c’était inutile. Jan partait en guerre en dépit du fait qu’un échange de tir était susceptible de révéler leur présence et de mettre en danger une mission déjà périlleuse. Tout ça pour quelques aliens qu’elle n’avait jamais rencontré.
Mon Mothma n’aurait jamais approuvé. Pourtant, c’est pour ça que Kyle aimait Jan. L’agent rebelle se tourna vers Grif.
— Si vos hommes veulent faire monter leur score, c’est le moment. Ils peuvent faire des prisonniers mais personne ne doit s’enfuir… personne.
Jan voulait se réserver tout l’avantage de la surprise. Cela voulait dire que chaque tir devait compter. Elle regarda à travers le viseur, anticipa la trajectoire du speeder par ce qu’elle jugeait être une distance correcte, et pressa la détente.
Un faisceau d’énergie fendit l’air, heurta un soldat impérial, et laissa un speeder voler à la dérive. Des débris encore chauds plurent alors que le pilote encore en vie heurtait des rochers et appelait à l’aide.
L’officier en charge de la patrouille, un certain lieutenant Aagon, assista à l’explosion. Il savait que ses hommes seraient moins vulnérables sur le sol. Aussi ordonna-t-il au barreur d’atterrir.
Les soldats se déployèrent, suivis par Aagon, et ils coururent en direction des rochers. Ce fut une course rapide et réussie. L’officier savait que les rebelles étaient à l’autre bout des parois rocheuses, et il espérait bien qu’ils y restent. Son barreur, un sergent du nom de Forley, et un artilleur, une enseigne nommée Leeno, étaient toujours à bord. Aagon ouvrit son canal com.
— Prenez l’esquif et contournez les rochers. Coupez leur toute retraite. Nous allons les prendre à revers.
Le soldat qui avait été abattu sur son speeder bike était le meilleur ami de Forley. Il prévoyait de faire bien plus que les coincer. Il prévoyait de les massacrer.
— Monsieur ! Oui, monsieur !
Tout à fait confiant en les compétences de Forley, Aagon mena six soldats dans le labyrinthe de roche. Il aurait pu appeler des renforts… mais il avait de bonnes raisons de ne pas le faire. D’abord parce que la zone de patrouille qu’on lui avait assignée se situait à dix klicks au sud. Il y avait là une jolie série de ravins et de gouffres, mais ce n’était pas le genre d’endroits que les bondissants étaient susceptibles de fréquenter, ce qui voulait dire que les recherches seraient infructueuses. La deuxième raison pour laquelle il n’avait pas appelé de renforts avait un rapport avec son supérieur, un homme ambitieux qui n’hésiterait pas à recevoir tout le crédit et à laisser Aagon s’occuper des combats.
Non, décida le lieutenant, nous allons tuer ces rebelles, prétendre que l’engagement a eu lieu à douze klicks au sud, et nous passerons au prochain assignement.
Juste ce qu’il faut pour stimuler sa promotion. Certain que son plan allait fonctionner, et désireux de boucler l’affaire au plus vite, l’officier escala un tas de rochers et se glissa dans un fossé. D’autres soldats le suivirent.
L’esquif fit le tour de la structure rocheuse et, avec l’aide des escortes restantes, il ouvrit le feu.
Il y avait beaucoup d’endroits où se cacher, alors l’attaque n’aurait pas beaucoup d’effet. Mais Forley n’était pas né de la dernière pluie, et il décida de changer de tactique. Il ordonna à Leeno de concentrer son feu sur un seul tas de rochers. L’artilleur s’exécuta, et provoqua une explosion.
Kyle se mit à couvert alors que des fragments de roche taillés en lames de rasoir volaient dans toutes les directions. Les fragments sectionnèrent le bras d’un rebelle, et s’éparpillèrent au sol. L’homme se mit à hurler jusqu’à ce qu’un autre morceau de shrapnel vienne frapper sa tête.
Kyle se précipita vers Jan.
— Laisse-moi deux minutes et ensuite tu les élimines.
Jan acquiesça d’un air grave. Elle ne fut pas dérangée le moins du monde lorsque Kyle emmena avec lui la plupart des forces rebelles. Il avait déjà mené des soldats au combat, et qui plus est, avec succès.
Une jeune fille avait été désignée pour assurer les arrières de Jan. Elle s’appelait Portia. Elle avait une peau foncée, des dents blanches, et un regard qui brillait de créativité. Jan décocha un tir en direction d’un speeder bike, fit un signe de main à la fille, et la suivit à travers les rochers. Des lumières scintillèrent derrière eux. La femme s’arrêta et regarda derrière elle. Un autre rocher venait d’être touché, et elles se mirent à couvert derrière une saillie.
Jan jeta un œil à l’arme de la jeune fille. Elle semblait propre et bien entretenue. Le rocher explosa, des fragments furent projetés dans toutes les directions, mais les rebelles n’y prêtèrent pas attention.
— Alors, Portia, tu sais te servir de ce truc ?
— C’est un don chez moi, répondit la fille sur un ton confiant. Enfin, c’est ce qu’on me dit tout le temps.
— Parfait, répliqua Jan fermement, parce que ma vie est désormais entre tes mains.
Le soldat RW957 était à l’endroit qu’il appréciait le plus : à la fin de la colonne, assurant les arrières de ses camarades. Une position à laquelle il avait le moins de chance d’être tué dans une embûche, d’être envoyé en reconnaissance suicidaire, ou d’être accidentellement abattu dans le dos. Oui, monsieur, se dit RW957, si vous voulez survivre, vous feriez mieux d’avoir un plan, et pas seulement un plan, mais toute une série de plans, c’est pour ça que…
Le seul avertissement fut un petit bruissement. Un bras vint s’enrouler autour du cou du soldat, une main enleva son casque, et la lueur de la lune fit briller une lame. Le soldat impérial envisagea d’appeler à l’aide, mais il n’en eut pas l’opportunité.
Jan escalada un rocher soigneusement sélectionné. Une fois au sommet, elle alluma une torche, et l’agita dans les airs.
Un soldat monté sur un speeder bike repéra la lumière de la torche. Il changea de trajectoire pour se diriger vers la cible, et activa ses fusées de freinage.
Une position stable, parfaite pour un tir précis… C’est ce que le manuel disait, et le manuel avait raison. Portia se força à attendre que la cible se trouve entièrement dans son champ de tir et pressa la détente au moment opportun.
Les quelques premiers tirs furent parés par l’armure blanche, mais le quatrième parvint à l’entamer, et ensuite le cinquième, le sixième, et le septième finirent le travail. Le soldat tomba de sa monture, le speeder partit à la dérive, et Jan jeta la torche aussi loin que possible.
Aagon entendit un rocher exploser et vit une torche voler dans les airs. Il se demandait ce que les rebelles pouvaient bien avoir à l’esprit. L’officier chercha une prise, trouva ce qu’il cherchait, et se hissa en hauteur. Le sommet du rocher était plat et penchait vers le nord. Quelque chose bougea, et il brandit son blaster. C’est là qu’un doigt tapota son épaule.
— Je ne ferai pas ça, si j’étais toi… lâche ton arme.
L’impérial commença à se retourner pour essayer de tuer le rebelle qui se trouvait derrière lui, lorsqu’il entendit une petite détonation. Il cligna des yeux alors qu’un faisceau de lumière incandescent apparaissait, et fonçait droit vers son visage. Il n’avait le temps que pour une ultime pensée. Quelque chose de profond aurait été appréciable, mais rien ne vint. Cette lumière était la chose la plus brillante qu’Aagon avait jamais vue.
L’esquif avait décoché un nombre incalculable de faisceaux d’énergie, et aucun de ces tirs n’avaient été concluant. Alors qu’il faisait du surplace, Forley luttait pour prendre une décision – quelque chose que la structure de commandement impériale n’apprenait pas aux sergents. Ses deux escortes en speeder bike étaient mortes, et le lieutenant avait disparu. Tout serait bientôt fini. Que faire ? Rester ? Ou fuir ? Aucune de ces deux alternatives ne semblait agréable. L’esquif était une cible facile, mais fuir amènerait d’autres problèmes.
Et si Aagon et le reste de l’escouade étaient toujours en vie ? Comment saurait-il les localiser ? Quel chaos ! Leeno interrompit la réflexion de Forley.
— Sergent ! Derrière vous !
Forley se retourna, réalisa qu’un grand globe blanc avait dérivé à quelques centimètres de son visage, et tendit les bras. Le bondissant se servit de ses tentacules pour attraper les bras du soldat, s’approcha, et enveloppa la tête du sergent. Horrifié, Leeno dégaina son blaster et ouvrit le feu. Le bondissant mourut sur le champ, mais il emmena Forley avec lui, ce qui provoqua la panique chez les impériaux. Il sauta par-dessus bord et prit ses jambes à son cou.
L’artilleur était toujours en train de courir lorsque les bondissants tombèrent du ciel. Ils le mirent à genoux, et le cernèrent.
Grif, ainsi qu’un duo de rebelles, arrivèrent deux minutes plus tard. Leeno, l’esprit toujours hanté par les images de la mort de Forley, était encore en train de hurler. Les trois sœurs avaient quitté le ciel, les étoiles étaient à peine visibles, et une ligne rose irrégulière marquait l’horizon à l’est.
Des heures durant, les rebelles se chargèrent d’enterrer les morts, de camoufler les tombes, et de stocker les armes et autres équipements à bord de l’esquif impérial.
— Une jolie machine, dit Grif en tapotant le flanc du véhicule. Elle pourrait être utile.
— Ainsi que le speeder bike, ajouta Jan, sans oublier les autres pièces d’équipement.
— Qui pourraient encore être éparpillées un peu partout, dit Kyle, se rappelant à quel point il était difficile de conduire des recherches dans la nuit. J’espère qu’elles ne tomberont pas entre de mauvaises mains.
Grif haussa les épaules.
— Qui sait ? De plus, nous devons partir avant que le soleil se lève et que les recherches commencent.
Grif avait raison. Kyle se tourna vers la délégation de bondissants. Leurs fourrures scintillèrent alors qu’ils se penchaient sous la brise qui approchait et utilisaient leurs tentacules en guise de soutien. L’un d’entre eux, un individu que Grif appelait le « Flotteur », avait accepté de jouer le rôle de guide.
Il s’approcha de chaque autre bondissant et leur fit ses adieux. Leur chef, un spécimen à la fourrure particulièrement épaisse qui avait personnellement rencontré Morgan Katarn durant sa visite de la planète, regarda Kyle écrire des mots au sol à l’aide d’un couteau de combat.
— Vous et les vôtres devez vous cacher… connaissez-vous un endroit sûr ?
Un tentacule sec et chaud se posa sur la main de l’agent, se laissa tomber au sol et saisit le couteau. La syntaxe était étrange mais compréhensible.
— Vent soufflant ferme. Très bien nous irons.
Le bondissant rendit à Kyle son couteau et Kyle écrit sa réponse.
— Je suis navré pour la mort de votre ami. Je vous remercie de nous accorder l’aide de Flotteur.
— Navré nous sommes pour la mort de votre congénère, répliqua le bondissant. Flotteur va là où il doit aller, même la mort l’attend.
Kyle repensa à Jerec, à ceux qui le servaient, et il ressentit un vide se creuser au fond de son estomac. Il prit le couteau.
— Vous savez pourquoi nous sommes là… Y arriverons-nous ?
Le bondissant cligna des yeux. La lame creusa de nouveaux mots dans le sol.
— Tous savent qu’un chevalier viendra, qu’une bataille sera livrée, et que les prisonniers seront libérés. Si cela n’arrive pas aujourd’hui… alors un autre jour.
La réponse était loin d’être satisfaisante, et ces mots continuèrent de résonner longtemps après que le vent les ait balayés.
Chapitre Quatre
Yun avait jeté ses couvertures hors de sa couchette. Elles étaient étalées au sol. Il tremblait de tous ses membres en pensant aux choses horribles qu’il s’apprêtait à commettre. La pluie tombait sur un sol déjà inondé. Une couche de ce qui semblait être de la brume ou de l’ectoplasme planait au-dessus d’une boue bien épaissie. Vingt hommes et femmes étaient agenouillés devant une tombe. Ils étaient coupables – mais il ne se souvenait plus de quoi.
Quelques prisonniers étaient en larmes, d’autres aboyaient leur mépris, mais la plupart d’entre eux n’arboraient aucune expression. Ils se contentaient de fixer la tranchée du regard en attendant leurs sorts.
Yun souleva son sabre-laser au-dessus de sa tête. L’arme devint plus lourde, et Yun réalisa alors qu’elle s’était transformée en une simple épée traditionnelle. La lame incurvée était aussi tranchante qu’un rasoir. C’est là que le Jedi Noir se souvint qu’il avait fait ce rêve plusieurs fois déjà. Il lutta pour se réveiller, mais il échoua. Il savait ce qui se passerait.
Peut-être pour la millième fois, le visage de Nij Por Ral, un professeur corpulent de linguistique, se tourna vers lui et supplia.
Pitié ! Je vous en supplie, épargnez-nous !
Une part de Yun ne ressentait aucune animosité à l’égard de l’homme et voulait satisfaire sa demande, mais une autre part, la part d’ombre qui demeurait en lui, désirait plus de reconnaissance, plus de pouvoir. Une reconnaissance et un pouvoir qui lui seraient accordés par Jerec et Sariss s’il se montrait à la hauteur de leurs attentes.
L’acier étincelant entama sa descente. Yun regrettait son geste. Non pas à cause de la blessure qu’il causerait, mais parce qu’il était maladroit, et que tout le monde le verrait. Il esquissa une grimace tandis que la lame plongeait dans l’épaule de Por Ral. Le linguiste se mit à hurler de douleur alors que la lame heurtait un os, et Yun lutta pour libérer son arme. Finalement, après avoir remué d’avant en arrière, la lame se libéra. Couvert de honte, le Jedi Noir mit fin aux hurlements du prisonnier.
Mais l’horreur continua – et continuerait longtemps encore. Yun se détourna du cadavre. Sa mère, son père, et sa sœur étaient agenouillés devant lui. Ils l’imploraient du regard, mais en vain. Il les avait déjà massacrés auparavant, et si ce n’était pas avec l’acier, c’était avec les mots. Mais peu importait le nombre de fois qu’il les avait tué, ils revenaient sans cesse.
La lame se dressa et s’abattit. Les têtes roulèrent au sol, tombèrent dans un fossé, et les corps suivirent. La pluie, ajoutée au sang de ses victimes, avait imprégné les vêtements du Jedi Noir. Il frissonna, et leva l’épée avec difficulté. Le poids de l’arme le surprit. Elle était lourde, trop lourde, comme si chaque vie qu’il avait prise avait augmenté sa masse…
De la lumière baigna le compartiment, et Yun eut un soubresaut. Le Jedi Noir bondit hors de son lit, activa son sabre-laser, et se tint prêt au combat.
Boc, qui était dans à l’embrasure du sas, se mit à rire d’un air moqueur.
— Qu’est-ce qui t’arrive, mon garçon ? On est un peu nerveux, n’est-ce pas ? En tout cas, tu ferais mieux de te ressaisir. Il semble que Jerec requiert ta présence.
Yun fit un pas en avant, sabre-laser au poing, mais l’autre Jedi rit de nouveau.
— Économise ton énergie, mon gars… m’est avis que tu en auras bien besoin.
La cabine spartiate sembla encore plus vide lorsque Jerec plaça la dernière de ses maigres possessions dans un casier. Si le Jedi Noir n’accordait aucune importante à la quantité, il était en revanche très difficile en ce qui concernait les objets qu’il possédait, et détestait voir quiconque y toucher.
Quelqu’un frappa à la porte. La manière que chacun avait d’interagir avec la Force était unique, et cette perturbation était typique de Yun. Un élève prometteur – mais en proie au doute de soi-même. Eh bien, se dit Jerec, un peu d’expérience sur le terrain corrigera le défaut.
— Entrez.
Yun entra avec prudence, se demandant ce que le Jedi Noir lui réservait. Il espérait que le maître était de bonne humeur. Jerec acquiesça pour reconnaître la présence de Yun.
— Merci d’être venu, j’ai besoin de toi.
Jerec avait besoin de lui ! Le jeune Jedi Noir sentit son cœur gonfler pour devenir deux fois plus gros que sa taille normale. Il était impatient de parler de ça à Sariss.
— Absolument, mon seigneur, comment puis-je vous être utile ?
— La phase deux de l’étude est maintenant terminée. La construction de la tour sera bientôt finie. Ceci étant, les choses sérieuses peuvent commencer. Je pars pour la surface dans une heure.
Yun hocha la tête.
— Oui, mon seigneur.
— As-tu étudié les relevés du balayage topographique ?
— Oui, mon seigneur.
— Et quelles en sont les conclusions ?
— Une grande vallée, remplie de milliers de tombes Jedi, investie de leur pouvoir.
— Et ?
Yun haussa les épaules.
— Et un réseau de cavernes. Certaines sont vides, d’autres sont remplies d’artefacts ayant potentiellement de la valeur.
— D’artefacts ayant potentiellement de la valeur, répéta Jerec en fermant sa malle. Tout juste de quoi rentabiliser le coût de cette flotte – et éloigner ces sales fouineurs impériaux. Bon sang, qu’ils sont stupides ! L’univers entier s’offre à eux et ils ne le voient même pas. Enfin, ils sont ce qu’ils sont, et nous devons l’accepter. Ce qu’ils veulent, c’est le butin, et le butin, ils l’auront. Grâce à toi.
Yun sentit son cœur se serrer. Le butin ? Dites plutôt de la camelote – de la camelote intéressante, mais de la camelote néanmoins. Surtout lorsqu’on la compare à la chambre principale et au pouvoir inimaginable qu’elle renferme. Mais avoir de telles pensées et les mettre en paroles étaient deux choses différentes. Yun ravala sa déception.
— Oui, mon seigneur. Quelles sont les instructions ?
Jerec se tourna dans la direction de Yun pour le fixer de ses yeux inexistants.
— Tu vas m’accompagner à la surface, trouver un officier du nom de Vig, et reprendre le commandement de ses troupes. Les choses avancent lentement – trop lentement – et je veux que tu corriges ça.
Yun sentait un piège. Il rassembla son courage, et posa une question évidente.
— J’ai rencontré le major Vig. Il me semble tout à fait capable… quel est le problème ?
Jerec esquissa un sourire.
— Plus d’un millier d’esprits Jedi sont piégés dans les murs de la Vallée – et nos efforts les ont réveillés. Certains des prisonniers se sont mis à hurler dans les couloirs, à effrayer les troupes, et à semer le chaos. Le major est débordé.
Yun maudit sa chance. Baby-sitter des esprits et des soldats impériaux… un tâche ingrate. Pourquoi pas Maw ? Ou Boc ? Parce que Maw était imprévisible, et Boc trop fourbe. Et Sariss ? Non, Jerec avait d’autres tâches plus importantes pour son commandant en second. Yun soupira.
— Oui, mon seigneur. Je prépare mes affaires et je vous rejoins à la baie de lancement. Jerec attendit que le sas se referme et que l’énergie du Jedi Noir s’estompe pour esquisser un sourire. Même les meilleures lames devaient être mises à l’épreuve.
Yun fit rapidement ses bagages et se dirigea vers la baie d’embarquement. Il avait rarement la chance de passer du temps avec son Maître, et il essayait de faire durée le plus longtemps possible chaque opportunité, aussi brève qu’elle soit.
Les deux hommes entrèrent dans le couloir principal, et marchèrent ensemble vers la baie de lancement. Les soldats impériaux se mettaient tous hors de leur chemin, et les officiers tentaient d’attirer l’attention, tandis que Yun se complaisait dans la réflexion de la gloire de Jerec. C’était dans des moments comme celui-là que ses doutes s’effaçaient et que le prix à payer semblait justifié.
La navette attendait. Les portes de la baie s’ouvrirent, et un duo de chasseurs TIE se positionna en escorte. Le trajet en direction de la surface fut très calme, une chose que Yun appréciait. Jerec avait de nombreux défauts, mais il y avait des exceptions. Il pouvait être tout à fait charmant lorsqu’il le voulait. Le maître régala Yun d’histoires amusantes, et le jeune Jedi rit à la fin de chacune d’elles. Le voyage touchait bientôt à sa fin. Jerec lui dit au revoir, et la sensation d’importance que cet au revoir provoqua chez Yun le suivit jusque dans ses quartiers.
L’alarme se mit à retentir. Yun tendit une main jusqu’à la console près du lit et découvrit que le module thermique récemment installé dans sa chambre était détraqué. Le Jedi Noir était encore dans son lit lorsqu’un droïde entra dans la pièce. Il s’annonça par des sons forts et joyeux et posa un plateau sur la table.
— Bonjour, monsieur. Voilà votre petit-déjeuner… Y a-t-il autre chose que je puisse faire pour vous ?