OBSCURE COMMUNION
Bill Slavicsek
Chronologie
-1002 av. BY
Paru en 2001 dans le cinquième numéro du défunt Star Wars Gamer, Obscure Communion est l’œuvre de Bill Slavicsek. Peu coutumier de l’exercice, l’auteur n’en est pas moins un contributeur important de l’univers Star Wars puisqu’en plus d’être directeur R&D chez Wizard of the Coast il fut également l’un des co-auteur des guides RPG Star Wars et de divers Sourcebook.
L’histoire qui suit se déroule quelques mois avant la Bataille de Ruusan. Lorsque Crian Maru, Chevalier Jedi de l’Ancienne République, décide d’affronter le Maraudeur, elle était encore sous le choc des atrocités commises par le Guerrier Sith. Leur combat fut celui de l’ombre et de la lumière, une lutte impitoyable qui entraîna la Jedi dans les profondeurs du côté obscur.
Titre original : Darkness Shared
Dans une galaxie lointaine, très lointaine, six mois avant la Bataille de Ruusan…
À travers l’hyperespace, le Chant d’or chevauchait les courants de lumière iridescents, parcourant de vastes distances à chaque déclic de son chronomètre de bord. Raide dans son fauteuil, Crian Maru recourait à tous les exercices de méditation qu’elle connaissait pour retrouver calme et maîtrise. Elle n’était pas certaine de la manière dont procédaient les Maîtres Jedi. Ils paraissaient toujours si sereins, tellement en paix. Peut-être parviendrait-elle finalement à cet état constant d’assurance et de réflexion silencieuse, les conditions qui d’après elle, distinguaient un Chevalier d’un Maître Jedi. Mais ce genre de considérations allait devoir attendre. Pour le moment elles devaient se préparer, elle et son apprentie, aux épreuves qui les attendaient, alors même qu’elle essayait d’affronter les horreurs qu’elles avaient laissées derrière elles.
Sous la lumière du soleil d’Harpori, Crian Maru et son apprentie avaient posé le Chant d’or. Mais, ce qui aurait du être une colonie Duros bourdonnante d’activité s’était révélée calme et silencieuse. Personne n’était venu les accueillir. Le centre ville avait été déserté. Quand Crian fit appel à la Force, elle ne ressentit que tristesse. Elle ne perçut qu’un vide immense. Et tapi derrière ce vide, l’obscurité.
Le transporteur frémit et le voyage à travers l’hyperespace s’acheva avec un brusque déplacement d’étoiles. Crian essaya de repousser les images d’Harpori. Des Duros assassinés portant sans l’ombre d’un doute des blessures faites par un sabre laser. Des hommes, des femmes, et des enfants massacrés pour apaiser la faim obscure et la colère dévorante du Maraudeur. Du Fou. Du Tueur Sombre.
Inspirant profondément afin de recouvrer son calme, le Chevalier Jedi bannit, du moins pour le moment, ces images obsédantes. Il était temps d’achever le travail qu’elles avaient entrepris. Elles devaient affronter l’obscurité. Leur proie était toute proche. Dans ce système stellaire. Crian pouvait percevoir sa sinistre présence dans la Force. Une sensation qu’elle n’appréciait guère.
— Où sommes-nous, Dree ? demanda Crian à sa Padawan novice. La jeune Rodienne, Dree Vandap à peine sortie de l’enfance passait en revue l’écran de l’ordinateur de navigation du Chant d’or, anticipant la demande de son professeur.
— Toujours dans la Bordure Médiane, dit Dree, dans un système appelé Balowa.
Dree plissa le museau, un froncement de sourcils chez les Rodiens. Elle secoua sa crête crânienne d’un air absent.
— Je ne vois rien au dehors, ajouta-t-elle.
— Il est ici, dit Crian. (Elle ajusta les commandes et enclencha les propulseurs subluminiques du vaisseau.) Vérifie les détecteurs, et soit attentive aux vibrations de la Force. Si tu écoutes son chant, elle t’en dira plus que les machines et les ordinateurs ne le feront jamais.
Pour Crian, la Force était comme une mélodie ininterrompue, toujours à ses côtés d’aussi loin qu’elle s’en souvienne. Elle se déversait sur le Chevalier Jedi comme des vagues de sensations que peu d’autres pouvaient ressentir, un bourdonnement omniprésent à la fois grandiose et complexe, simple et réconfortant, en perpétuel mouvement mais cependant totalement immobile. Quand elle était en paix, elle pouvait sentir la Force résonner en elle. Comme les échos d’une chanson qu’elle chérirait. C’était ainsi que Crian la percevait. D’autres Jedi l’expliquaient différemment. Son Maître la dépeignait comme une brume omniprésente qui tournoyait et dérivait constamment autour de lui. Dree la décrivait comme un étang tranquille qui communiquait avec elle grâce aux ondulations de la surface.
Crian ferma les yeux, laissant la Force guider ses mains sur les commandes du transporteur. Le chant se répercutait en elle, se modifiant, se construisant. Maintenant il devenait assourdissant et dissonant. Crian parvenait à sentir le Serviteur du Côté Obscur à travers la Force, elle pouvait entendre l’horrible tempo qui le rendait tangible à ses sens Jedi. Sa présence était pleine de colère. Il vibrait d’une rage à peine contrôlée.
Il arrivait.
Le Maraudeur.
Le Fou.
Kaox Krul.
Le Maraudeur faisait glisser son vaisseau dans le sillage du transporteur, chevauchant les vagues de poussées de ses propulseurs subluminiques à la manière d’un prédateur océanique aux lignes épurées traquant sa proie. Il s’appelait Kaox Krul, fier guerrier de la Fraternité de l’Obscurité et partisan dévoué de Kaan, le Seigneur Sombre des Sith. Une grande guerre était sur le point d’éclater, opposant les partisans du côté obscur de la Force emplis de haine aux faibles Jedi qui prêchaient hypocritement la paix et l’harmonie. Les Jedi affirmaient ne jamais avoir ressenti le souffle glacial de la rage alors qu’il hurlait dans leur sang. Menteurs ! Ils niaient l’existence du côté obscur, refusaient d’exploiter son pouvoir. Ils établissaient des règles afin d’empêcher les autres de recevoir cette puissance s’ils le désiraient vraiment. Kaox détestait les Jedi et la morale qu’ils prêchaient.
Celle-là, cette humaine, le pourchassait depuis plus d’un mois. Il était temps de mettre un terme à leur petit jeu. Il devait retourner auprès du Seigneur Kaan. Il sentait les appels de son Maître à travers la Force, et il ne pourrait plus y résister bien longtemps. Le Seigneur Kaan les appelait tous, la Fraternité toute entière. La guerre de l’obscurité contre la lumière était sur le point de commencer. Mais Kaox avait encore une chose à accomplir avant de retourner vers son Maître.
Le transporteur qui le pourchassait se mit en mode de recherche actif, se rapprochant de plus en plus d’un petit monde inhabité. Kaox ne perdit pas de temps à vérifier son ordinateur de navigation ; la Force lui disait que cette planète anonyme foisonnait de vie, aucune n’étant plus évoluée qu’un rat-araignée. Rien dans ce système ne pouvait l’inquiéter. Les Jedi étaient seules, sans la moindre assistance possible. Bientôt, pensa Kaox, elles seraient mortes.
Le Maraudeur plaça son chasseur stellaire sur un vecteur d’attaque et activa son système d’armement. Le transporteur était dans sa ligne de mire, une créature lourde et lente sur le point de se faire tailler en pièces par le prédateur véloce qui fondait sur elle par derrière. Il aurait préféré tuer la Jedi et son apprentie au cours d’un combat au corps à corps, sabre laser contre sabre laser, mais le temps n’était plus à ce genre de lutte. Il fit appel à la Force, imagina le transporteur exploser en milliers d’éclats flamboyants. Il laissa la colère grandir en lui, l’emplir de rage et de pouvoir. Devant ses yeux, la Force apparaissait maintenant comme une lueur écarlate, baignant le transporteur d’un halo pareil à une brume de ciblage qui accroîtrait sa précision, lui assurant de porter le coup fatal. Kaox déclencha les canons lasers du chasseur stellaire, et des boules d’énergie mortelle filèrent vers leur proie insouciante.
Le Tueur Sombre s’était glissé derrière elles comme une ombre. Elle perçut sa présence sauvage une fraction de seconde avant que Dree ne crie. Crian réprima un sourire. Sa Padawan était très douée, mais ce n’était pas le moment de le lui dire. Au lieu de cela, ses mains dansèrent sur les commandes, forçant le transporteur apathique à dévier de son cap actuel avant que les lasers du Maraudeur ne transpercent leur coque ou n’éventrent leurs moteurs subluminiques.
— Dree, accroche-toi ! ordonna Crian alors que le Chant d’or tremblait et grinçait. Avec une résistance féroce et une défiance toute symbolique le transporteur roula lentement sur le côté. Crian grimaça, espérant qu’il tiendrait le coup.
— Le Maraudeur est juste derrière nous ! cria Dree. Il se rapproche rapidement…
L’explosion qui transperça le transporteur masqua la voix de Dree. Elle avait dû finir sa phrase, mais Crian ne put entendre ses mots au-dessus des bruits d’impacts de lasers et du hurlement des alarmes l’avertissant qu’une douzaine de systèmes étaient sur le point de lâcher. Le Chant d’or partait irrémédiablement en vrille. Alors que la fumée envahissait le poste de pilotage, Crian plissa les paupières et lutta avec les commandes. Puis, après un bruit sourd et un choc puissant, les lumières s’éteignirent, laissant le Chevalier Jedi et sa Padawan dans une totale obscurité.
Kaox Krul sentit son chasseur stellaire frémir alors que les rayons lasers jaillissaient de ses canons avant. Il utilisa le côté obscur pour viser juste, déterminant le point précis où les lasers transperceraient les moteurs du transporteur. Sa joie, momentanément à son paroxysme, retomba cependant lorsque le cargo esquiva le tir fatal. L’insipide Jedi avait senti sa présence ! Il ne pouvait y avoir d’autre explication. Sa proie dévia vers la droite, une manœuvre aussi ambitieuse qu’osée pour une embarcation aussi lourde. Les lasers du Maraudeur perforèrent le ventre du transporteur, ouvrant une plaie d’où s’écoula l’atmosphère de la portion inférieure gauche de sa coque. Kaox regarda la scène d’un œil sadique. Ce n’était pas le coup mortel qu’il avait escompté, mais il avait néanmoins fait des dégâts.
Alors que le cargo partait en vrille incontrôlée, Kaox réalisa avec inquiétude que son chasseur stellaire était trop près. Il avait voulu traverser l’explosion, dispersant ainsi les fragments restants du transporteur sur son passage au moment où il aurait du envoyer la Jedi et son apprentie vers leur Dernier Saut. Mais il n’y avait pas eu d’explosion, et le nez du transporteur parti en vrille frappa de plein fouet le chasseur stellaire. Le vaisseau Jedi heurta le Maraudeur comme l’aurait fait la charge d’un nerf enragé.
Kaox perdit connaissance alors que le chasseur stellaire rebondissait au loin et chutait vers la petite planète.
Le transporteur tomba encore et encore.
Bien qu’elle ait espoir que les derniers évènements signifiaient la fin du Marauder, Crian ne pouvait croire que Kaox Krul puisse être liquidé si facilement. Là-bas, l’obscurité persistait toujours. Cependant, elle avait des problèmes plus urgents. Le Chant d’or piquait vers la petite planète qui avait accueilli les Jedi juste après leur sortie de l’hyperespace. Maintenant, elle emplissait la baie du vaisseau alors que Crian luttait pour en reprendre le contrôle.
— Dree, que peux-tu me dire au sujet de cette planète ?
Pas de réponse. Crian ne sentait rien d’autre que l’empreinte de sa Padawan rodienne. Dree était vivante et probablement inconsciente. Tout autre supposition ne serait que pure spéculation, et elle n’avait pas de temps pour cela. La planète se rapprochait rapidement, et elle n’avait toujours pas repris le contrôle du transporteur.
— Dépêches-toi, exhorta-t-elle le vaisseau. Ton nom est censé apporter chance et fortune. J’utiliserais bien un peu des deux maintenant.
Le Chant d’or percuta durement l’atmosphère de la planète. Crian sentit le vaisseau vibrer autour d’elle.
— J’aurais besoin d’un peu d’aide là, chuchota Crian en souhaitant ardemment une relance des stabilisateurs ou une activation des répulseurs. Elle frappa sur la commande des répulseurs. Rien. Elle frappa encore.
Un gémissement récalcitrant se fit entendre des entrailles du transporteur. Soudain, il ralentit, essayant de se stabiliser. Les répulseurs fonctionnaient ! C’était déjà quelque chose. Elle ne pourrait sûrement pas renvoyer le Chant d’or dans l’espace, mais peut-être pourrait-elle le mener avec plus ou moins de douceur jusqu’à la surface de la planète.
Crian savait que l’atterrissage ne serait pas bien beau. Le transporteur bascula d’avant en arrière comme les répulseurs exerçaient une poussée contre la surface de la planète. Le vaisseau, fortement secoué, lutta contre les griffes de la gravité au moment où il quittait l’exosphère pour l’ionosphère, filait à travers la stratosphère, et plongeait dans le ciel. Une impression bizarre s’empara de Crian alors qu’elle imaginait le vaisseau affrontant son destin avec inquiétude et bravoure et cela l’attrista. Le Chant d’or avait accompli son dernier voyage. Leur beau et fidèle transporteur plongeait au devant de sa mort.
Le vaisseau racla la cime des arbres, détruisant sur son passage la luxuriante canopée, avant de plonger dans une mer de feuillage dense. Il percuta le sol et rebondit encore et encore sur ses répulseurs. Par la baie fissurée, Crian vit une forêt impénétrable. Le transporteur glissa à travers une clairière et percuta la base d’un tronc d’arbre massif. Alors, la Jedi ne vit plus rien du tout.
Kaox revint à lui au moment où son chasseur stellaire traversait l’atmosphère de la planète. Il lutta pour rejoindre un vecteur qui permettrait au vaisseau de planer jusqu’à la surface de manière plus ou moins contrôlée. Il aperçut le transporteur des Jedi au moment où celui-ci plongeait vers la canopée de l’épaisse forêt, puis focalisa son attention sur le sauvetage de son propre vaisseau. Le nez du chasseur avait été écrasé, rendant ses détecteurs inutilisables. Kaox était persuadé que d’autres systèmes avaient également été endommagés, peut-être irrémédiablement, mais il disposait encore de ses moteurs et de son gouvernail. Il fit voler le chasseur vers le sol, cherchant un endroit où il pourrait se poser.
Alors il se mettrait en marche, et localiserait les Jedi, soit pour piétiner leurs cadavres ou finir le travail… le moment où il pourrait les hacher menu approchait.
Dree Vandap savait qu’elle était vivante parce qu’elle avait mal partout. Un esprit sur le Monde des Chasseurs rodiens le lieu où tout bon Rodien se rendait pour mourir ne pouvait pas avoir mal à ce point. Tout du moins, Dree n’avait-elle jamais entendu parler d’une telle chose dans les histoires qu’elle avait lues. Cependant, elle n’avait pas été élevée dans la tradition Rodienne, il y avait donc probablement beaucoup d’éléments de cette théologie qu’elle ne connaissait pas. Elle avait grandi au Temple Jedi et suivi leurs enseignements au contact de professeurs tels que le Seigneur Hoth et Crian Maru. La Jedi n’avait pas suivi la Voie de la Chasse, mais Dree s’était documentée sur son monde natal et les traditions rodiennes. Elle pensait avoir une idée assez bonne de ce qu’était le Monde des Chasseurs et les chasseurs d’esprit, et il était certain qu’aucun des esprits qu’elle avait étudiés n’avait eu un hématome de la taille d’un fruit à coque d’un côté de la tête.
La Padawan se débarrassa des débris qui la recouvraient et se leva. Le Chant d’or n’était plus qu’un amas de duracier, de plastacier fondu et de fils électriques. Elle aimait ce vaisseau, mais il était douloureusement évident qu’il avait accompli sa dernière mission. Heureusement, il n’en allait pas de même pour elle.
— Attend un peu, Vandap, marmonna Dree pour elle-même, la journée n’est pas encore terminée.
La Rodienne prit un moment pour évaluer les dégâts. De l’intérieur, les choses n’étaient pas belles à voir, mais rien ne laissait supposer qu’elle encourait un danger immédiat. Pas de feu, ni d’étincelle en vue, aucun bourdonnement suspect témoignant de la surcharge d’une cellule énergétique. Elle se dirigea vers un endroit relativement dégagé du pont incliné et vérifia que son sabre laser était toujours attaché à sa ceinture. Alors, elle se souvint de son maître.
— Maître Crian ? appela-t-elle. Sa voix était plus faible et effrayée qu’elle ne l’avait souhaité, elle renouvela donc son appel, avec plus de force et elle l’espérait plus de confiance.
N’obtenant aucune réponse, Dree s’immergea dans la Force. Elle sonda le secteur, y cherchant le moindre signe de la présence de son Maître. Dree n’était pas très douée pour ce type d’exercice, cependant tous les Jedi possédaient quelques capacités rudimentaires leur permettant de sentir des vibrations dans la Force. Elle se concentra, ferma les yeux, et essaya de s’ouvrir à ces vibrations.
Rien.
Non, un moment. Il y avait quelque chose. Dree avait perçu un danger imminent. La mort. Le côté obscur. Elle se mit à trembler.
— Repousse-le ! marmonna Dree. Elle secoua la tête, s’éclaircissant l’esprit. Je chercherai Crian à l’ancienne.
Elle se dirigea vers l’avant de la cabine, essayant d’ignorer la verrière brisée et les panneaux de contrôles détruits.
— Crian ? appela-t-elle encore. Elle pouvait sentir la peur essayer de s’insinuer en elle. Dree ne la laissa pas faire.
Enjambant un morceau de revêtement du pont éventré, Dree vit les bottes de son Maître sortir de derrière une console déformée. La Padawan respira à fond pour recouvrer son calme, puis s’approcha. Elle la trouva gisant là et ne fut pas certaine de la conduite à tenir. Elle ne vit aucune plaie béante ou d’os clairement cassé. Il n’y avait pas de mare de sang autour de son Maître, mais cela ne signifiait en rien qu’elle n’était pas blessée. Devrais-je la toucher, se demanda Dree, essayant de se souvenir de l’entraînement médical rudimentaire qu’elle avait reçu quelques années plus tôt. La secouer ? L’appeler par son nom jusqu’à ce qu’elle réponde ?
Mais, et si elle était morte, se demanda la jeune Rodienne. Elle ne répondra certainement pas si elle est déjà morte.
— Je ne suis pas morte, chuchota Crian la voix rauque, en clignant des yeux pour regarder son étudiante.
Dree ne put s’en empêcher. Elle fit un bon en arrière, heurtant du coude une cloison tordue.
— Très bien, dit Crian d’un ton amusé, n’aide pas ton vieux Maître.
— Vous n’êtes pas vieille, dit Dree, en venant se placer au côté de son Maître pour l’aider à se redresser. Mais vous m’avez certainement fait la peur de ma vie.
Crian resta assise encore un moment. Elle ferma les yeux, et Dree sut qu’elle se connectait à la Force. Quand elle ouvrit les yeux, Dree n’y vit que détermination et volonté. La Jedi se mit debout, plaçant une main sur le sabre laser qui pendait à son côté.
— Nous n’en avons pas encore terminé, dit Crian. Le Maraudeur est toujours quelque part à l’extérieur, et il nous cherche.
— Je crois que cela fait de nous les proies.
— Pour l’instant, Petit Chasseur, dit affectueusement Crian. Laissons le penser ainsi encore un moment.
À travers la forêt, Kaox Krul se déplaçait furtivement, discret comme un rôdeur. Il étendait ses perceptions devant lui, prenant ainsi conscience de chaque insecte, plante et fleur, de chaque petite créature recroquevillée dans son terrier ou fuyant à son approche. Ce monde et ses abondantes formes de vie primitives n’avaient jamais rien vu de pareil au Maraudeur. Il se nourrissait de la peur générée par sa présence. Il était encore trop éloigné pour en avoir la certitude, mais Kaox imaginait que la Jedi et son apprentie expérimentaient les mêmes craintes que celles éprouvées par les créatures velues tapies dans leurs terriers ou les petits mange-feuilles. Cette peur grandirait alors qu’il se rapprocherait, et il tirerait sa force de leur terreur.
Il s’en délecterait.
Le Maraudeur maintint une allure régulière. Trébucher ou faire un faux pas ne l’inquiétait pas. Seuls les faibles s’en préoccupaient. Lentement, le silence s’effrita comme une couverture en lambeaux, comme une peau de serpent. Il se représenta sa proie frissonnant sous un épais manteau de peur.
Il portait une armure noire de sa propre conception, composée de rembourrages de protection et de plaques composites assemblées selon un schéma complexe à la gloire des Sith et de la Confrérie de l’Obscurité. Il avait également eu recours à l’alchimie des Sith pour imprégner l’armure de l’énergie du côté obscur, créant une barrière lui assurant une certaine protection contre les pouvoirs des Jedi. Il était fier du travail qu’il avait accompli, à la fois pour sa construction servile et l’application de la magie Sith, et il la portait comme un symbole de sa foi envers le côté obscur de la Force.
À son côté, accroché à sa ceinture, pendait le sabre laser dont il avait usé pour tuer plus de cent ennemis. Kaox n’avait pas construit l’arme. Il l’avait gagné, l’arrachant à la main encore agrippée du premier Jedi qu’il avait tué en combat singulier. Il affaiblissait les Jedi à chaque fois qu’il utilisait l’arme pour terrasser un innocent comme les Duros geignards qu’il avait abattu sur la colonie Harpori ou un méprisable ennemi comme ce Jedi, Karist Dem, ou le diplomate Wookiee Rojarra. L’arme, purifiée par le sang et utilisée comme instrument du côté obscur, appartenait maintenant totalement à Kaox. C’est à peine si quelques souillures Jedi persistaient encore.
Kaox utiliserait cette arme pour tuer la femme Jedi et sa jeune apprentie. Il visualisa la bataille à venir dans son esprit. Il commencerait par les tester toutes les deux en même temps, leur permettant de faire équipe contre lui afin de révéler la couardise qui caractérisait les Jedi. Puis il s’échapperait, leur laissant le temps de se noyer dans leurs propres peurs pendant qu’elles considéreraient son pouvoir et sa force supérieure. Au coup suivant, il tuerait l’apprentie. Ce ne serait pas une mise à mort propre et rapide. Il voulait qu’elle expérimente l’agonie, pour intensifier sa peur. Elle appellerait son Maître à l’aide, mais réaliserait également que cette aide ne lui parviendrait pas à temps. Quand elle comprendrait que la mort avait prévu de se repaître d’elle, il l’achèverait. La Jedi en deviendra folle de peine et de colère. Peut-être acceptera-t-elle alors la vérité du côté obscur, bien que cela ne se soit jamais produit par le passé. Les Jedi étaient têtus, étroits d’esprits. Elle s’approcherait tout près de la vérité de la Force, mais se détournerait du pouvoir qui pourrait réellement lui donner une chance au combat. Alors la Jedi mourrait à son tour.
Quand il en aura fini et que la lame de son sabre laser sera désactivée, Kaox Krul retournera vers Lord Kaan, triomphant et prêt à accomplir l’étape suivante de l’ascension vers la gloire de la confrérie. La Jedi et son apprentie n’étaient que des amuse-gueules avant l’abondant festin d’obscurité à venir.
Le Maraudeur était affamé. Il força le pas, laissant le côté obscur couler en lui et accroître son endurance. Il se rejoua la scène qu’il avait imaginée en même temps qu’il courait. Le Maraudeur avait très faim.
— Nous devons partir, dit Crian Maru, en bondissant du transporteur accidenté. Nous devons partir maintenant.
Dree Vandap, un kit de survie jeté sur l’épaule gauche, atterrit dans l’herbe humide près de son maître.
— Ne devrions-nous pas juste aller l’affronter ? En finir avec cette histoire ?
— Le Maraudeur est puissant, Dree. Ne le sous-estime pas. Il savait que nous le suivions depuis Harpori, et nous avons toutes les deux senti sa haine sa noirceur – à travers la Force. Quelque chose me dit que ce n’est pas le bon endroit pour l’affronter.
La Jedi et son apprentie coururent vers l’arrière du transporteur afin d’examiner la porte de la soute.
— Les servomoteurs ne pourront pas ouvrir cette porte. Elle est en trop mauvais état, dit Dree.
— Alors je vais devoir improviser, répondit Crian en sortant et en activant son sabre laser d’un mouvement maîtrisé. Saisissant l’arme à deux mains, Crian dessina un cercle dans la porte de duracier. Le métal chauffé à blanc rougeoya alors que le sabre laser le découpait, puis la pièce taillée tomba vers l’intérieur, ménageant un accès vers la soute.
Crian sauta facilement à travers l’ouverture.
— Monte la garde, lança-t-elle. Nous ne resterons pas seules très longtemps.
Le Maraudeur observa l’apprentie depuis son perchoir parmi les arbres. Il sentait la présence de son maître à proximité, mais Kaox ne parvenait à la voir. Était-elle toujours à l’intérieur du transporteur détruit ? À moins qu’elle ne soit quelque part dans la forêt, attendant qu’il se rapproche de la Rodienne pour le frapper ? La Jedi se servirait-elle ainsi de son apprentie, l’utiliserait-elle en guise d’appât ? Il ne le pensait pas, mais parfois les disciples de la lumière l’étonnaient et le perturbaient. Il laissa le côté obscur enfler en lui, l’utilisant pour masquer sa présence tout en affinant ses sens afin de rester en alerte.
Il jeta un coup d’œil autour de lui, bien que la Force lui ait indiqué qu’il était seul dans les arbres. Puis il décrocha son sabre laser de sa ceinture et le tint prêt. Avoir perdu la Jedi de vue le dérangeait et le mettait mal à l’aise. Avait-elle anticipé son arrivée ? Était-elle plus puissante qu’il avait osé l’imaginer ? Peu importe. Le côté obscur était son allié. Kaox frapperait vite et fort. Il ne leur laisserait aucune chance.
L’apprentie allait mourir. Maintenant. Sans prévenir. Ça ne serait pas aussi satisfaisant que le jeu qu’il avait imaginé, il devrait donc simplement s’amuser plus tard, contre la Jedi.
Dree sentit son cœur battre violemment dans sa poitrine. La peur l’envahit sans qu’elle ne puisse rien y faire. Sa propre capacité à voir à travers la Force, de sentir ses vibrations et d’interpréter son courant, était déplorablement insuffisante en comparaison de celle de Crian Maru. Néanmoins, son intuition l’avertissait de l’approche d’un orage. Un orage qui allait littéralement « fendre le ciel et déverser des trombes d’eau », chargé d’éclair, de vent et de tonnerre. Il rampait à travers le ciel comme une bête gigantesque. Elle savait que le Maraudeur serait sur elle avant que la première goutte de pluie ne touche le sol. Son maître le sentait et l’avertissait de se tenir prête. Dree essaya de recouvrer son calme, son équilibre.
La Rodienne fit glisser son sabre laser de sous ses longues robes. Ce n’était pas le sien, pas vraiment. Un jour, dans un avenir proche l’espérait-elle, elle entreprendrait de construire le sien. Cependant, elle n’était pas prête pour cette épreuve. Pas encore. En attendant, elle utiliserait celui-ci un cadeau de son mentor. Crian le lui avait donné le jour où elle avait accepté la jeune Rodienne comme Padawan.
« Apprend à bien t’en servir » lui avait dit Crian, se rappela-t-elle. Depuis ce jour, elle s’était entraînée au maniement de l’arme à chacun de ses moments perdus. Elle voulait lui montrer qu’elle prenait ses études et son engagement au sérieux. Elle voulait prouver qu’elle avait ce qu’il fallait pour être un Chevalier Jedi.
Dree capta un mouvement du coin de l’œil, comme si une ombre s’était libérée de la forêt et jaillissait vers elle à la vitesse de la lumière. Elle se tourna vers la forme sombre et floue, réagissant avec des réflexes de Jedi bien qu’elle ait l’impression d’attendre, immobile. Un bourdonnement sourd se fit entendre au moment où le sabre laser de l’ombre s’embrasa. La Rodienne leva le sien en position de défense tout en allongeant sa lame d’énergie au maximum. Elle ne pensa pas. Elle ne s’enfuit pas. Elle resta sur ses positions et maintint son sabre laser devant elle.
La tache floue prit forme, celle d’un humain, grand, avec les cheveux coupés si près du crâne qu’il était pratiquement chauve. Sa silhouette puissante était recouverte d’une armure noire renforcée qui lui brûla les yeux lorsqu’elle la regarda. Les symboles gravés à l’eau-forte dans la cuirasse résonnaient du côté obscur. Elle ne l’avait vu qu’à distance, mais il était impossible de ne pas reconnaître ce géant.
C’était le Maraudeur, Kaox Krul. Il ne dit pas un mot. Sa haine lui hurlait des mots faits de lourds silences. Elle s’accrochait à lui comme un linceul. Dree se rendit compte que quelque part au loin, un éclair zébrait le ciel. Cependant, ses yeux multi-facettes, étaient rivés sur la lame rouge sang de son sabre laser. Il le brandit, sa poignée presque trop petite pour son énorme main. La lame décrivit un arc-en-ciel alors qu’elle s’abattait sur elle.
Dree était morte. Pendant un moment, elle en fut aussi persuadée que de son propre nom. Mais son entraînement reprit alors le dessus. Elle intercepta la lame d’énergie du Maraudeur avec la sienne, projetant des étincelles dans toutes les directions. Puis, avant qu’il ne puisse contourner sa parade, Dree se laissa tomber sur le côté, plus près de la soute ouverte et temporairement hors de portée du Maraudeur. Elle se releva d’un mouvement fluide, se servant de la Force pour renforcer ses appuis.
— Même les chiots Jedi peuvent m’étonner, grogna Kaox, en s’approchant prudemment d’elle. Mais les choses se finissent toujours de la même façon. Le chiot morveux meurt, et je peux compter un autre meurtre à mon actif.
Dree essaya d’affermir sa voix, mais elle savait qu’elle n’était pas de taille à lutter contre le Maraudeur.
— Vous devez répondre d’un grand nombre de morts, dit-elle, en gardant la lame de son sabre laser devant elle.
— Peut-être, petit chiot, peut-être. Il fit un nouveau pas vers elle. Mais ce n’est pas devant toi que j’en répondrais.
Crian Maru jaillit de la soute à cheval sur la motospeeder à répulsion de Dree, rebondit à travers l’aire dégagée, et fit un demi-tour serré en direction des combattants. Poussant les gaz à fond, Crian laissa la moto faire un brusque bond en avant. Elle lança une injonction à travers la Force, ordonnant mentalement à son apprentie de sauter sur la moto quand elle passerait à proximité. Puis, elle se concentra entièrement sur le pilotage du speeder. Elle n’était pas aussi bonne pilote que Dree et dut donc se concentrer davantage.
Kaox Krul observa la course de la motospeeder foncer sur lui et sourit. Maintenant il avait les deux Jedi en ligne de mire. Il se prépara, s’apprêtant à frapper dès que la moto serait assez près. Les choses seront peut-être plus difficiles que prévu, pensa-t-il.
Dès que le Maraudeur détourna son attention vers Crian et la motospeeder, Dree commença à se déplacer. Elle était en plein milieu d’un mouvement censé l’amener dans le dos du disciple du côté obscur quand elle sentit la voix de Crian pénétrer son esprit.
— Grimpe ! cria la voix.
Avant d’obéir, Dree devait gagner du temps. Elle termina sa pirouette, rassembla ses jambes, et bondit. Son saut l’amena derrière le dos exposé du Maraudeur. Elle se fendit, espérant au moins le blesser. Kaox Krul répliqua rapidement et efficacement. Au lieu de trancher l’armure sombre, la lame de Dree rebondit sur le sabre laser activé de son ennemi.
Le disciple du côté obscur, contraint de faire volte-face pour se protéger, n’était donc plus en mesure d’éviter la motospeeder. L’engin le faucha, le projetant à terre.
Dree termina son saut, atterrissant exactement derrière Crian sur le véhicule en mouvement.
Crian ne ralentit pas. Elle détourna le speeder de l’épave du Chant d’or et poussa les gaz à fond. Alors qu’elles filaient à travers la forêt, s’éloignant du Maraudeur, Dree pouvait sentir que son maître cherchait à tirer avantage de tout ce qu’elle pouvait. C’était elle, et non le guerrier Sith, qui choisirait le champ de bataille. Elle qui dicterait les règles de ce conflit. À chaque virage, la Padawan Rodienne percevait la volonté de son maître de frustrer leur adversaire.
Dree espéra que, pour un temps, cela suffirait.
Kaox Krul roula sous l’impact, se remettant instantanément debout. Il regarda autour de lui, vit son sabre laser à terre, près du transporteur détruit, et s’immergea dans la Force et trouva immédiatement le fil invisible qui reliait le sabre laser à sa main ouverte. D’un geste, il tira dessus, ramenant l’arme à lui. Seules quelques secondes s’étaient écoulées, mais quand il leva les yeux, la motospeeder disparaissait déjà dans la forêt.
— Non ! éructa Kaox, en rage. Personne ne me privera de leur mort !
Rassemblant la Force autour de lui, le Maraudeur s’élança. Comme un éclair de foudre noire, il se rua à travers la clairière puis dans les profondeurs de la forêt, suivant la trajectoire du speeder. La vitesse que lui fournissait la Force ne lui permettrait peut-être pas de rattraper le véhicule des Jedi, mais elle le maintiendrait au contact.
Il s’ouvrit au côté obscur, augmentant son allure à l’extrême.
Dree s’agrippait à son maître alors que la motospeeder se faufilait à travers la forêt. Elle aurait du piloter le speeder. Elle était meilleur pilote que Crian, et naviguer entre ces arbres massifs nécessitait des réactions instinctives et des réflexes aiguisés. Cependant, elles n’avaient pas le temps de s’arrêter pour changer de place. Le Maraudeur devait être à leur poursuite, et aucune d’elles n’étaient prête à se battre. L’accident les avait toutes les deux secouées. Dree avait mal un peu partout, mais elle ne pensait pas souffrir d’autre chose que d’un gros bleu. Crian pouvait être plus sérieusement blessée.
Alors que le speeder achevait une série complexe de louvoiements et de virages et reprenait une trajectoire plus ou moins droite, Dree risqua un coup d’œil par-dessus son épaule. Effrayée, elle manqua de lâcher son maître. Le Maraudeur était juste derrière elles ! Il devait s’être camouflé grâce au côté obscur, car Crian ne semblait pas avoir perçu son approche. La Force augmentait sa vitesse, le portant presque à leur hauteur.
— Il est là ! cria Dree, ses paroles couvertes par les hurlements de la motospeeder qui fendait l’air.
Crian avait perçu l’inquiétude de son étudiante juste un instant avant qu’elle ne l’exprime. Elle appuya à fond sur la pédale de régulation des gaz, et le speeder bondit. Il faudrait que cela suffise, pensa Dree. Le speeder ne pouvait pas donner plus.
Le visage du Maraudeur se tordit de rage alors qu’il invoquait des réserves toujours plus importantes d’énergie obscure pour franchir les quelques derniers mètres qui le séparaient des passagers mortifiés de la moto. Même aidé de la Force, pourrait-il réellement aller aussi vite qu’elles ? Son sabre laser s’embrasa et tournoya en direction du speeder. Son attaque lui fit perdre l’équilibre, et il culbuta et vint durement frapper le sol.
Le Maraudeur avait atteint sa cible, l’extrémité de la lame de son sabre laser trancha l’un des câbles électriques de la moto. Les dommages ne s’avéreraient pas immédiatement fatals, mais le speeder allait progressivement manquer de puissance. Dree perçut et partagea l’inquiétude de Crian. Pourraient-elles atteindre un endroit relativement sûr ?
Elle regarda derrière elle une nouvelle fois, mais le Maraudeur ne semblait plus les poursuivre. Peut-être sa détermination s’était-elle finalement émoussée.
Les nuages sombres qui s’étaient déployés à l’horizon quelques temps plus tôt emplissaient maintenant le ciel. La nuit arrivait, et avec cette couverture nuageuse, elle serait quasiment noire. L’orage, quand il frappera, promettait d’être spectaculaire. Crian s’immergea dans la Force. La sombre présence était toujours là, mais pas à proximité. Du moins pas pour le moment.
Elles avaient abandonné la motospeeder une heure auparavant, une fois que la jauge d’énergie eut atteint zéro. Laissant le véhicule au fond d’un profond ravin, elles commencèrent à courir et maintinrent leur allure fiévreuse jusqu’à ce qu’elles aient laissé quelques kilomètres de plus derrière elles. Quand elles atteignirent les collines rocheuses qui délimitaient cette partie de la forêt, Crian décida d’un arrêt. Elles trouvèrent une petite caverne, partiellement cachée par des broussailles et s’y installèrent pour se reposer.
— L’orage arrivera-t-il bientôt ? demanda Dree.
— Non, répondit Crian, en écoutant le chant de la Force. Il attend.
Tour à tour, elles montèrent la garde pendant que l’autre essayait de dormir. Au mieux, elles parvenaient à se glisser dans un demi-sommeil agité, troublé de rêves sombres et d’images du Maraudeur. La plupart du temps, l’une ou l’autre fermait simplement les yeux et essayait de trouver un peu de calme dans la Force.
Elles mangèrent des rations de leurs packs de survie et burent l’eau de leurs gourdes. Elles parlèrent peu, chacune d’elles se préparant à la bataille à venir. L’orage attendait, menaçant, mais refusait de libérer son contenu. Les nuages, au-dessus d’elles, étaient sombres et douloureusement boursouflés.
Le temps passa.
Le Maraudeur approchait.
Et l’orage attendait, plein d’une sinistre impatience.
Crian demeura attentive pendant que Dree dormait, apparemment, au moins pour le moment, libérée de ses cauchemars. Elle se demanda si elle aurait tenu le coup en l’absence de sa Padawan. Elle avait foi en Dree, mais la jeune Rodienne avait encore beaucoup à apprendre. Elle n’était pas prête à affronter le Maraudeur, pas encore. Leur survie dépendrait très certainement de Crian, mais elle gardait secrètes ses craintes sur sa capacité à s’opposer à Kaox Krul. Il était fou, puissant, empli du côté obscur, affamé de mort. La rage l’avait rendu fort, sans peur. Pourrait-elle le faire ? Pourrait-elle vaincre le Maraudeur ?
Oui, pensa-t-elle. Mais il serait préférable qu’elle n’ait pas à s’inquiéter pour sa Padawan.
— Dors bien, chuchota Crian, effleurant doucement le front de son étudiante.
Le Chevalier Jedi se glissa hors de la caverne, s’enfonçant dans la nuit enveloppée de nuages.
Derrière elle, dans la caverne, Dree Vandap se retourna et gémit. Ses cauchemars étaient revenus.
Presque deux jours durant, Kaox Krul traqua les Jedi à travers la forêt. Après avoir essayé de neutraliser la motospeeder, il avait perdu l’équilibre, chutant à s’en rompre le cou. Une grossière erreur de calcul, il arrivait trop vite pour pouvoir s’arrêter. Il en avait eu le souffle coupé, restant au bord de l’inconscience pendant quelques longues minutes avant de pouvoir reprendre la poursuite. Mais pendant ce temps, le speeder s’était échappé et il n’avait pas l’énergie nécessaire pour tenter une nouvelle pointe de vitesse. Il se mit donc à marcher, sans hâte, tout en laissant à son corps le temps de récupérer de l’effort extrême effectué alors qu’il s’aidait de la Force pour courir.
Il lui fallut plus d’une journée pour gagner le lieu où la motospeeder était cachée. Elle était à moitié enfouie sous une montagne de feuilles mortes et de branchages au fond d’une petite tranchée. Il avait presque franchi le ravin et serait probablement complètement passé à côté s’il s’était déplacé plus vite. Ces Jedi étaient décidément dures avec leurs véhicules, pensa Kaox.
Il se laissa tomber dans la ravine pour examiner le speeder. Les Jedi n’étaient pas à proximité, mais Kaox ne s’était pas non plus attendu à ce qu’un évènement aussi trivial qu’un accident les retarde. Il comprit que la motospeeder était simplement tombée en panne d’énergie.
Il passa le jour suivant à suivre leur piste dans la forêt. Simple au début, sa tâche se compliqua lorsque leurs marques disparurent soudainement. Kaox s’immergea dans le côté obscur, l’incitant à lui révéler le chemin pris par les Jedi. Ses proies possédaient pourtant leurs propres signatures dans la Force, elles devaient donc avoir masqué leurs traces d’une manière ou d’une autre. Le Maraudeur ne pouvait rien faire d’autre qu’errer dans la forêt, à la recherche des signes physiques de leur passage ou à attendre que la Force les trahisse.
Ou qu’elles se trahissent elles-mêmes.
À l’instar des Jedi, Kaox se camoufla. Non, pas comme les deux Jedi, réalisa-t-il. L’apprentie n’était pas assez expérimentée pour avoir un contrôle aussi fin de la Force. Le Chevalier les protégeait, gaspillant une énergie précieuse afin de les masquer, elle et la petite. Encore un autre signe de faiblesse, pensa Kaox. Encore un autre signe prouvant que le côté obscur finirait par triompher de la lumière.
Le temps s’écoula. Kaox Krul prit quelques heures de repos et médita sur le côté obscur.
Quand il fut prêt à repartir, il se mua en un prédateur infatigable, un traqueur implacable. Il fit une pause, huma l’air, et s’ouvrit à la Force. C’était là. Un tintement, une subtile vibration. Ce n’était pas grand chose, mais il avait trouvé sa proie. Avec un sourire à la fois inquiétant et plein de haine, le Maraudeur se prépara à porter le coup de grâce.
Crian Maru glissait à travers la forêt comme une brise silencieuse. Au-dessus d’elle, les nuages s’écartèrent juste assez pour révéler un ciel nocturne dégagé. Les lunes jumelles de la planète brillaient à travers la trouée, enveloppant la forêt d’une lumière pâle et fantomatique. Ses sens la picotaient comme des fils de fers vivants alors que la Force coulait en elle, mais elle ne parvenait pas à y localiser le Maraudeur. Il se cachait, bien qu’elle ait toujours eu la vague impression d’être épiée et même si elle n’arrivait pas à mettre le doigt sur l’origine exacte de son trouble.
Elle accéléra ses recherches, débouchant finalement des arbres dans une vaste clairière. À la clarté des lunes, elle vit un lac aux eaux calmes et immobiles emplir l’espace dégagé. Les orbes des astres jumeaux se reflétaient distinctement dans l’eau. Crian s’aperçut que la couverture nuageuse se désagrégeait, découvrant des étoiles dans le bleu profond qui enveloppait les lunes. Peut-être l’orage était-il en train de mourir. Voilà qui serait un bon présage.
Dans la caverne, Dree se redressa, immédiatement réveillée et lucide. Crian était partie. Elle était seule dans la petite cavité. Son maître l’avait laissée en derrière, elle était partie affronter seule le Maraudeur.
Avait-elle si peu confiance en moi, en mes capacités ? se demanda Dree.
Une part d’elle voulait rester là où elle se trouvait, bien cachée, à l’abri dans la caverne. Mais ne le pouvait pas si elle voulait être loyale envers elle-même et envers son maître. Un chasseur rodien ne se terrait pas, effrayé, caché dans une caverne. Pas plus qu’un Chevalier Jedi. Cependant, Dree n’était ni un chasseur rodien ni un Chevalier Jedi pas encore. La peur, néanmoins, menait au côté obscur. Elle ne prendrait pas ce chemin – pas volontairement du moins.
Dree expira calmement pour s’armer de courage et prépara son esprit pour la bataille. Crian avait besoin de son aide, et Dree n’allait pas la décevoir.
Crian Maru, Chevalier Jedi, s’assit au bord du lac silencieux, sous la lueur des lunes jumelles. Les lourds nuages orageux bordaient la clairière, mais juste au-dessus d’elle le ciel était clair et dégagé. Elle était calme, en paix. Le chant de la Force vibrait en elle, l’emplissant de confiance et de puissance. Elle était prête.
L’ombre se dressait au bord de la clairière, partiellement camouflée par d’épais bosquets d’arbres. Elle était consciente de l’Obscure présence depuis quelques instants, mais elle n’avait pas bougé, n’avait rien fait qui puisse lui indiquer qu’elle l’avait repéré. L’ombre jaillit hors de l’obscurité et le Maraudeur apparut dans la faible clarté des lunes. Sans un bruit, il se rapprocha d’elle, patientant jusqu’au dernier moment pour activer son sabre laser. Crian décida de ne pas attendre.
Le Chevalier Jedi se leva sans hâte, se retournant calmement pour faire face à l’arrivée fulgurante du disciple du côté obscur. Il s’arrêta, momentanément décontenancé par le calme de ses gestes. Elle saisit sa propre arme et riva son regard au sien.
— L’obscurité qui t’habite t’a trahie, Kaox Krul, dit Crian.
— Et toi, Jedi, tu refuses celle qui t’habite, répliqua Kaox. Renie ton serment Jedi et rejoins-moi au côté du Seigneur Kaan.
— Cela n’arrivera jamais.
— C’est ce que tu crois.
Deux sabres lasers s’embrasèrent. Au loin, le tonnerre gronda.
La tempête les cernait totalement, bien que le ciel demeure dégagé au-dessus d’eux. Un éclair brilla au-dessus des arbres. Voilà qui n’augurait rien de bon, pensa Crian.
Au coup de tonnerre suivant, Kaox Krul hurla. Crian Maru intercepta son attaque, sabre laser contre sabre laser, obscurité contre lumière.
Dree Vandap observa l’amorce de la bataille opposant le Chevalier Jedi au guerrier Sith, à la fois horrifiée et fascinée. Leurs lames d’énergie découpaient des motifs complexes dans la nuit, fréquemment ponctués d’étincelles lorsque les armes se heurtaient, se séparaient, et se rencontraient à nouveau.
La Padawan laissa la Force couler en elle, faisant appel à une technique de préparation au combat. Elle activa son sabre laser, tirant réconfort du bourdonnement familier de l’arme. Alors elle s’élança à travers la clairière, se ruant vers le bord du lac pour aider son Maître.
Le Maraudeur et la Jedi dansaient au son d’un chant de vie ou de mort qu’eux seuls pouvaient entendre. C’était une danse faite de violence qui se répercutait dans la Force. Les premières attaques et contre-attaques permirent aux deux combattants de prendre la mesure l’un de l’autre. L’un d’eux gagna du terrain, puis le perdit alors qu’ils se fendaient et paraient. Le tonnerre s’intensifia, puis le vent se renforça, faisant tourbillonner les feuilles mortes autour d’eux comme ils combattaient. Pour le Sith et la Jedi, le temps semblait aller et venir. Continuellement, un mélange complexe d’attaques et de parades appuyées par la Force se déroulaient comme au ralenti.
Le guerrier Sith lança un déluge mortel de coups sur la Jedi. Crian puisa profondément dans la Force et para chacun d’eux. Elle sauta et virevolta, recherchant les failles de sa défense. Il tournoya et se renversa, sondant les techniques de son adversaire pour trouver une ouverture. Pendant un temps, aucun d’eux n’y parvint.
Puis, la jeune Rodienne prit part au combat, frappant Kaox Krul par derrière. Il contra l’attaque, mais il devait maintenant faire avec un ennemi de chaque côté. Il laissa sa colère grandir. Elle accrut sa puissance, permettant au côté obscur de s’épanouir en lui. Son sabre laser tournoya de l’une à l’autre, bloquant une attaque de la Jedi d’un côté, parant un coup de l’apprentie de l’autre. Mais cette position ne lui permettait pas de lancer une attaque significative vers l’une ou l’autre. Attaquer l’une d’elles signifiait offrir une ouverture à l’autre.
Kaox Krul libéra sa main gauche en agrippant son arme de la droite. Serrant fortement le poing libre, il imagina toute sa colère glisser le long de son bras et s’y concentrer. Il se le représenta comme un ressort tendu à l’extrême. Puis, quand l’arme de la Jedi rebondit sur sa parade, la faisant légèrement pivoter d’un côté, il ouvrit sa main et relâcha la puissance qui y était accumulée. La Force jaillit comme une vague, heurtant la Jedi et la propulsant en arrière, dans le lac.
Il fit de nouveau appel à la Force, la laissa l’entourer, puis il bondit. À peine l’arme de l’apprentie commençait-elle à décrire un arc qu’il avait disparu. Quand la lame d’énergie traversa l’emplacement qu’il occupait, il atterrit doucement derrière elle. Son sang bouillit de triomphe. L’apprentie fut à peine déséquilibrée, mais c’était suffisant. Il lança son attaque, la lame brûlante de sa propre arme embrochant le jeune rodienne.
Crian Maru rassembla la Force autour elle et l’utilisa pour s’élever hors de l’eau. Elle flotta jusqu’au rivage juste au moment où la Force autour d’elle devenait sombre et froide. Dree Vandap était morte. Stupéfaite, elle regarda son apprentie s’effondrer au sol. Un flot de douleur la submergea, incoercible. La colère en profita pour l’envahir, en même temps qu’une haine telle qu’elle ne se rappelait pas en avoir déjà éprouvée. Elle avait abandonné son étudiante.
Dree était morte.
Le Maraudeur devait également mourir.
Crian vit le sourire de Kaox Krul alors qu’elle bondissait vers lui. Elle savait qu’elle aurait dû contrôler ses émotions. Elle était sur un terrain dangereux. Mais Dree n’était pas censée mourir ! Crian voulait blesser le Maraudeur. Elle voulait lui faire payer.
Les lames des sabres lasers se heurtèrent une fois de plus.
Des heures plus tard, le Maraudeur et la Jedi étaient toujours enfermés dans leur combat. Ils étaient de forces trop égales pour que l’un ou l’autre puisse prendre définitivement l’avantage. Aidés de la Force, ils se lançaient des rochers et des branches. Ils tranchaient, entaillaient et tailladaient de leurs sabres lasers qui bourdonnaient de colère sous l’effort continuel. Ils se provoquaient l’un l’autre quand ils parvenaient à reprendre leur souffle. À coups de poings, de pieds, de genoux et de coudes, ils se frappaient mutuellement avec toutes les armes dont ils disposaient.
Battus et meurtris, couverts de coupures et d’éraflures, ils semblaient tous deux prêts à abandonner. Même l’armure sombre de Kaox tombait en morceaux par endroits. À chaque fois que Crian sentait ses muscles faiblir, elle se rappelait son étudiante bien-aimée et trouvait la force de continuer. Mais elle n’avait pas la moindre idée d’où Kaox pouvait bien tirer une telle résistance.
Les nuages gonflés d’eau étaient revenus, créant une entité particulièrement effroyable. Des éclairs en jaillissaient lorsque le tonnerre retentissait avec une force terrible. À chaque attaque ou parade, le tonnerre grondait. Avec chaque coup de poing ou de pied, la foudre se propageait dans le ciel comme des toiles d’araignée ardentes.
Crian commençait à perdre du terrain. Elle était plus rapide que le Maraudeur, mieux entraînée, mais il était plus fort et puisait dans des réserves de Force qui lui étaient interdites. Il allait la tuer. Il allait gagner.
Elle savait d’où Kaox tirait sa puissance. Le côté obscur de la Force. Laisser ses émotions amplifier sa puissance ne l’effrayait pas. Il n’avait aucun scrupule à utiliser sa colère et sa haine comme moyens d’obtenir plus de puissance que son corps ou son esprit ne pouvait en rassembler par eux-mêmes. C’était un guerrier Sith, formé pour exploiter l’intensité de ses sentiments les plus sombres. Crian para une autre attaque, puis bondit pour se mettre hors de portée du Maraudeur. Pendant un instant il ne la suivit pas. Il se contenta de la regarder fixement, illuminé par la lueur rouge de son sabre laser et par les flashs des éclairs.
— Je suis désolée, Dree, dit Crian, en laissant des larmes couler le long de ses joues souillées de sueur.
Crian s’abandonna alors à sa rage, libérant la haine qu’elle éprouvait pour l’homme qui se tenait en face d’elle. Elle la laissa chanter en elle, une mélodie de fureur débridée qui lui redonna force et détermination. La clairière qui cerclait le lac s’emplit d’émanations du côté obscur de la Force.
Kaox hurla, se donnant complètement au côté obscur.
Crian lui renvoya l’appel, embrassant sa colère et sa haine. Les nuages boursouflés éclaboussèrent le sol et le lac avec d’énormes gouttes de pluie graisseuses. Au cœur du déluge, Crian et Kaox sollicitaient tous deux le côté obscur. Revigorés par sa puissance, ils s’élancèrent, l’un vers l’autre, et leur lutte devint encore plus dévastatrice.
À chaque coup de poing, de pied ou dès que leurs sabres lasers s’entrechoquaient, le tonnerre grondait autour des deux adversaires. La foudre dansait à la surface du lac et percutait le sol autour des guerriers. Crian se fendit, sa colère amplifiant la force de son attaque. Kaox esquiva, pivota, et lui retourna une contre-attaque habile. Les lames des sabres lasers cinglaient et étincelaient, rebondissant l’une contre l’autre encore et encore, alors qu’une pluie noire tombait toujours du ciel.
Le Maraudeur, espérant trouver un moment de répit, s’enveloppa dans la Force et lévita jusqu’au centre du lac. Crian refusa de donner le moindre sursis à Kaox et le suivit dans les airs.
— Ta colère est impressionnante, cria Kaox par-dessus le hurlement de l’orage. Rejoins notre Confrérie de l’Obscurité et renonce à cette vie que tu as déjà abandonnée.
— Tu ne comprends pas, n’est-ce pas ? répliqua Crian, en projetant violemment sa colère sur lui à travers la Force, l’entraînant vers les eaux agitées qu’il surplombait.
Il ignora l’attaque et se renforça avec la puissance du côté obscur. Crian fit de même.
— C’est l’heure de mourir, Jedi, hurla Kaox.
Sith et Jedi volèrent l’un vers l’autre, convergeant au-dessus du chaudron d’eau trouble. Kaox tint haut son sabre laser. La lame de Crian le frappa bas. Pendant un instant, des éclairs déferlèrent autour d’eux, les baignant d’une lumière crue alors que chacun d’eux tombait sous le coup mortel de l’autre.
Puis ils disparurent, noyés sous des vagues de pluies torrentielles.
Salen Toth, un Chevalier Jedi, se tenait sur la berge d’un lac immobile. Il tenait plus du marais que du lac, en fait. Les arbres qui l’entouraient étaient tordus et noirs, pourvus de branches stériles qui atteignaient, tels des membres squelettiques, son centre sombre et boueux. L’endroit tout entier paraissait malade, difforme. Hanté.
— J’ai trouvé la Padawan, dit Salen, en parlant dans son comlink. Elle a été tuée d’un seul coup de sabre laser. Je n’ai trouvé aucun signe de Crian Maru ou du Maraudeur, mais je suis sûr qu’une bataille a eu lieu ici.
Il regarda avec attention la surface du lac sombre, essayant de comprendre ce qui s’était produit. Cependant, il ne perçut qu’obscurité et désespoir dans la Force.
— J’en ai terminé ici, dit-il, en éteignant son comlink.
L’endroit était mort. Il était temps pour lui de retourner à la vie. Il fit demi-tour, souleva le corps de la Padawan, et prit le chemin de son vaisseau.
Derrière lui, un vent humide et froid siffla à travers les arbres tordus, et les ombres s’étendirent. Un instant, il crut avoir entendu le bourdonnement de sabres lasers. Il revint sur ses pas, mais il n’y avait rien à voir.