CHAPITRE VI

 

Pas dupe, Sank ! Il le connaissait trop bien. Il lui avait demandé ce qui le rendait aussi joyeux. Gurvan avait répondu que c’était sa nomination.

— Vraiment ? Eh, tu me prends pour une bille !

Néanmoins il n’avait pas insisté.

Tout en enfilant calmement sa combinaison de vol près des jeunes qui étaient excités comme des poux, il songea qu’il devrait garder un œil sur l’escadron A, maintenant. Il devait protéger la jeune fille. Avec ses victoires elle serait instructeur, leur tour d’opérations fini. Elle avait sa chance, même, d’être pilote d’essai. Ça lui ferait gagner deux tours… Il fallait qu’elle vive !

Padge lui fit un clin d’œil, plus loin. Il avait l’air fatigué, le chef d’escadre. Tous ces jeunes à prendre en charge, ça devait être moralement épuisant.

— Tu as le sergent Draal en N°2, c’est ça ?

— Oui.

Padge avait l’air de chercher ses mots.

— Écoute, ne te crois pas plus fort que tu ne l’es. Elle est ton N°2, rien de plus. Son boulot est de te suivre, ne t’occupe pas de ce qu’elle fait. C’est une mission lointaine, garde tes forces pour attaquer, les jeunes sont mieux entraînés qu’à votre époque. Tu me saisis ?

— Je crois que oui, monsieur. Pourtant on m’a…

— Rien du tout. Personne ne t’a aidé, si c’est ce que tu allais dire. Chacun court sa propre chance, mets-toi ça dans le crâne. Et c’est un ordre !

Il inclina la tête.

Le A décolla derrière Padge, en tête, comme d’habitude. Gurvan était N°7 du B, le dernier leader. Normal pour le dernier nommé. Les autres venaient d’autres escadres. Il n’y avait que huit appareils par escadron, aujourd’hui. Le reste poursuivait l’entraînement.

Le voyage de l’aller se déroula sans problèmes. Les raiders volaient en formations serrées, loin sur la gauche, en dessous. Draal se tenait à sa place, décalée et en arrière.

Gurvan se sentait un peu nerveux, comme s’il lui manquait quelque chose. Un N°1 peut-être, un autre intercepteur devant ? En tout cas il était mal à l’aise.

L’attaque des raiders se développa brutalement. Le porteur ennemi venait d’apparaître sur les écrans et les grosses machines passèrent en surpuissance.

Les Géos devaient être occupés ailleurs parce qu’ils intervinrent trop tard. Trois raiders venaient de mettre au but. Des pans entiers du porteur volaient dans l’espace et des débris s’éloignaient. Gurvan n’eut pas le temps d’en voir plus, Djakar parlait à la radio.

— Briscards Bleus, on vire par la droite en montant.

Gurvan mit la puissance machinalement et suivit sans peine le mouvement, mais son N°2 prit du retard.

— Bleu 8, coupez le virage pour nous rattraper.

— Reçu.

Il n’y eut pas de préliminaires, des Géos foncèrent dans le tas. Ils combattaient pour leur porteur et la mêlée devint immédiatement farouche.

Gurvan avait entamé une spirale heurtée pour ne pas laisser un appareil ennemi se glisser derrière eux. Il renversa brutalement et découvrit, là, devant ses yeux un Géo effectuant un retournement pour garder le combat en vue. L’engin occupait le centre du cercle de visée centrale. Le pouce de Gurv écrasa la mise à feu de ses thermiques… qui restèrent silencieux. On n’avait oublié de les sélectionner !

Une rage folle le saisit. La plus belle occasion qu’il ait jamais eue et il la gâchait pour une bêtise de débutant !

De la main gauche il freina à mort pendant que la droite courait sur les contacteurs pour brancher l’armement. Il n’avait pas quitté le Géo des yeux et bascula pour le suivre dans un piqué à la verticale au cœur du combat.

Le type ne l’avait pas encore repéré mais ça n’allait pas tarder… Il virerait alors… mais de quel côté ?

Ils sortirent de la zone ou les autres évoluaient, c’était maintenant ! De toute façon il fallait quitter cette poursuite, elle avait déjà trop duré. Largement le temps pour un autre engin de se glisser dans leur queue. Il bascula à droite, vers le porteur, d’instinct.

Et l’autre fit la même évolution… Le Géo vint occuper le centre du petit cercle pendant une fraction de seconde. Gurv avait anticipé, commençant le tir juste avant.

Il vit le Géo traverser les six rayons de ses thermiques, hésiter un instant, comme s’il avait heurté quelque chose, et changer de couleur. La seconde suivante il explosait silencieusement.

Gurvan ne s’attarda pas une fraction de seconde de plus, jetant un œil dans l’écran arrière. Draal était toujours là. Un peu loin mais là.

— Je remonte, il prévint, rejoins-moi directement au-dessus.

Elle ne répondit pas, trop occupée à manœuvrer, probablement. Mais quand il termina son évolution elle était à sa place. C’est pourtant vrai qu’ils étaient mieux préparés, ces jeunes. Il n’aurait jamais été capable de ça, lui, au même stade.

Tout le monde semblait tirailler, en dessous. Il décida de rester sur la frange extérieure de la zone de combat en guettant une occasion.

Elle se présenta presque aussitôt. Une paire de Géos jaillissait là-bas à droite. Il enclencha la surpuissance et plongea. Pas le temps de peaufiner le réglage. Il aligna rapidement sa Flèche sur le leader et tira en continu. Du doigt il laissa dériver le nez de son appareil en direction du second…

Et les deux Géos éclatèrent quasiment en même temps !

C’était fou. Trois victoires en quelques secondes…

— Un écho en rapprochement rapide, derrière. La voix de son N°2 était tendue.

— Passe-moi par la gauche en accélération et entame une boucle au freinage, il lança rapidement en envoyant toute la puissance vers l’avant pour se freiner.

Les harnais lui meurtrirent les épaules pendant que son corps semblait vouloir aller heurter l’écran.

Surpris, le pilote du Géo fit un écart pour l’éviter… et s’encadra totalement dans le système de visée.

Un coup de pouce… et Gurv bascula pour éviter les débris ! Une tôle passa en éclair le long de la Flèche qui fut projetée sur le côté par l’explosion…

Quatre !

Il secouait la tête, incrédule. Que se passait-il ?

Des mois sans rien et puis quatre en un seul combat… Pas le moment de penser à ces trucs-là, il fallait se reconcentrer. Il s’écarta, le temps de se reprendre et plongea de nouveau.

Cette fois, pourtant, il ne trouva aucune cible à placer dans l’axe. Il lâcha juste deux rafales pour dégager un copain suivi par une paire menaçante. La voix de Padge retentit.

— On se dégage, les Briscards, les raiders rentrent, on les couvre. Par paire, quittez le combat vers le haut, en surpuissance.

Gurvan surveilla l’écran arrière. Draal suivait. Il enclencha la surpuissance et grimpa à la perpendiculaire en zigzaguant. Un Géo isolé tenta de les suivre, mais la mise en accélération des Flèches était instantanée. Il fut distancé.

Le A se reformait plus loin. Il alla tout de suite à la troisième paire… le leader était à son poste. Dji était sauve. Il se renversa en arrière contre son dossier pour se détendre.

Djakar les remit en formation pour le retour. Ils se bornèrent à tenir à distance quelques Géos qui tentèrent leur chance pendant vingt minutes avant d’abandonner pour rentrer vers leur porteur. Il avait été endommagé sur la moitié supérieure mais ils pourraient réintégrer.

Gurv ne garda aucun souvenir du retour. Il manœuvrait mécaniquement, réfléchissant qu’il n’avait pas vu Dji de tout le combat. Si elle avait été en difficulté il ne l’aurait même pas su…

Les portes furent là, devant son nez sans qu’il ait eu conscience d’avoir piloté. Il plaqua la Flèche sur le pont et sentit les patins frotter avant que le freinage magnétique ne stoppe la machine.

Quand il descendit, les jeunes se congratulaient en se balançant des bourrades. Draal vint vers lui, le visage grave.

— Je vous ai perdu plusieurs fois…

— Mais tu m’as retrouvé. Sois plus concentrée et ça viendra. Tu ne te débrouilles pas mal.

Elle rougit et allait ajouter quelque chose mais il s’éloignait.

Dans la salle de repos il commença à se déshabiller. Il y avait deux manquants au B. Deux jeunes. Ils n’avaient pas tenu longtemps…

Un peu plus tard il attendait dans la salle de briefing qui se remplissait peu à peu quand Rom rappliqua.

— Hé, Gurv, c’est vrai ? Tu en as eu quatre ? Des têtes se retournèrent.

— Qui t’a raconté ça ?

— Ton N°2 raconte partout qu’elle les a vus péter. Pas la peine d’attendre de passer l’enregistrement des caméras !

— Je pense que oui.

— Fataaaal ! Mec, tu es fataaaal…

C’était son nouveau mot.

— Vraiment quatre, Gurvan ?

Padge s’arrêtait à sa hauteur.

— Oui, monsieur.

Le chef d’escadre sourit en lui frappant l’épaule.

— Il me semble que c’est une première à la 122. Et ailleurs je n’ai pas souvent entendu parler d’un score pareil en un seul combat. Ça va vous coûter les yeux de la tête, mon vieux !

Il tourna la tête et rencontra le regard de Dji. Elle venait d’entrer et le contemplait, le visage grave. Dés qu’elle croisa ses yeux ses lèvres s’écartèrent. Un sourire comme elle n’en avait jamais eu, ou elle se donnait totalement…

Il ferma à demi les yeux, en réponse. Mais ils devaient être éloquents parce qu’elle amena un doigt devant sa bouche en signe de silence, sans cesser de sourire.

— Si vous voulez bien vous asseoir, tous… Nous avons une tradition, à bord. Nous ne parlons jamais des disparus… Je sais que c’est difficile, que cela paraît même inhumain à certains mais c’est la meilleure attitude, croyez-moi…

Il y avait quatre manquants en tout. Beaucoup pour une première mission…

A la fin du briefing, la porte s’ouvrit et le chef d’escadres Brodick entra. Tout le monde se leva avec un temps de retard, surpris par une visite aussi inhabituelle.

— Bonjour à tous. J’ai appris que la 122 s’était distinguée, je le regrette un peu parce que je n’ai pas de bonnes nouvelles à vous annoncer. Je commence par quoi ?

Ses yeux tombèrent sur Gurvan et il eut un petit sourire à son intention.

— La mauvaise, n’est-ce pas ? Désormais le tour d’opérations sera de dix-huit mois. Je sais que certains d’entre vous suivent ces statistiques idiotes qui circulent ; le chiffre a encore baissé. Mais il faut savoir le traduire. Il veut dire que l’ennemi met tout son courage dans la bataille. C’est bon signe… Maintenant la bonne nouvelle. L’un d’entre vous a établi un record pour le 6021. Quatre victoires dans le même combat. Il y avait déjà eu cinq victoires mais en deux combats. Bravo, sergent Gurvan.

Il applaudit ostensiblement et tout le monde prit le relais. Gurv songea qu’il avait le don de faire passer les choses. Ce qu’il venait de leur apprendre était maintenant au second plan. Et pourtant c’était de loin le plus important.

Dix-huit mois… Dix… Dix-huit mois ou dix ans il tiendrait ! Bon Dieu il tiendrait, même s’il devait abattre lui-même tous les Géos de ce secteur !

Une réflexion idiote, bien sur, mais qui lui montrait que sa volonté de survivre était intacte.

Le chiffre de la statistique leur parvint, le soir, alors qu’ils faisaient la fiesta : 38 missions…

— T’en fais pas, mon gars, dit Sank, je suis là pour aller vous rechercher ; Dji et toi. Avec des cracks des manettes comme vous, votre Flèche peut être touchée mais c’est tout. Et moi je suis champion pour me faufiler. Alors soyez tranquilles !

Dji se pencha et l’embrassa longuement sur la Joue.

— Tu es aussi un sacré malin, elle fit, ironique.

Il fit celui qui ne comprend pas, les yeux ronds et les paumes tournées en l’air, mais la jeune fille se borna à sourire.

 

*

 

Deux jours plus tard ils revenaient d’une longue patrouille dans un sale coin avec des astés de petite taille. Ils s’étaient laissé surprendre dans un labyrinthe et avaient dû pulvériser les cailloux pour se faire un chemin de sortie.

Pendant un moment Gurvan s’était demandé s’ils auraient assez d’énergie, aux thermiques, pour aller jusqu’au bout. Ils étaient finalement rentrés, derrière Padge qui ne décolérait pas, les armes totalement vidées !

Et ils étaient d’alerte ! Dans les halls les auxiliaires faisaient le plus vite possible pour remplacer les batteries des Flèches. Impossible de leur coller de nouvelles charges, elles étaient au bout. Il fallait tout changer. Plusieurs heures de boulot !

Quand l’avertisseur d’alerte retentit ils se regardèrent. Tout le monde était allé au mess. Il était absurde d’attendre, la combinaison sur le dos, pendant aussi longtemps. Autant se détendre.

Le couineur avait des faiblesses, aujourd’hui, le son montait et descendait sur plusieurs tons.

— Pas de pot, grogna une nouvelle.

Gurvan aperçut Bishop, au bout du comptoir, qui discutait avec Sank. Le pilote de tracteur n’était pas de service, cet après-midi, et il était venu faire un tour. Il venait souvent, maintenant.

Bishop devint livide et quelque chose se contracta dans le ventre de Gurvan. Il chercha Dji des yeux mais elle n’était pas là. Il marcha vers le chef d’escadron.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Alerte d’urgence danger…

Gurvan ne voyait pas. Il connaissait l’alerte immédiate, l’alerte rouge mais…

— C’est quoi ?

Pas le temps d’entendre la réponse. Les diffuseurs craquèrent.

— A tous… à tous, d’importantes… de très importantes formations de raiders ennemis ont passé notre système de détection. Elles sont en vue directe en ce moment. Gardez votre sang froid. Surtout ne vous af…

La phrase ne fut jamais terminée. Un vacarme de fin du monde retentit. Un choc fantastique qui roula d’un bout à l’autre du porteur, résonnant dans la carcasse qui en renvoyait l’onde d’un bord sur l’autre.

Des signaux sonores de danger se mirent en marche au moment même ou le sol vibrait longuement. Presque tout de suite la température monta légèrement dans le mess. Les installations des escadres étaient forcément proches des halls pour gagner rapidement les appareils. Maintenant les chocs se succédaient comme des roulements de tambour. L’un d’eux fut tellement brutal qu’ils furent bousculés. Ce n’était pourtant pas directement l’impact mais l’onde transmise par l’air. Le système de ventilation venait de céder et toute cette partie du porteur était mise en communication…

Quelqu’un agrippa le bras de Gurvan, le sortant de son ahurissement.

— Gurv, viens, suis-moi à notre niveau, on est plus protégé.

Tout de suite son cerveau fut clair. Il secoua la tête, reconnaissant Sank.

— Dji, je veux retrouver Dji !

— Ou est-elle ?

Ils étaient obligés de hurler pour se faire entendre dans le fracas d’explosions, internes maintenant. Il y eut un craquement sur l’avant du 6021.

— Je ne sais pas… elle était avec nous en revenant.

Il se décida et fonça vers la porte donnant sur le grand couloir menant à la salle de repos. De la fumée commençait à envahir les salles et il toussa. Tout semblait décalé en lui. D’une part son corps qui agissait, comme indépendant, et son cerveau qui essayait d’analyser la situation.

Une cloison s’était effondrée, au bout du couloir. Un visage apparaissait. Horrible. Une fille avait été prise dessous…

Il escalada les débris, essayant de ne pas penser au poids qu’il faisait peser sur le corps. De toutes les façons elle était morte.

La porte de la salle était bloquée par les débris métalliques. Il tira de toutes ses forces. Rien à faire.

— Il y a une autre ouverture ?

Sank l’avait suivi sans qu’il ne s’en rende compte.

— La salle de briefing. Mais il faut faire le tour.

Il repartit en sens inverse, pénétra dans le mess, vide, maintenant. La fumée était plus dense, ici. Baissant la tête instinctivement, il courut vers la sortie donnant sur le parc.

Des poutrelles s’étaient effondrées, plus loin. La cellule du porteur souffrait. Pour la énième fois il se demanda combien de temps elle pourrait encore tenir à ces impacts. Combien y avait-il de raiders ? Et ou étaient les Flèches de protection rapprochée ?

Des silhouettes couraient, au loin. Il ouvrit à la volée l’entrée d’une salle et traversa plusieurs locaux de maintenance avant de déboucher sur un couloir qu’il reconnut. Il fallait tourner à droite pour retomber sur le circuit interne de la 122.

Au dernier moment il réussit à se retenir à une barre de métal. Un trou immense s’ouvrait sous une salle et le couloir, juste devant ! On distinguait les poutres énormes de l’infrastructure, entre deux niveaux…

Il essaya de lutter contre la certitude qu’ils allaient mourir là, sans avoir pu rejoindre Dji. La tenir dans ses bras, au moins une fois. Même s’ils devaient laisser leur peau dans cet amas de ferraille après !

— Là, regarde, on peut passer.

Sank montrait le chemin supérieur d’inspection d’une poutre grande comme un couloir, deux mètres en dessous. Elle se dirigeait vers l’autre bord du trou.

Il s’accroupit. On y voyait mal… Le saut était plus facile qu’il n’y paraissait. Sank se laissa glisser derrière lui et ils avancèrent prudemment. De l’autre côté, Sank ne dit rien mais croisa ses mains à la hauteur des cuisses. Gurvan y posa le pied et s’éleva jusqu’au bord déchiqueté. Un rétablissement et il s’allongea sur le plancher, laissant pendre une main qui trouva celle de son copain.

— Par là, cria Gurvan en se relevant.

Le vacarme des explosions était haché par les sirènes des couineurs d’alarme déclenchés automatiquement. Une lumière rouge clignotait au bout d’un couloir.

La porte ! Il venait de reconnaître l’autre entrée de leur salle de repos. Il se rua et pressa le système d’ouverture automatique.

Rien !

— Elle n’est plus alimentée, gueula Sank en montrant la paroi gondolée.

Paniqué, Gurvan tourna la tête de droite à gauche. Il y avait bien un moyen d’ouvrir cette foutue porte ?

Un thermique de travail. Voilà ce qu’il fallait, faire fondre le blocage de la porte avec un matériel de réparation. Il courut au bout du couloir et tomba sur la petite armoire habituelle contenant un ensemble de secours. Accroché à droite, il vit le thermique qu’il saisit et revint vers la porte.

Ses doigts tremblaient en essayant de brancher le bec fondeur. Le rayon blanc, insoutenable, jaillit. Il commença à l’appliquer contre la fermeture de la porte. Sank avait disparu mais quand il en fut aux trois quarts il se dressa, à côté, tenant un autre matériel !

— Recule-toi !

Le pilote de tracteur leva un pied et frappa de toutes ses forces. Ils n’entendirent pas le craquement dans le tonnerre qui les agressait mais virent la porte glisser.

Il n’y avait pratiquement pas de lumière, de l’autre côté.

— Dji, Dji !

Il se cassait la voix à hurler.

Une forme apparut, venant du fond. Il se rua en avant…

C’était Dort, le visage hagard. Il la secoua.

— Dji, ou est Dji ?

Il avait l’impression de s’être trompé et d’avoir perdu un temps dramatique à la chercher ici.

Dort tendit lentement le bras. Une forme était allongée. Il se pencha et prit la jeune fille dans ses bras. Au niveau du sol, la fumée était tellement dense qu’il recommença à tousser.

Dji était évanouie, le nez pincé. Elle avait besoin d’air… Il chercha.

— Dort… passe-moi sa combinaison de vol !

La fille avait fichu le camp. Il souleva le corps et approcha de l’entrée ou il le déposa puis revint aux coffres muraux ou ils rangeaient leur tenue de vol. Celui de Dji était au bout à droite. Il ouvrit la porte et sortit la combine. Au dernier moment une idée lui traversa le crâne et il prit tout, le casque, les bottes et le sac de survie auquel était accroché le thermique de poing.

Sank était près d’elle quand il revint. Il lui flanquait des gifles…

— Aide-moi, cria Gurvan.

Sank souleva la tête pendant qu’il passait le casque sur la tête de la jeune fille et branchait l’air. Tout de suite elle ouvrit les yeux et reconnut Gurv. Ses mains se crispèrent une seconde et montèrent vers son cou, cherchant à l’attirer à elle. Il se cogna le front contre la visière du casque…

Et elle sourit vaguement.

— Eh… les bisous ce sera pour plus tard ! fit Sank.

Plus tard… ?

Ce fut un déclic dans la tête de Gurvan. Pas question de se laisser piéger dans cette carcasse. Il fallait trouver un coin à l’abri. Avec de l’air, pour tenir assez longtemps. Tenir, juste tenir.

— Va chercher ma combine et prends celle de Bishop, il est de ta taille ! il hurla vers Sank qui comprit avec un peu de retard.

Il fit signe à Dji d’enfiler la sienne et l’aida tant bien que mal. Elle récupérait vite, maintenant.

On entendit un déchirement suivi d’une explosion encore plus forte que les autres.

— La centrale avant, gueula Sank qui revenait.

Elle a lâché… Tout va péter !