19.
sur la terre comme au ciel
Son vœu de redevenir mortel ayant été exaucé, Dylan s’empressa de retrouver Dinath qui errait sans but dans la grande cour du Château d’Émeraude pendant la fête donnée par le Roi Onyx. La jeune Fée le regarda marcher vers elle en se demandant s’il n’était qu’une apparition, puis lorsqu’il l’étreignit de toutes ses forces, elle sut qu’il était revenu pour de bon.
— Comment te sens-tu ? s’inquiéta-t-elle, car il était pâle comme un fantôme.
— Pas très bien, en vérité. Ma tête tourne et je ne suis pas très solide sur mes jambes.
— Allez, viens.
Elle l’emmena dans la seule des quatre tours que personne n’utilisait et le fit asseoir sur le sol. Ils s’appuyèrent le dos contre le mur, face à la porte, par laquelle ils pouvaient voir déambuler les danseurs et entendre la musique.
— As-tu songé à notre avenir ? voulut-il savoir.
— J’ai eu bien des idées depuis que tu es parti. Nous allons commencer par quitter Émeraude dès que tu te sentiras mieux.
— Pour aller où ?
— Au Royaume de Turquoise, où nous pourrons parler de tout cela sans nous presser.
Dylan posa la tête sur les genoux de sa belle et ferma les yeux, épuisé par son passage entre les deux univers. « Tout est si simple pour un Immortel et si difficile pour un humain », songea-t-il avant de sombrer dans le sommeil. Dinath glissa les doigts dans ses cheveux qui devenaient de plus en plus blonds chaque fois qu’il devenait mortel. Elle aimait bien les petits filaments argentés qui s’y cachaient, un trait qu’il partageait avec sa mère, la déesse Fan.
« Nous ne pourrons faire que de grandes choses », se réjouit-elle, car ils étaient tous deux d’essence divine. Son père, Danalieth, était le fils de la déesse Natelia. Dinath était maître magicien, car elle était née à Enkidiev, mais Dylan était un Immortel. Éventuellement, lorsque la mort les réclamerait, ils deviendraient égaux dans le monde des dieux. La jeune femme attendit que tout le monde soit parti avant de réveiller son amoureux. Elle l’aida à se lever et à marcher jusqu’au pont-levis que les sentinelles étaient sur le point de refermer. Une fois de l’autre côté, Dinath s’orienta vers son pays et leva les yeux vers le ciel.
— Ça y est, père. Je suis prête.
Danalieth, qui veillait sur elle et sur sa sœur, la transporta instantanément jusqu’à son ancien antre au milieu de la forêt.
Elle le remercia, installa Dylan dans la petite grotte et alla s’assurer que les Turquais n’étaient pas devenus téméraires en leur absence. Pour être bien certaine qu’ils gardent leurs distances, elle lança dans le bois des cris stridents d’animaux qui ne pouvaient pas exister et s’imagina, en riant que les enfants se réfugiaient dans le lit de leurs parents.
Lorsque Dylan se réveilla enfin, le soleil brillait de tous ses feux à l’extérieur du refuge. Il s’étira et le regretta aussitôt, car chacun de ses muscles le fit souffrir. Avec courage, il quitta la chaleur de sa couverture et sortit dehors. Il faisait un temps magnifique.
— Dinath ?
Il utilisa l’un des pouvoirs magiques qui lui restaient et la repéra plus loin. Elle cueillait sans doute des fruits pour leur repas. Mal assuré, il suivit tout de même le sentier et aboutit à la rivière Wawki. Les vêtements de sa belle étaient accrochés aux branches des buissons. Il s’avança davantage et la vit dans l’eau, où elle se mouvait avec la grâce d’une nymphe.
— Dylan, dépêche-toi de me rejoindre ! lança-t-elle joyeusement.
— Je ne sais pas nager.
— Je peux toucher le fond, ici.
Il n’avait pas été humain suffisamment longtemps pour apprendre à faire tout ce que les hommes maîtrisaient et la natation avait été le dernier de ses soucis. Dinath continua d’insister jusqu’à ce qu’il enlève ses vêtements. Il trempa le bout du gros orteil dans l’eau et recula.
— C’est bien trop froid ! protesta-t-il.
À l’aide de sa magie, Dinath utilisa les branches basses de l’arbre derrière Dylan comme lance-pierre. Le pauvre homme fit un vol plané et arriva la tête la première dans la rivière. Il se mit alors à se débattre, avalant de l’eau à grandes gorgées. Dinath se porta aussitôt à son secours et le ramena vers le bord. Dès que ses pieds trouvèrent un appui, il se calma.
— Tes muscles te remercieront plus tard, le taquina la Fée.
— Si je n’avais pas si peur de l’eau, je te ferais payer pour ce mauvais tour.
Elle nagea autour de lui comme un dauphin en riant, sachant fort bien qu’il n’oserait pas bouger. Ils se firent sécher au soleil, comme deux enfants insouciants, puis s’habillèrent et retournèrent s’asseoir devant la grotte pour manger.
— Je ne sais pas à quoi tu as pensé, mais je ne veux surtout pas vivre en ermite, l’avertit Dylan.
— Alors, ça tombe bien, parce que moi non plus.
— Qu’allons-nous faire du reste de notre existence ?
— Il est important de toujours être soi-même dans la vie, Puisque nous sommes des demi-dieux ou, si tu préfères, des héros magiques, il nous faut continuer de servir le peuple. Donc, pas d’enfants et pas de ferme.
— Je suis d’accord.
— Mon père m’a enlevé mes bracelets, alors il nous faudra être plus vigilant, car je ne pourrai pas savoir si un ennemi approche.
— Mais nous n’en avons plus, Dinath.
— C’est ce que pensaient aussi les rois d’Enkidiev avant le retour de l’Empereur Noir.
— Il a été anéanti.
— Ce n’est qu’une précaution, Dylan. On n’est jamais trop prudents.
— Bon, d’accord. Et que font les héros magiques ?
— Ils volent à la rescousse de ceux qui ont besoin d’aide.
— Nous n’avons pas d’ailes, ni l’un ni l’autre.
— Ce n’est qu’une façon de parler ! Arrête de m’interrompre tout le temps !
Dylan croqua à belles dents dans une pomme pour ne pas être tenté de répliquer.
— J’ai pris le temps de me renseigner, poursuivit la jeune femme. Tous les royaumes côtiers profiteraient d’un coup de pouce pour la reconstruction. Nous commencerons par le Royaume d’Argent, puis nous descendrons au Royaume de Cristal et, ensuite, au Royaume de Zénor.
— Les Royaumes des Elfes et des Fées sont aussi sur la côte, lui rappela Dylan après avoir avalé sa bouchée.
— Mais ces deux peuples sont autosuffisants. Ils n’ont pas besoin de nous.
— Quand partons-nous ?
— Dès qu’il fera sombre.
— Quel moyen de transport utiliserons-nous ?
— Les Turquais possèdent de petites embarcations pour se déplacer entre leurs villages. Nous en déroberons une et nous ramerons jusqu’au Royaume d’Argent.
— J’espère que tu as déjà fait ça avant, parce que je ne sais même pas de quoi tu parles.
— Tu apprendras.
Ils se mirent en route après le coucher du soleil et longèrent la rivière jusqu’au hameau le plus proche. Les habitants commençaient déjà à s’enfermer chez eux. Dinath observa les chaumières pendant quelques minutes encore, puis s’avança à pas de loup en direction des nombreux esquifs attachés aux arbres. Elle entendit un craquement et se tapit dans l’herbe. Un homme rentrait chez lui à la hâte. Dès qu’il eut disparu entre les maisons, la Fée fit signe à son compagnon de se dépêcher. Elle détacha l’une des embarcations, laissa à Dylan le temps d’y monter, puis la poussa au milieu de la rivière en sautant à l’intérieur. L’ancien Immortel s’agrippa aux bords de toutes ses forces, craignant qu’ils ne chavirent.
Dinath retira les avirons du fond de l’esquif et se mit à ramer contre le courant. Heureusement, la rivière Wawki n’était pas aussi tumultueuse que la rivière Mardall, et elle réussit à s’éloigner du village avant qu’on les aperçoive. Graduellement, Dylan s’habitua au roulement de l’embarcation et se détendit.
— Observe bien ce que je fais, car ce sera ton tour quand mes bras n’en pourront plus, l’avertit Dinath.
— Si j’ai bien compris ce que tu m’as dit plus tôt aujourd’hui, tu rêves, en fait, d’une vie remplie d’aventures.
— J’ai passé toute mon enfance cachée dans une forêt à avoir peur que les dieux me prennent mon père. Plus jamais je ne resterai enfermée quelque part.
Dinath fronça soudainement les sourcils.
— Es-tu en train de me faire comprendre que tu n’as pas envie de la même chose ?
— Je ne sais pas vraiment ce que je veux. Pendant le peu de temps que j’ai passé sous la forme d’un humain, j’ai participé à la guerre dans le camp de l’armée de Jade. J’ai appris le maniement des armes et j’ai découvert que je n’avais pas l’âme d’un guerrier.
— C’est donc en jouant au héros que tu sauras si ce statut te ressemble davantage.
— Qu’arrivera-t-il si ce n’est pas le genre d’occupation qui me convient ? se troubla Dylan.
— Pourquoi faut-il que tu sois toujours rabat-joie ?
— Je suis seulement réaliste, Dinath. Moi J’ai passé ma vie à me faire dire ce que je devais faire. C’est le sang de mon père dans mes veines qui m’a rendu plus téméraire que les autres Immortels, mais ça ne veut pas dire que je fais fi de la prudence. J’ai parfaitement le droit de questionner mes humeurs.
— J’aurais un conseil à te donner, si tu veux que nous vieillissions ensemble : deviens un brin plus spontané et arrête de nous mettre des bâtons dans les roues.
— Mais ce n’est pas du tout ce que je fais !
Ils continuèrent de s’expliquer jusqu’à ce que la nuit enveloppe le continent. N’y voyant plus rien, Dinath jugea plus prudent d’accoster et d’amarrer l’esquif jusqu’au matin.
— Couche-toi et pose ta tête sur nos sacs, ordonna-t-elle.
— Ici ? Sur l’eau ? s’horrifia-t-il.
— Ta mère n’a pas dû te bercer quand tu étais petit.
Elle marcha à quatre pattes vers lui dans l’embarcation, l’obligeant à s’allonger, puis se coucha sur lui.
— Que se passera-t-il si une énorme vague nous emporte ? se lamenta Dylan.
— Arrête de parler ou je te jette par-dessus bord.
À son grand étonnement, Dylan réussit à s’endormir quelques minutes plus tard. Lorsque Dinath le secoua, le soleil commençait à poindre à l’est.
— Allez, c’est à ton tour de ramer.
Surtout par orgueil, le jeune homme tenta d’imiter sa compagne, mais ne réussit qu’à les éclabousser tous les deux. Au lieu de se fâcher, Dinath éclata de rire et l’encouragea à persévérer. Au bout d’un moment et de crampes douloureuses dans les épaules, il arriva à faire avancer l’embarcation dans la bonne direction.
— A cette vitesse-là, ils auront tout reconstruit avant que nous arrivions, le taquina-t-elle.
— Si tu crois pouvoir faire mieux, ne te gêne pas pour prendre la relève.
Leur périple s’éternisa, mais tout ce temps passé ensemble leur permit d’apprendre à mieux se connaître. Dylan constata que Dinath n’était pas aussi dure qu’il le croyait. Même si elle était la fille d’un demi-dieu sage et réfléchi, il coulait aussi du sang de Fée dans ses veines, ce qui la poussait à vouloir constamment s’amuser. Au fond, lorsqu’elle le piquait, ce n’était jamais par méchanceté, mais parce qu’elle avait un plaisir fou à le voir se fâcher. Petit à petit, il cessa de réagir aussi vivement à ses remarques.
De son côté, Dinath découvrit avec soulagement que l’expérience militaire de Dylan n’avait en aucune façon altéré sa nature divine. Il avait conservé son innocence et son romantisme, même si elle ne lui donnait pas souvent l’occasion de manifester ce trait de caractère.
Ils abandonnèrent l’esquif à la frontière entre les Royaumes d’Emeraude et d’Argent et longèrent la muraille jusqu’à ce qu’ils arrivent aux grandes portes, heureusement ouvertes. Les sentinelles leur demandèrent de s’identifier, mais sans aucune agressivité.
— Je suis Dinath, fille de la Reine des Fées et de l’Immortel Danalieth, répondit fièrement la jeune fille aux cheveux noirs en bataille. Et voici Dylan, fils de la Reine Fan de Shola et du légendaire Chevalier Wellan d’Émeraude.
Les hommes échangèrent un regard inquiet, car ils ne savaient pas quel traitement réserver à d’aussi illustres voyageurs.
— Êtes-vous ici pour voir le roi ? bredouilla finalement l’un d’eux.
Dylan ouvrit la bouche pour satisfaire sa curiosité, mais Dinath le devança.
— Pas vraiment. Nous sommes venus participer à vos travaux de reconstruction.
Déconcertés par les réponses de la jeune femme, les soldats se contentèrent de pointer le bras vers l’ouest.
— Merci, mes braves.
Elle saisit Dylan par la manche et l’entraîna avec elle.
— J’allais demander qu’on nous y conduise à cheval ! protesta le jeune homme.
— Ne me dis pas que tu as déjà mal aux jambes ?
— Ce sont mes épaules qui me font mourir, et mes genoux sont sur le point de leur faire concurrence.
— Arrête de te plaindre tout le temps.
Ils suivirent la route qui menait à l’océan jusqu’à ce que Dylan demande grâce. Ils s’arrêtèrent dans une auberge. Ni l’un ni l’autre n’avait d’argent, mais le charme de la Fée fit son œuvre et on leur offrit le gîte et le couvert. Encore débordante d’énergie, Dinath regarda dormir son compagnon. Il ne devait pas être facile pour lui de se comporter en humain après avoir passé toute sa vie dans les nuages. « Comme mon père », songea-t-elle. Danalieth lui manquait beaucoup. Il lui arrivait de lui souffler de petits mots d’encouragement dans son esprit, mais ce n’était pas la même chose que de l’avoir à ses côtés.
Le lendemain matin, Dylan trouva la Fée allongée près de lui, à l’observer. Il se demanda pourquoi elle n’avait pas encore commencé à le bousculer.
— Ton père te manque-t-il ? demanda-t-elle à brûle-pourpoint.
— Oui, beaucoup. Je trouve vraiment injuste que le destin me l’ait repris au moment où j’aurais enfin pu passer beaucoup de temps avec lui. Quand j’étais jeune, il me disait souvent qu’après la guerre, il m’emmènerait à la pêche, mais…
Dinath le serra dans ses bras pour le consoler.
— Si tu avais conservé ton statut d’Immortel, tu aurais pu le voir plus souvent sur les grandes plaines de lumière, chuchota-t-elle à son oreille.
— J’en doute, puisqu’il ne voulait pas y aller.
— Mais les humains n’ont pas d’autre choix que de franchir ces portes.
— Il ne se croyait pas digne du repos éternel. Nous avons tous essayé de lui faire comprendre qu’il disparaîtrait à tout jamais s’il ne se rendait pas aux plaines. Juste avant que je revienne à Enkidiev, la déesse Theandras est venue nous parler. Elle a exaucé mon vœu le plus cher, mais j’ignore ce qui est advenu de mon père.
— Si tu veux, je poserai la question au mien, la prochaine fois qu’il me parlera.
Ils poursuivirent leur chemin et n’eurent aucun mal à trouver des ouvriers qui démantelaient la muraille à coup de pics et de marteaux. Un sourire apparut sur le visage de la Fée. Elle dessina un cercle du bout de son index et le mortier, qui retenait les pierres de cette section des remparts, disparut d’un seul coup. Abasourdis, les maçons reculèrent en se questionnant les uns les autres du regard.
— Est-ce de la sorcellerie ? s’exclama finalement l’un d’eux.
— Non, monsieur, c’est de la magie.
Les ouvriers firent volte-face et aperçurent le petit bout de femme qui se tenait fièrement devant eux, les mains sur les hanches.
— Nous sommes venus vous donner un coup de main, poursuivit-elle.
— Qui êtes-vous ?
— Des maîtres magiciens.
Pendant que les hommes jetaient les pierres sur le sable, les deux héros poursuivirent leur route vers un autre groupe et refirent la même opération. Cette fois, ils ne se contentèrent pas de faire disparaître le gâchis : dès qu’ils eurent aidé les derniers ouvriers, ils soulevèrent les pierres et les firent flotter vers l’intérieur des terres.
— Où devons-nous les déposer ? demanda Dinath qui se tenait sous l’étrange rivière aérienne.
— Elles devaient être partagées entre deux villages, lui apprit l’un des hommes.
— Ce ne sera pas un problème.
La ligne se divisa en deux.
— Nous vous suivons.
Dinath et Dylan partirent chacun de leur côté pour livrer leur marchandise et ne se revirent que le soir, lorsqu’on donna un festin en leur honneur.
— Est-ce que ça te plaît maintenant de jouer au héros ? chuchota la jeune femme à son compagnon.
— Ce n’est pas si mal, en fin de compte.
Ils passèrent le reste de l’année à démanteler une partie des interminables murailles d’Argent au bord de l’océan et furent éventuellement reçus par le Roi Rhee, qui avait entendu parler de leurs exploits. Ce dernier fut charmé de découvrir l’ascendance céleste de ces bienfaiteurs. Dinath lui annonça alors qu’ils devaient se rendre au Royaume de Cristal pour venir en aide à d’autres gens, mais qu’ils reviendraient bientôt poursuivre leur travail.
— Moi, j’aime bien être célèbre, avoua Dinath à Dylan tandis qu’ils se dirigeaient vers le pays voisin, montés sur de superbes chevaux qui appartenaient à la famille royale.
Ils visitèrent plusieurs villages côtiers ravagés de si nombreuses fois que leurs habitants ne savaient plus où trouver du bois pour rebâtir leurs maisons. Avec leur esprit, les deux magiciens scrutèrent tout le continent et nettoyèrent les plus grandes forêts en y prélevant les arbres qui y étaient tombés. Bientôt, une montagne de matériau s’éleva au centre de tous ces villages. Dinath montra à Dylan comment utiliser le pouvoir de ses mains pour équarrir des poutres et menuiser des planches.
Ils partagèrent donc la vie des Cristallois pendant de longs mois et les quittèrent lorsqu’ils furent certains qu’ils avaient suffisamment de bois pour mener à bien la reconstruction.
Le couple hâta ensuite ses pas à Zénor. La citadelle était déjà en pleine restauration, mais les travaux avançaient plutôt lentement en raison de la taille énorme des blocs que les ouvriers devaient déplacer et empiler les uns sur les autres. Dinath fit venir l’une des pierres jusqu’à elle en ramenant le bout de ses doigts vers sa poitrine. Le monolithe la suivit comme un bon petit chien, sous les yeux écarquillés des hommes couverts de sueur.
— Où dois-je le déposer ?
Ils se mirent à parler tous en même temps, ce qui la fit rire aux éclats. L’un d’eux s’imposa finalement en meneur. Dylan et Dinath émerveillèrent tout le monde, car en un seul après-midi, ils rebâtirent une dizaine d’habitations, puis furent nourris par les familles reconnaissantes. La reconstruction de la citadelle, quant à elle, prit plusieurs années, étant donné que le couple de magiciens devait régulièrement retourner au Royaume d’Argent pour participer à la démolition des murailles qui nécessiterait encore une cinquantaine d’années !
Puis, un soir où ils étaient assis sur les galets, à contempler le globe incandescent du soleil qui s’abîmait dans les flots, Dylan se mit à réfléchir à toutes leurs bonnes actions.
— Bientôt, il ne nous restera plus rien à réparer, observa-t-il.
— Mais j’ai d’autres idées, assura Dinath.
Il lui décocha un regard amusé.
— J’ai peur de te demander de quoi il s’agit.
— Nous allons élever un temple au sommet de la Montagne de Cristal.
— Un temple à qui ?
— A nous, évidemment, puisque c’est là que je t’ai vu pour la première fois.
Il s’approcha d’elle et alla déposer un baiser sur ses lèvres.
— J’étais loin de penser, à cette époque, que nous finirions nos jours ensemble, avoua Dylan.
— Moi, je le savais.
Il la renversa sur la plage et l’embrassa avec passion.