Chapitre 24
Protection

Lorsque Matthieu se réveilla, le samedi de Pâques, sa famille était déjà en train de déjeuner. Il prit place à table et versa des céréales dans un bol, les yeux à moitié fermés. Même si ses petites sœurs s’étaient couchées tôt la veille, elles avaient été réveillées par l’orage et s’étaient refugiées dans le lit de leurs parents, où elles s’étaient finalement endormies. Trop fatigués pour aller les porter dans leurs chambres, Paul et Louise les avaient gardées avec eux. Ils avaient entendu la sonnette de la porte, mais ne s’étaient pas levés, puisque Matthieu était encore debout.

— Qui nous a rendu visite, tard hier soir ? demanda Paul à son fils.

— Le père Collin.

— Que voulait-il ?

— Il nous a apporté quelque chose.

Paul et Louise échangèrent un regard inquiet, puisque la dernière fois que le jésuite avait eu des rapports avec eux, c’était après l’épisode du loup dans le village.

— Pourrais-tu être plus précis ? exigea la mère.

Matthieu alla se placer derrière Viviane et sortit une chainette de la poche de son jean.

— Il veut que nous portions ces talismans.

— Chouette ! s’exclama Viviane en admirant le bijou qui se balançait devant ses yeux.

Son frère le lui attacha autour du cou, puis fit la même chose avec sa petite sœur.

— Qu’est-ce que c’est, exactement ? demanda Paul.

— C’est une médaille ronde avec une étoile et des symboles à l’intérieur, répondit le jeune homme en déposant celui de sa mère dans la main de cette dernière.

— J’ai des yeux pour voir, Matthieu. Ce que je veux savoir, c’est ce qu’elle signifie.

— C’est une sorte de protection.

— Est-ce qu’on pourra les porter avec nos costumes de Pâques ? demanda Magali.

— Évidemment, puisque vous ne pourrez plus jamais les enlever !

— Vous allez même les porter pour faire vos lits, ce matin, les taquina Louise.

— Oh, maman… geignirent en chœur les fillettes.

— Allez mettre un peu d’ordre dans vos chambres avant de vous asseoir devant la télévision.

— Ça sert à quoi, de faire son lit quand il faut se recoucher dedans le soir ? grommela Magali.

— Ça vous donne de bonnes habitudes, ça fait plaisir à votre mère et ce n’est pas négociable, trancha Paul.

Puisqu’elles avaient fini de manger, les petites quittèrent la table en continuant à gémir.

— À quoi servent réellement ces pendentifs ? voulut savoir Louise.

— Il serait préférable que vous ne le sachiez pas et que vous fassiez confiance aux Kalinovsky, répondit Matthieu en remettant une chaînette à son père.

— À moi aussi ? s’étonna Paul. Ça doit être vraiment grave.

— Nous avons tous besoin d’être protégés, même toi.

— Contre quoi, au juste ?

— Une créature qui ressemble à une gargouille.

Les parents échangèrent un regard surpris.

— Comme celles qu’on voit sur les toits des vieilles églises ? s’enquit la mère.

— Ouais, mais plus grosse et avec des ailes de chauve-souris, apparemment.

— Mais ce sont des animaux imaginaires, Matthieu ! lui rappela le père.

— Plus maintenant. Celle qui rôde autour de la maison des Kalinovsky est bien vivante.

— Que leur veut-elle ? s’alarma Louise.

— Elle les espionne pour le compte du procureur Desjardins.

— Te rends-tu compte que ce que tu nous dis n’a aucun sens ?

— Si vous ne voulez pas me croire, portez les médaillons juste pour me faire plaisir.

Matthieu se dirigea vers la porte et prit son manteau, suspendu à un crochet.

— Tu ne manges rien ? insista la mère.

— Je n’ai plus faim.

Le jeune homme sortit sans plus d’explication. Paul s’empressa de le suivre en attachant sa veste en laine. Il le rattrapa dans la rue. Il faisait froid, même si le printemps était arrivé et que les bourgeons avaient commencé à éclater.

— Matthieu, attends, implora le père.

Son fils se retourna en soupirant.

— Dis-moi ce qui se passe vraiment chez les Kalinovsky, et pourquoi le père Collin y est mêlé.

— La police n’a pas encore capturé le procureur, qui s’est échappé de prison.

— Il est revenu dans le coin ?

— Personne ne peut l’affirmer parce qu’il se venge à distance sur les gens qui ont fait condamner le Jaguar.

— À distance ?

— Apparemment, il utilise une bestiole volante pour les surveiller et il est capable de piéger leur esprit par son seul pouvoir de persuasion. Il a déjà attaqué l’inspecteur Pelletier, l’avocat Perron et même Danielle Léger. Ils ont décidé de former une équipe pour se défendre.

— En fais-tu partie ?

— Alexanne préfère que je reste loin de tout ça et que je porte un talisman de protection.

— C’est frustrant de ne pouvoir rien faire, n’est-ce pas ?

— J’ai l’impression que je ne ferai jamais vraiment partie de leur famille.

— Je pense plutôt que c’est parce qu’Alexanne veut que tu en fasses partie un jour, qu’elle t’écarte en ce moment. Si les fées préfèrent qu’on ne s’en mêle pas, c’est sûrement mieux ainsi. Qu’on le veuille ou non, Matthieu, nous ne sommes que de simples mortels.

— Donc, il est irréaliste de penser que j’épouserai Alexanne un jour ?

— Ce n’est pas ce que j’ai dit, fiston.

— Je sais bien qu’elle est spéciale et que sa famille est remplie de personnes étranges, mais je l’aime tellement… J’ai peur de ne pas être à la hauteur, parce que je suis quelqu’un de bien ordinaire.

— Depuis quand est-ce un défaut ?

— Ça doit en être un, puisqu’elle me met de côté chaque fois qu’elle a des ennuis. Elle ne me croit pas capable de l’appuyer ou même de comprendre ce qu’elle vit.

— Je t’en prie, arrête de te diminuer.

— Tu ne me comprends pas, toi non plus.

Matthieu plongea ses mains dans les poches de son manteau et poursuivit son chemin seul en direction du lac. Même si la neige avait fondu presque partout, il restait encore de la glace à la surface de l’eau. Le jeune homme s’arrêta sur la berge et regarda au loin. Il aimait profondément ce coin de pays et il rêvait d’y passer le reste de sa vie, mais pas avec des loups-garous, des vampires ou des gargouilles vivantes. Il voulait fonder une famille normale comme la sienne. « Comment vais-je dire ça à Alexanne ? » s’attrista-t-il. Après l’épisode de l’oncle qui se changeait en bête et le procès du chef de la secte, Matthieu avait cru que le calme reviendrait à Saint-Juillet.

Il repensa aux paroles de sa petite amie et finit par se demander si elle ne s’était pas payé sa tête en inventant cette histoire de monstre ailé. Il passa le reste de la journée dans sa chambre, à jouer ses dernières compositions sur sa guitare. Ses parents vinrent lui dire au revoir et lui recommandèrent de veiller sur ses petites sœurs. Le jeune homme les accompagna jusqu’à leur voiture, heureux de les voir partir en amoureux pour Saint-Jérôme, où ils mangeraient dans un restaurant chic et assisteraient à une pièce de théâtre.

— Si tu as le moindre doute concernant votre sécurité à l’extérieur de la maison, restez ici, recommanda Louise.

— Cessez de vous inquiéter. J’ai bien réfléchi à cette histoire de gargouille et j’y crois de moins en moins.

— Je sais que je peux compter sur toi, mon grand.

Paul et Louise montèrent dans la voiture et s’éloignèrent. Matthieu attendit que le véhicule disparaisse au bout de la rue et rentra. Magali se planta devant lui, dans le vestibule, les mains sur les hanches.

— Ce n’est pas toi qui fais le souper, j’espère ? grommela-t-elle.

— Tu as de la chance, puisque je vais seulement réchauffer ce que maman a déjà préparé, répliqua-t-il en se donnant un air d’autorité.

— Alors, j’ai faim.

Le grand frère l’envoya se laver les mains et installa les couverts sur la table. « Vive les fours à micro-ondes », songea-t-il en y plongeant les assiettes. Viviane et Magali mangèrent avec appétit, puis filèrent dans leur chambre pour se costumer. Matthieu les attendit en écoutant des vidéoclips.

— Je suis prête ! annonça Viviane en sautillant sur place dans son costume de lapin rose.

Il s’attendait à voir arriver la benjamine en poussin tout noir, ce qui aurait merveilleusement bien reflété sa personnalité. Quelle ne fut pas sa surprise de constater qu’elle était déguisée en ange !

— Mais qu’est-ce que tu fais habillée comme ça ? laissa-t-il tomber.

— J’en ai assez d’être un lapin, un poussin ou un bébé cygne !

— Mais c’est Pâques, Magali.

— Il y a des anges toute l’année, pas juste à Noël !

Le visage de la petite fille commençait à s’empourprer, alors avant qu’elle ne commence à tout casser dans la maison, il remit à ses sœurs leurs paniers en osier. Il tendit également à Magali son manteau.

— On ne verra pas que je suis un ange si je le porte.

— Il fait froid dehors, l’avertit son grand frère.

— Ça m’est égal.

— Si tu ne le mets pas, nous resterons ici.

— Il va cacher mon beau costume ! Pourquoi tu n’obliges pas Viviane à mettre le sien ?

— Parce qu’elle a eu la bonne idée de porter un costume en peluche qui la gardera au chaud.

Voyant que les efforts de Matthieu ne parvenaient à rien, Viviane décida de s’en mêler.

— Je viens d’avoir une idée ! s’écria-t-elle. Magali, tu pourrais porter ton manteau pour marcher d’une maison à l’autre et l’enlever quand nous arrivons devant une porte !

« Pourquoi n’ai-je pas pensé à ça ? » songea le jeune homme, déçu de lui.

— Est-ce une solution qui te convient ? demanda-t-il.

Magali hocha vivement la tête pour indiquer son accord. Une fois habillée, elle prit les devants, suivie de sa sœur. Matthieu marcha derrière elles en se disant que ce calvaire ne durerait qu’une heure tout au plus. Les petites rejoignirent les autres lapins et poussins qui déambulaient dans la rue principale.

Il les garda à l’œil jusqu’au bout de la rue, lorsqu’elles bifurquèrent sur une route en terre qui menait à deux maisons en retrait du village.

— Revenez ici ! ordonna Matthieu. Papa vous a dit de ne pas vous éloigner !

Voyant qu’elles ne réapparaissaient pas, l’adolescent s’élança à leur poursuite avec la ferme intention de les ramener par l’oreille et l’auréole. Il vit alors qu’elles s’étaient immobilisées devant une sombre silhouette qui leur barrait la route, et ne comprit de quoi il s’agissait que lorsque celle-ci ouvrit ses ailes de chauve-souris. « Misère ! Alexanne m’a dit la vérité », s’alarma-t-il intérieurement.

N’écoutant que son courage, il hâta le pas et saisit les petites par les bras pour les faire reculer.

— Vous portez un drôle de costume, monsieur, déclara Magali.

— Courez jusqu’à la maison ! ordonna Matthieu sur un ton qui fit comprendre à ses sœurs qu’il ne plaisantait pas.

— C’est un homme méchant qui empoisonne le chocolat ? s’horrifia Viviane.

— Oui !

L’aînée des deux filles comprit aussitôt la gravité de la situation. Elle serra très fort la main de Magali dans la sienne et rebroussa chemin.

— Ne vous arrêtez pas ! Verrouillez toutes les portes !

L’énorme chauve-souris fit exécuter un arc-de-cercle à son bras. La pointe de ses longues griffes effleura la joue de Matthieu. La douleur fit reculer le jeune héros.

— Je ne sais pas ce que vous êtes ou ce que vous voulez, mais vous n’êtes certainement pas le bienvenu ici !

La gargouille poussa un cri perçant en se ruant sur lui. Matthieu tomba à la renverse et vit les dents pointues de la bête s’approcher dangereusement de son visage. « Le talisman ! » se rappela le pauvre garçon. Il glissa une main à l’intérieur de son manteau et en ressortit la chaînette et le pendentif. Le monstre fit un mouvement en arrière en grondant de façon menaçante. Matthieu en profita pour se relever en continuant à lui montrer le pentagramme. Sans avertissement, la chauve-souris prit son envol.

— Non ! hurla le jeune homme en voyant que la bête suivait la route qui menait chez lui.

Il courut à en perdre haleine afin d’arriver à maison de ses parents avant le prédateur.

 

* * *

 

Les petites venaient de s’engager dans l’allée de dalles qui menait à la maison lorsqu’elles entendirent des cris perçants au-dessus d’elles. Viviane ouvrit la porte et projeta sa sœur dans le vestibule. Comme le lui avait demandé son frère, elle poussa le loquet et se précipita sur la porte arrière pour faire la même chose.

— Est-ce qu’on a gagné ? demanda la plus jeune.

— Ce n’est pas un jeu, Magali.

— On n’a presque pas de chocolats.

— Papa nous en apportera.

Elle poussa sa sœur jusqu’au salon et ferma tous les rideaux.

Dehors, Matthieu venait de s’arrêter à quelques mètres de la demeure, le regard levé vers le ciel. La créature couleur pierre volait en rond autour du toit. Le jeune homme était si concentré qu’il n’entendait même pas les cris des parents qui fuyaient dans la rue en emmenant leurs enfants.

— À nous deux, sale bête ! cria Matthieu.

Il ramassa des cailloux dans le jardin zen de sa mère et bombarda la bête infernale. Il ne pourrait jamais la tuer de cette façon, mais tout ce qui comptait, c’était de l’éloigner de ses sœurs. Puisqu’il avait joué au base-ball lorsqu’il était plus jeune et qu’il avait occupé la position de lanceur à l’occasion, Matthieu visait juste. Il réussit donc à atteindre la gargouille dans le dos, sur les ailes et finalement à la tête. Ayant reçu le dernier projectile sur la tempe, la créature perdit de l’altitude.

Cet animal possédait certainement un cerveau gros comme un petit pois, puisqu’il avait déjà oublié que le jeune humain qui le tourmentait portait une amulette qui pouvait lui être fatale. Il piqua sur lui à la manière d’un avion de chasse.

— C’est ça, suis-moi !

Matthieu conserva des cailloux dans ses mains et courut en direction de la rive inhabitée du lac, qui appartenait au gouvernement. Enfant, il l’avait explorée avec ses amis et y avait découvert plusieurs cavernes. Certaines communiquaient entre elles par une série d’étroits tunnels, dans lesquels une bête munie d’ailes ne pourrait pas passer.

Il n’entendit pas la créature se poser derrière lui, mais ressentit une douleur aiguë dans sa cheville droite lorsqu’il se jeta à plat ventre dans une des petites grottes. Il se retourna vivement sur le dos et utilisa l’autre jambe pour assener un coup violent sur la gueule de la gargouille, qui lâcha sa proie en couinant. Matthieu ne demanda pas son reste. Il s’enfonça dans l’obscurité, mais ne trouva pas le passage qu’il cherchait. « Je me suis trompé de caverne », songea-t-il, paniqué.

Il se recroquevilla contre la paroi, au fond du trou, et serra son pendentif entre son pouce et son index, en tremblant de tous ses membres. Il pouvait entendre le souffle et les grondements de la créature, mais il ne pouvait plus la voir. Matthieu ne sut pas combien de temps dura cette attente. Lorsque le silence régna enfin dans sa cachette, il n’osa pas bouger.

 

* * *

 

Ravis de leur soirée, Louise et Paul Richard ne rentrèrent à Saint-juillet qu’après minuit. En descendant de la voiture, ils furent plutôt surpris de constater que toutes les lampes de la maison étaient encore allumées.

— Matthieu ne penserait quand même pas à faire la fête en notre absence, tenta de se rassurer la mère.

Paul glissa la clé dans la serrure et jeta un coup d’œil prudent dans le vestibule. Il n’y avait pas un bruit dans la maison. Il continua jusqu’au salon, suivi de Louise. Dès qu’ils y mirent les pieds, Viviane et Magali se mirent à hurler de terreur, affolant leurs pauvres parents. Déguisées en lapin et en ange, elles s’étreignaient sur le canapé en continuant à pousser des cris à crever les tympans. Revenu de sa surprise, Paul les prit dans ses bras.

— Doucement, c’est moi.

Reconnaissant leur père, les fillettes se calmèrent aussitôt.

— Mais que faites-vous dans le salon à une heure pareille ? demanda Louise en lui prêtant main-forte.

— C’est un jeu… hoqueta Magali.

— Non, ce n’en est pas un, rétorqua sa sœur. Nous avons été attaquées par un monstre.

— Où est Matthieu ? s’enquit la mère.

— Il n’est pas encore arrivé.

— Je ne comprends pas… s’inquiéta le père.

— Il nous a dit de courir et il est resté pour tuer le dragon, expliqua Magali.

Paul dirigea un regard interrogateur vers Viviane.

— C’était comme une grosse chauve-souris, aussi grande que toi, ajouta-t-elle.

— Je suis certain que votre frère l’a fait fuir, affirma Paul en s’efforçant d’adopter un ton rassurant même si, au fond de lui, il craignait le pire. Maman va vous emmener vous changer et prendre un bain chaud. Cette nuit, je vous donné la permission de coucher dans notre lit avec maman.

— Pas avec toi ?

— Il faut bien que quelqu’un aille chercher Matthieu.

Pour mettre fin à l’interrogatoire en règle des fillettes, Louise leur prit la main et les entraîna vers les chambres en adressant à son mari un regard suppliant.

— On n’a presque pas eu de chocolat à cause du monstre, geignit Magali en disparaissant dans le couloir.

Paul ouvrit l’armoire où il gardait ses carabines. Il y prit sa meilleure arme et la chargea. Louise le rejoignit quelques minutes plus tard.

— Dis-moi que c’est un cauchemar, réclama-t-elle.

— Il n’y a rien que j’aimerais davantage, mais je crains que les Kalinovsky aient encore eu raison. Espérons que le médaillon l’a protégé.

— S’il est arrivé malheur à Matthieu…

— Je connais bien mon garçon. Il a sûrement éloigné la créature de la maison pour protéger ses sœurs, je suis prêt à parier qu’il a tenté de l’égarer dans les grottes du lac.

Louise sortit une grosse lampe de poche de l’armoire et la lui remit.

— Ramène-le-moi.

Elle l’embrassa sur les lèvres et recula de quelques pas.

— Si je ne suis pas de retour dans une heure, appelle les Kalinovsky et raconte-leur ce que tu sais. Verrouille la porte derrière moi.

La carabine dans une main et la torche électrique dans l’autre, Paul se rendit directement à l’endroit où son fils aimait jouer quand il était petit. Il suivit le sentier et, grâce à son instinct d’ancien chasseur, il découvrit la piste encore fraîche d’une paire de tennis et de pattes munies de griffes. Il avança avec prudence vers l’entrée de la grotte en écoutant les sons de la nuit. Si cette bête avait des ailes, il pourrait certainement en entendre les battements avant qu’elle ne soit sur lui.

Ne percevant aucun danger immédiat, Paul se mit à quatre pattes et éclaira l’intérieur de la caverne. Son fils se trouvait tout au fond, appuyé contre la paroi, en position de fœtus !

— Matthieu, réponds-moi !

Le jeune homme cligna des yeux, aveuglé par le puissant faisceau lumineux.

— Papa ?

— Es-tu capable de ramper jusqu’à moi ?

Matthieu ne se fit pas prier. Tout ce qu’il voulait, c’était retrouver la chaleur et la sécurité de leur maison. Dès qu’il fut près de l’entrée de la cavité, Paul l’agrippa par son manteau et le tira à l’extérieur. La lumière de la lampe révéla aussitôt le sang séché sur son visage et ses vêtements.

— Es-tu gravement blessé ?

— Non… enfin, je ne le crois pas. J’ai été griffé au visage.

Paul le hissa sur ses pieds. Le jeune homme ne fit pas deux pas qu’il poussa une plainte sourde.

— Et la cheville aussi… j’avais oublié ma cheville.

Son père éteignit la torche. Il la déposa avec sa carabine dans les bras de son fils et prit ce dernier dans ses bras.

 

Le faucheur
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