21
Mardi 1er février 1966
La mairie d’Holloman était célèbre pour son acoustique. Aussi, les bureaux du maire ayant déménagé dix ans plus tôt dans les autres bâtiments administratifs du comté, elle se contentait désormais d’accueillir des virtuoses et des orchestres symphoniques venus du monde entier.
Derrière l’auditorium se trouvait une salle de répétition, où des chaises et des pupitres étaient disposés en demi-cercle. John Silvestri vint s’installer sur le podium réservé d’ordinaire au chef d’orchestre, vêtu de son plus bel uniforme, la médaille d’honneur du Congrès[ii] autour du cou.
Près de cinquante journalistes avaient fait le déplacement ; la plupart de la presse écrite était présente, ainsi qu’une équipe de la télévision locale et un reporter de la radio WHMN. Les grands quotidiens du pays n’avaient envoyé que leurs correspondants locaux ; le monstre du Connecticut faisait certes les gros titres, mais les rédacteurs en chef savaient qu’une telle conférence de presse n’avait aucune chance de donner lieu à d’importantes révélations. Ce serait tout au plus l’occasion d’éditoriaux féroces sur l’incompétence de la police.
Mais Silvestri, quand il prenait la parole en public, savait y faire, surtout quand il devait se couvrir de boue. À dire vrai, personne ne se couvrait de boue avec autant d’élégance et de détachement.
— En dépit du temps glacial, plusieurs équipes, dans tout l’État, ont tenu sous surveillance quatre-vingt-seize suspects, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, de jeudi soir jusqu’à l’enlèvement de Faith Khouri, dont trente-deux personnes de Holloman ou des environs. Aucun des suspects ne pouvait être impliqué, ce qui signifie que nous en sommes toujours au même point, s’agissant de l’identité de celui que vous surnommez le monstre du Connecticut, mais que nous appelons désormais le Fantôme.
— Disposez-vous de preuves qui vous permettraient d’impliquer quelqu’un ? demanda la spécialiste des affaires judiciaires du Holloman Post.
— Je viens précisément de vous expliquer que non, madame Longford.
— Ce tueur, ce Fantôme, comme vous l’appelez, doit disposer d’un endroit où il retient ses victimes. N’est-il pas temps que vous commenciez à chercher plus sérieusement où il se trouve ?
— Il nous est impossible de fouiller des lieux habités sans mandat de perquisition, madame, et vous le savez parfaitement. Vous seriez même la première à nous le reprocher si nous le faisions.
— En temps normal, oui. Mais là, c’est différent.
— Différent de quelle façon ? À cause de la nature horrible des crimes ? D’un point de vue personnel, je suis d’accord avec vous, mais en tant que défenseur de la loi, cela m’est impossible. Dans une société libre comme la nôtre, la police, pour défendre la loi, doit d’abord lui obéir. Les Américains ont des droits constitutionnels que nous sommes tenus de respecter. De simples soupçons, fondés ou non, ne nous permettent pas d’entrer dans la maison de qui que ce soit afin de nous mettre en quête de preuves que nous n’avons pu trouver ailleurs. Il nous faut précisément les transmettre à l’appareil judiciaire pour obtenir de lui la permission de procéder à une perquisition. Parler à n’en plus finir ne convaincra aucun juge, si nous ne disposons pas de faits concrets. Et nous n’en n’avons aucun, madame Longford.
Les journalistes présents se contentaient de laisser parler l’envoyée du Holloman Post ; de toute façon, ses questions ne la mèneraient nulle part, et ils sentaient l’odeur du café et des beignets qu’on avait préparés pour eux au fond de la salle.
— Mais, monsieur le commissaire, pourquoi n’avez-vous pas de faits concrets ? Il est quand même stupéfiant de penser que nombre d’hommes expérimentés enquêtent sur ces meurtres depuis début octobre, sans résultat aucun ! Vous ne voulez quand même pas dire que le tueur est un vrai fantôme ?
Mais l’ironie, comme l’agressivité, laissait insensible Silvestri.
— Non, madame. Il est bien plus dangereux. Pensez à lui comme à un félin en pleine forme – un léopard, disons. Il est paisiblement installé sur une branche, dans un arbre en bordure de la forêt, bien caché, observant un troupeau d’antilopes qui broutent l’herbe et se rapprochent peu à peu. Et pour lui, chacune est différente des autres ; sa cible est une bête bien précise. Oh, il est très patient ! Les antilopes passent en dessous de lui, sans le voir ni sentir son odeur, et puis voilà qu’arrive celle qu’il guette. Il frappe si rapidement que les autres ont à peine le temps de se mettre à courir qu’il est déjà remonté dans son arbre avec sa proie, dont il a brisé la nuque.
Silvestri reprit son souffle un instant. Il avait retenu leur attention.
— Ce n’est sans doute pas une image très exacte, mais elle illustre l’ampleur des problèmes que nous rencontrons face au Fantôme. D’où nous sommes, il est invisible. C’est bien pourquoi nous n’avons aucune idée de l’endroit où il se cache, où il agit. Nous pourrions le croiser dans la rue, madame Longford, sans nous douter qu’il s’agit d’un monstre. Il a un visage ordinaire, une démarche ordinaire, tout en lui est quelconque.
— Mais alors, quelle protection le public peut-il avoir contre lui ?
— Je dirais qu’il faut rester vigilant, encore que cela ne l’ait pas empêché d’enlever des jeunes filles d’un certain type, même après que nous eûmes inondé le Connecticut de mises en garde et d’avertissements. Mais il me paraît clair que nous l’avons effrayé, que nous l’avons contraint à renoncer à des enlèvements en plein jour, car il n’agit plus qu’à la faveur de la nuit. Il n’y a d’ailleurs pas de quoi s’en flatter : cela ne l’a pas arrêté, tout au plus ralenti. Il y a pourtant un espoir : si nous maintenons la pression, il finira par commettre des erreurs. Et vous avez ma parole que nous ne les laisserons pas passer. Elles nous permettront de faire tomber le léopard de l’arbre.
— Il s’en est bien sorti, raconta Carmine à Desdemona, ce soir-là. Le correspondant d’Associated Press lui a demandé s’il comptait se présenter au poste de gouverneur lors des prochaines élections. Et il a répondu, en souriant jusqu’aux oreilles, que le sort d’un policier était bien plus enviable, même avec un Fantôme sur les bras !
— Oui, je l’ai vu aux infos de 18 heures. On dirait un vieil ours en peluche.
— Et le gouverneur l’aime bien, et c’est très important. On ne contraint pas à la démission des héros de la guerre en les accusant d’être des idiots incompétents.
Desdemona prit une deuxième part de pizza.
— Carmine, vous reniflez sans arrêt. Vous avez pris froid ?
— Comme tous ceux qui montent la garde dans des voitures non chauffées alors qu’il gèle.
— Au moins, vous n’avez pas eu à me surveiller.
— Moi, non, mais d’autres l’ont fait.
— Bravo, je n’ai rien soupçonné. Qui avez-vous surveillé d’autre ?
— Désolé, je ne peux pas vous le dire. Qu’est-ce qui se passe au Hug depuis la disparition de Faith ?
— Le Prof est toujours dans son cabanon. Quand il saura que Nur Chandra a accepté une proposition de Harvard, il fera une nouvelle dépression. Non seulement il perd son chercheur-vedette, mais de surcroît Chandra emmène les singes avec lui. J’ai cru comprendre que Cecil partait aussi, il est fou de joie. Finie la vie dans le ghetto ! J’en suis ravie pour lui, mais vraiment navrée pour le Prof.
— Tout ça me paraît un peu bizarre. On peut emporter ce que d’autres ont payé ?
— Quand Nur est arrivé au Hug, le Prof n’avait aucune raison de s’opposer à cette clause du contrat. Il savait que jamais Nur ne trouverait mieux. Ce qui est demeuré vrai jusqu’à ce que ce tueur fasse son apparition.
— Personne ne pouvait prévoir ça, en effet.
Desdemona prit un air pensif.
— J’ai toujours le sentiment que jamais Nur Chandra n’aura le prix Nobel. Tout a été trop facile pour lui. Eustace est le seul de ses singes qui ait fait une crise d’épilepsie conditionnée, et il est très risqué, dans le domaine de la science, de tout parier sur un seul cheval. Il se pourrait même qu’Eustace ait été épileptique dès le début, que sa crise ait été sans rapport avec les stimuli de Nur. On a vu des choses encore plus étonnantes.
— Vous êtes vraiment plus fine qu’eux tous réunis, dit Carmine, impressionné.
— Assez, en tout cas, pour savoir que je n’aurai jamais le prix Nobel !
Ils allèrent s’installer dans les fauteuils. D’habitude, Carmine se plaçait à côté de Desdemona, mais cette fois il préféra se mettre en face d’elle. Pouvoir contempler son visage si calme, si raisonnable, lui ferait du bien.
La veille, il s’était rendu à Groton pour discuter avec Edward Bewlee, mais leur entretien n’avait pas permis de résoudre le mystère. Il avait juste appris qu’Etta voulait devenir une vedette du rock, qu’elle avait une belle voix, qu’elle savait bouger. Est-ce cela qui avait retenu l’attention des Fantômes ?
Revenons-en au présent, songea Carmine.
— Quoi de neuf au Hug ? demanda-t-il.
— Charles Ponsonby remplace momentanément le Prof. Ce n’est pas quelqu’un que j’aime beaucoup, mais au moins, quand il a des problèmes, c’est moi qu’il vient consulter, non Tamara. Elle a tenté d’aller voir Keith Kyneton à son bureau, il lui a claqué la porte au nez. Hilda a donc gagné sur toute la ligne. Elle a une de ces allures, désormais ! Tailleur noir bien coupé, corsage de soie rouge, chaussures italiennes, coiffure soignée... Et vous n’allez pas le croire, mais elle a renoncé à ses horribles lunettes pour des verres de contact. L’épouse parfaite pour un neurochirurgien de premier ordre.
— Et prête à partir à la conquête de New York. Je n’aurais pas cru que Kyneton écouterait vraiment ce que je lui avais dit.
Il s’agita dans son fauteuil.
— Il se raconte dans notre immeuble que Satsuma ne renouvellera pas le bail de sa garçonnière, comme d’ailleurs celui de l’appartement d’Eido et de sa femme.
— Cela pourrait bien être vrai. Il a reçu des propositions de Stanford, de Georgie... Mais je crois qu’il finira par choisir Columbia University.
— Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
— S’il s’installe à New York, il pourra toujours se rendre dans sa petite demeure de Cape Cod. En voiture, ce sera plus long, mais toujours faisable. Il serait allé à Boston si Nur Chandra ne l’avait pas précédé dans le Massachusetts, et accepter quoi que ce soit d’autre qu’Harvard serait une véritable humiliation. Pourtant, j’ai l’impression qu’il est un meilleur candidat au Nobel que Nur.
Elle se leva brusquement.
— Bon, il est temps que j’aille me coucher. Merci pour la pizza, Carmine !
Ne trouvant rien à répondre, il la suivit, deux étages plus bas, jusqu’à la porte blindée de son appartement, veilla à ce qu’elle s’enferme comme il fallait, puis rentra chez lui en se sentant curieusement déprimé.
La vérité était que Desdemona n’avait rien discerné des timides avances de Carmine, et que de son côté elle n’osait pas s’attarder en sa compagnie une fois qu’ils avaient épuisé tous les sujets de conversation ordinaires. Elle redoutait un long silence qu’elle ne saurait gérer.
D’ailleurs, elle était très lasse. Après bien des palabres, elle avait obtenu la permission de reprendre ses excursions hebdomadaires, étant bien entendu qu’elle devrait être déposée à son point de départ par une voiture de police, dont les occupants s’assureraient qu’elle n’était pas suivie, et qui la reprendrait ensuite, une fois sa marche à pied terminée. Desdemona avait donc passé son samedi et son dimanche à arpenter les Appalaches, un exercice assez épuisant qu’elle avait perdu l’habitude de pratiquer à cause du tueur.
Après un bon bain chaud, elle enfila donc un pyjama d’homme, ainsi que d’épaisses chaussettes de laine. Ce n’était pas une femme du genre à monter le thermostat pour avoir chaud. Elle se montrait très proche de Carmine dans ce domaine.
Elle s’endormit à peine couchée, sans rêver de quoi que ce soit dont elle put se souvenir par la suite. Un bruit bizarre, pourtant, la réveilla, vers 4 heures du matin : une sorte de grattement aigu.
Se redressant dans son lit, Desdemona se dit que ce n’était sûrement pas cela qui l’avait réveillée, mais le sentiment obscur d’un danger imminent. La porte de sa chambre, restée ouverte, révélait le séjour, plongé dans la pénombre, comme d’habitude. Il y eut alors un faible rayon de lumière, venu du couloir, et qui ne dura qu’un instant, comme si quelqu’un avait refermé la porte. Je ne suis pas seule, hurla-t-elle intérieurement. Il est entré, il est venu me tuer.
Sur une chaise, à côté du lit, étaient posés des vêtements qu’elle n’avait pas eu le temps de laver – soutien-gorge, bas, gants de laine. Desdemona sortit du lit sans un bruit, s’empara des gants à tâtons et se dirigea vers le balcon, dont la porte coulissante était fermée par une tige d’acier. Se penchant, elle l’ôta, puis fit glisser la vitre juste assez pour pouvoir sortir sur le balcon, une plaque de béton bordée par une balustrade de fer de près d’un mètre cinquante de haut.
Carmine vivait deux étages au-dessus, mais à l’autre bout du bâtiment. Fallait-il grimper tout de suite, ou gagner d’abord un appartement situé sous le sien ? Non, mieux valait monter, quitter l’étage aussi vite que possible. Mais comment ? Verticalement, chaque étage occupait près de trois mètres, auxquels venaient s’ajouter les trente centimètres de béton du balcon supérieur, avec ses canalisations, ses fils électriques. Trop haut, vraiment trop haut.
Desdemona referma la vitre coulissante derrière elle, pour que le vent ne pénètre pas chez elle, révélant au tueur qu’elle était sortie. Le froid était glacial. Elle grimpa sur la balustrade, resta immobile quelques instants au-dessus du vide, agrippa le béton de l’étage supérieur puis, lentement, le bas de sa balustrade ; elle prit son élan, sauta en l’air et se rattrapa de justesse. Sa taille et sa condition physique lui étaient très utiles, cette nuit !
Encore un étage. Claquant des dents, gelée jusqu’aux os, elle recommença la manœuvre. Vas-y, se dit-elle, pendant que tu peux encore ! Et, après la même acrobatie qu’à l’étage inférieur, elle se retrouva à l’étage de Carmine.
Il ne lui restait plus qu’à passer d’un balcon à l’autre, ce qui était plus facile à dire qu’à faire, car un intervalle de deux mètres séparait chacun d’eux. Seule solution : grimper sur la balustrade, prendre son élan et sauter. Combien en tout ? Douze... Ses pieds et ses mains étaient déjà gourds. Mais elle pouvait le faire, et il fallait le faire. Le tueur était peut-être aussi agile qu’elle.
Après douze sauts, elle se retrouva enfin sur le balcon de Carmine, se mettant aussitôt à cogner sur la porte coulissante.
— Carmine, Carmine, c’est moi, laissez-moi entrer ! hurla-t-elle.
La vitre s’ouvrit quelques secondes plus tard et il fit son apparition, en caleçon. Il l’attira à l’intérieur, puis, ôtant la couverture de son lit, l’en enveloppa.
— Il est dans mon appartement, bredouilla-t-elle.
— Restez ici et tenez-vous au chaud, lança-t-il en enfilant son pantalon avant de disparaître.
— Regardez ça, dit-il vingt minutes plus tard à Abe et Corey, devant la porte grande ouverte de l’appartement de Desdemona.
Le verrou d’acier avait été découpé, et on apercevait par terre un petit tas de fragments métalliques.
— C’est pas vrai ! s’exclama Abe.
— Nous avons encore beaucoup à apprendre, grommela Carmine, l’air sombre. En tout cas, ça montre que notre conception de la sécurité est franchement nulle. On n’avait pas pensé à ça. Il est sans doute parti dès qu’il a compris que Desdemona n’était plus dans l’appartement. Disparu, comme un fantôme.
— Comment diable a-t-elle réussi à lui échapper ? demanda Corey.
— Elle est sortie sur son balcon, a grimpé deux étages du dehors, puis est passée d’un balcon à l’autre jusqu’au mien avant de frapper sur la vitre coulissante. Par un froid pareil, en gants et en chaussettes !
— Une sacrée femme ! dit Abe, impressionné.
— Il faut que je retourne auprès d’elle. Allez-y, les gars, fouillez tout l’immeuble, de la cave au grenier. Mais il est parti.
— Ça va mieux ? demanda-t-il en la trouvant toujours enveloppée dans sa couverture.
— J’ai l’impression qu’on a voulu m’arracher les bras, mais je m’en suis sortie. Il était là, n’est-ce pas ? Je n’ai pas rêvé ?
— Il était là, pas de doute, mais il est parti depuis longtemps. Il a cisaillé le verrou, sans doute avec une scie à découper à pointe de diamant. Ça peut tout percer, si c’est manié par quelqu’un qui s’y connaît. Et il a pris son temps, l’enfoiré !
Carmine s’agenouilla et ôta les chaussettes de Desdemona pour examiner ses pieds.
— De ce côté-là, tout va bien, dit-il. Et de ce côté-là aussi, continua-t-il en examinant ses mains. Vous êtes une sacrée femme, Desdemona !
— Je suis touchée du compliment, répondit-elle avant de frissonner. J’étais vraiment terrifiée. Je n’ai vu que son ombre, quand il a ouvert la porte, mais j’ai su aussitôt qu’il venait me tuer. Mais pourquoi ? Pourquoi moi ?
— Peut-être pour me viser moi, pour viser les flics, nous montrer que s’il décidait d’agir, rien ne pouvait l’arrêter. Le problème, c’est que nous n’avons généralement affaire qu’à des criminels ordinaires, qui n’auraient jamais son sang-froid ou son imagination. Ça a dû lui prendre un temps fou pour cisailler le verrou, même avec une pointe en diamant.
Brusquement, il l’attira vers lui et la serra très fort.
— Desdemona, j’ai failli te perdre ! Tu t’es sauvée toute seule pendant que je ronflais. Je crois que je serais mort si je t’avais perdue !
Elle posa la tête sur son épaule et l’embrassa dans le cou.
— Tu ne me perdras pas, Carmine. Je n’ai pas pensé un seul instant à aller ailleurs que chez toi.
— Je t’aime.
— Moi aussi. Mais je me sentirais encore plus en sécurité si je dormais avec toi, cette nuit.