CONTRE LA POÉSIE PURE
FONTAINE aux oiseaux fontaine profonde
Fontaine froide ainsi que les eaux sans amour
On y vient par les airs des quatre coins du monde
Jouer dans l’eau légère et la lumière blonde
Qui vous font oublier le jour
Fontaine aux oiseaux fontaine démente
Fraîche comme la mort le mensonge et le miel
Le songe de la sauge et le parfum des menthes
Dégriment du soleil dégrisent des tourmentes
Les pèlerins ailés du ciel
Le passereau le merle et la mésange
Le paon le rouge-gorge et le chardonneret
Y donnent un concert que les grands cerfs dérangent
Et que jalousement dans leurs ailes les anges
Surveillent du toit des forêts
On n’y voit jamais rétive
L’aronde toute noire et son gorgerin clair
Andromaque du vent de soi-même captive
Ce doux refus ailé qui se déprend et prive
L’eau de son reflet d’air
D’un Cid oiseau chère et folle Chimène
Crains-tu de l’oublier dans l’eau froide à plaisir
Ce deuil aérien que partout tu promènes
Aronde que j’adore inhumaine inhumaine
Qui n’as pas voulu me choisir
Au disparu pourquoi rester fidèle
J’ai des ailes aussi comme ton paysan
Ô veuve blanche et noire Au fond des asphodèles
L’aigle fait rossignol chante pour l’hirondelle
Un long minuit de ver luisant
Je ne crois pas à tes métamorphoses
Je ne veux de plaisir que ceux de mon malheur
C’est trop d’un rameau vert sur l’arbre où je me pose
Je m’enfuirais d’un pré pour une seule rose
C’est une insulte qu’une fleur
Où qu’elle soit je troublerai l’eau pure
Si tu me tends le feu je souffle et je l’éteins
Si tu me tends ton cœur je le jette aux ordures
Ah que le jour me blesse ah que la nuit me dure
Jusqu’aux fantômes du matin
Un seul Hector faisait une Andromaque
Un pauvre Cid Chimène et ce grand bruit du sort
Me comparer à ces forains dans leur baraque
Compte si tu peux les étoiles du lac
Je pleure tout un ciel de morts
Fontaine du rêve où meurt la mémoire
Où tournent les couleurs du beau monde volant
Doux mentir de tes eaux poésie ô miroir
Fable entre les roseaux les oiseaux y vont boire
Excepté l’oiseau noir et blanc
Si l’oiseau blessé la source méprise
Cette aronde est mon cœur et qui la va chassant
Qu’il assure sa fronde et sache qu’il me vise
Pour avoir préférant la vie à la feintise
Préféré le sang à l’encens