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La course de natation

Le lendemain matin, Méduse enfila son maillot de bain et se dépêcha de se rendre à la piscine souterraine dans la grotte qui se trouvait sous le gymnase de l’AMO. La compétition de Poséidon était sur le point de commencer !

Les rangées de gradins en pierre de l’un des côtés de la piscine étaient déjà remplies d’étudiants qui étaient venus y assister. La plupart des jeunes dieux y étaient, mais elle ne vit pas Dionysos. En revanche, Athéna, Aphrodite, Artémis et Perséphone étaient dans les gradins, et Athéna sourit et fit des signes de la main dans sa direction. Méduse l’ignora, se figurant qu’elle envoyait la main à quelqu’un d’autre… à une vraie amie.

En s’étirant pour se réchauffer en vue de l’épreuve, Méduse prenait le pouls de ses concurrentes. Environ la moitié des filles étaient des mortelles. Certaines étaient les filles des invités au mariage, et les autres étaient des élèves de l’AMO. Et il y avait Pandore. Hein ? Cette fille était-elle devenue folle ? Elle ne pouvait même pas nager sans flotteurs. Au moins, elle avait eu la bonne idée d’en porter aux bras. Sauf que cela allait la ralentir. Elle ne pouvait que rêver de gagner une telle compétition.

Une seule fille remporterait l’honneur d’être la demoiselle d’honneur de Poséidon lors du mariage de Zeus. Et son nom commençait par un M comme « merveilleuse », « magnifique », « moi » ! pensa Méduse, de très bonne humeur.

Elle toucha la breloque de Pégase à son cou, s’assurant que le collier d’immortalisation était toujours en place. En faisant des cercles avec les bras pour délier ses muscles, elle laissa son regard porter subrepticement sur son super béguin.

Trident en main, Poséidon était occupé à user de sa magie pour redessiner le parcours de la course. Pour la compétition du jour, il avait créé une piscine en forme d’octogone remplie d’eau turquoise étincelante. Et pour rendre la compétition plus difficile, il avait ajouté des obstacles comme des statues de dauphins qui sautaient et frétillaient dans l’eau, des fontaines en forme d’hippocampes qui crachaient de l’eau et une grosse île de pierre bleue au centre de la piscine.

Les nageuses étaient censées faire le tour du rocher jusqu’à la ligne d’arrivée qui était faite de rangs de perles et d’aigue-marine torsadés. Elle estima qu’il ne lui faudrait pas plus de cinq minutes pour l’atteindre. Puis la course serait terminée.

Entendant des rires d’enfants, Méduse leva la tête vers le pont que Poséidon avait créé au-dessus de la piscine. Il formait une arche au-dessus de l’île, et ses côtés étaient inclinés et revêtus de morceaux de coquillages qui formaient une mosaïque représentant des scènes du royaume de Poséidon, la mer. On y voyait des barrières de corail, des poissons aux couleurs vives et des créatures marines qui semblaient si réelles qu’elles bougeaient presque.

Certains des petits protégés de la maternelle étaient assis ou debout sur le pont pour regarder la course. Il y avait entre autres parmi les enfants Cetus, Andromède et Persée. Méduse envoya la main à Andromède, qui lui fit elle aussi un signe.

— Nageuses ! appela Poséidon pour attirer leur attention. À vos marques.

Méduse changea rapidement ses lunettes antipierre pour des lunettes de natation antipierre, qui elles aussi l’empêchaient de transformer les mortels en pierre, mais pendant qu’elle était dans l’eau. Puis elle alla se placer au bout de la piscine, épaule à épaule avec les autres nageuses. Ses serpents s’enroulèrent serrés autour de sa tête en forme de bonnet de bain.

Lorsqu’elle regarda le profil séduisant de Poséidon, un soupir lui échappa. Ne voyait-il pas qu’ils étaient faits l’un pour l’autre ? Elle était une nageuse exceptionnelle ; il était le dieu de la mer. La plupart des océans abritaient des créatures de mer qui ressemblaient beaucoup à des serpents géants. Et elle avait des cheveux en serpents. C’était l’évidence même. Ils avaient tant de choses en commun que ce n’en était même pas drôle !

— Prêtes ! cria Poséidon.

Et toutes les nageuses se penchèrent vers l’avant.

Si elle croyait à la magie du collier, c’est-à-dire si elle avait un peu plus confiance qu’il fonctionnerait, est-ce que cela l’aiderait ? Cela ne pouvait pas faire de mal. Méduse prit la breloque dans son poing fermé. Serrant les yeux, elle prononça une incantation magique à voix basse :

Fais-moi gagner. Fais-moi gagner.

Ce n’était pas une rime, mais elle n’avait pas le temps d’en inventer une !

— Partez ! cria Poséidon en levant son trident haut dans les airs.

Splouch ! Toutes les concurrentes plongèrent en même temps. Méduse avançait à grandes brassées puissantes et fut bientôt en tête.

« Ça va être terminé en un rien de temps », pensa-t-elle avec joie.

Mais alors qu’elle faisait le tour du rocher, elle remarqua que la ligne d’arrivée semblait toujours s’éloigner. Poséidon la déplaçait de temps en temps pour faire durer la course. Il aurait au moins pu les aviser que c’est ce qu’il aurait fait ! Et elles continuaient à nager en rond. Lorsqu’elle sortit la tête pour respirer, elle vit Pandore qui était assise sur le côté de la piscine. Elle avait déjà déclaré forfait. Tout comme quelques autres filles. Yééée !

Enfin, la ligne d’arrivée cessa de reculer. Elle n’était plus qu’à une trentaine de mètres devant elle. Déterminée, Méduse accéléra, augmentant ainsi son avance. La victoire était presque à portée de la main.

— À l’aide ! entendit-elle Andromède crier au loin.

S’imaginant qu’elle était encore en train de jouer à la rescousse de la princesse, Méduse continua à nager. Mais lorsqu’elle sortit de nouveau la tête pour respirer, elle remarqua quelque chose qui bougeait sur le rocher sous le pont au centre de la piscine. Andromède ? Comment avait-elle fait pour descendre jusque-là ?

— Au secours ! À l’aide ! criait la petite fille.

Elle avait dû tomber du pont. Ou peut-être l’avait-on poussée ! Bien que Méduse continuât à nager, chaque fois qu’elle sortait la tête pour respirer, elle regardait par-dessus son épaule.

Splouch ! Splouch ! Splouch ! Cetus et certains des autres serpents de mer et nymphes marines plongèrent dans la piscine. Il leur poussa une queue de poisson dès l’instant où ils touchèrent l’eau, et ils étaient maintenant en train de nager autour du rocher comme des requins.

— Retire tes paroles de l’autre jour ! criait Cetus à Andromède.

— Ouais. Pas question que tu sois plus jolie que nous, crièrent les nymphes.

Fouettant l’eau de leurs queues, elles envoyèrent une gosse vague sur Andromède, qui fut trempée en une seconde.

— Tout le monde sait que les créatures marines sont les plus belles de toutes, ajoutèrent-elles.

Méduse ralentit son allure, et les autres nageuses gagnèrent du terrain. « Pourquoi personne ne met-il fin à ce qui était en train de se passer sur le rocher ? » se demanda-t-elle. Mais toutes les nageuses qui restaient avaient déjà dépassé le rocher et entamaient leur dernière longueur. Et la foule était occupée à acclamer ses nageuses préférées. Personne d’autre ne semblait avoir remarqué ce qui se passait. Ou peut-être tout le monde pensait-il que les enfants étaient simplement en train de jouer.

Elle regarda la ligne d’arrivée devant elle, déchirée par la décision qu’elle devait prendre. Continuer à nager ou revenir en arrière et réaliser une vraie rescousse de princesse ? Puis, en exhalant un soupir qui ressemblait davantage à un gargouillis parce qu’elle était dans l’eau, elle changea de cap et se mit à nager vers le rocher. Les autres nageuses filèrent devant elle dans la direction opposée, vers la ligne d’arrivée.

— Tu n’es pas une jolie princesse, disait l’un des serpents de mer en narguant Andromède. Tu es une poule mouillée !

— Non ! Elle est bien une princesse jolie… joliment effrayée par l’eau, cria un autre.

Et tous riaient, battant de la queue pour l’arroser.

— Arrêtez ça ! Vous êtes méchants ! Je ne sais pas nager.

Accrochée au gros rocher, Andromède refusait avec entêtement de retirer ses paroles. Ou peut-être était-elle trop effrayée pour penser correctement.

Au même moment, le petit Persée fit une courageuse tentative pour la secourir des brutes qui l’intimidaient. Passant par-dessus la rambarde du pont, il réussit à descendre sur le rocher et vint se placer devant Andromède d’un air protecteur.

— Retirez-vous, ou vous serez changés en pierre, ennemis ! dit-il en brandissant son bouclier à l’effigie de Méduse devant les serpents de mer.

— Ha ! Ha ! Ces boucliers ne fonctionnent pas ! dit l’une des nymphes les plus âgées. Ce sont des faux. Tout comme Andromède est une fausse princesse !

— Je suis une vraie princesse, insista Andromède, qui pleurait désormais.

Méduse fila dans l’eau de plus en plus vite. Elle n’allait pas les laisser embêter cette petite fille une seule minute de plus ! Elle plongea, puis réapparut à la surface au beau milieu des créatures marines.

— Les boucliers ne fonctionnement sans doute pas, dit-elle en les fixant des yeux, mais mon vrai regard, lui, fonctionne très bien. Dans trois secondes, je vais enlever ces lunettes. Ce qui veut dire que vous feriez mieux de déguerpir si vous ne voulez pas être pétrifiés. Une… deux…

En un coup de queue, les créatures marines avaient déjà disparu.

Méduse tendit la main à Andromède et à Persée.

— Venez, vous deux, je vais vous emmener à la nage jusqu’au bord.

Il s’avéra que Persée pouvait nager seul, mais il lui fallut quelques minutes pour convaincre Andromède d’entrer dans l’eau. L’entourant d’un de ses bras, Méduse se servit de son bras libre pour nager et la ramener au bord de la piscine.

La course était maintenant terminée. Et la foule avait finalement remarqué ce qui se passait sur le rocher, et certains des spectateurs s’étaient approchés pour les aider à sortir de l’eau.

Un portraitiste de La Presse de Grèce arriva rouleau et plume en main. Dévisageant Andromède et elle, il s’affaira à faire une esquisse des deux filles. Pourquoi les dessinait-il ? se demanda Méduse. N’était-il pas censé faire le portrait de la gagnante de la course ?

Puis elle se dit que son travail consistait sans doute à couvrir tout de qui touchait le mariage du lendemain, ce qui incluait les demoiselles d’honneur. Et bien entendu, Andromède était l’une d’entre elles. Mais assurément pas elle-même. Parce qu’en allant aider sa petite protégée, Méduse avait perdu la course.

Quelqu’un lui tendit ses lunettes antipierre et elle enleva les lunettes de natation pour les remplacer par celles-ci. Elle ne savait pas qui avait gagné la course et elle ne s’en souciait pas. Ni la foule non plus, semblait-il. Presque tout le monde s’était regroupé autour d’Andromède, de Persée et d’elle. Apercevant Poséidon qui se tenait non loin, Méduse fendit la foule pour aller vers lui. Il tenait à la main une couronne de jolis asters maritimes blancs pour la gagnante de son concours.

— Pourquoi ne surveillais-tu pas ces petits enfants ? demanda-t-elle d’une voix qui résonna dans toute la grotte.

La foule se tut pour entendre, mais elle ne remarqua rien.

— Ils auraient pu se noyer, tu sais ! Comment as-tu pu être si imprudent ?

— Tu as raison, tu as raison. Désolé, dit Poséidon.

Regardant tout autour les gens qui le regardaient, il souriait et envoyait la main. Il ne semblait prendre rien de tout cela bien au sérieux !

— Hé, ajouta-t-il en faisant des clins d’œil aux badauds. Il n’y a pas eu de blessés, n’est-ce pas ? Et Méduse n’a-t-elle pas été fantastique là-bas ? Une vraie héroïne ! Applaudissons-la. Yahoo !

Glissant la couronne d’asters sur son bras comme un bracelet trop grand afin d’avoir les mains libres, il se mit à l’applaudir. Son enthousiasme était si contagieux que tout le monde l’imita. Les applaudissements étaient agréables, mais elle était loin d’être prête à lui pardonner.

Une nymphe marine qui se tenait non loin n’avait pas l’air très contente non plus. La gagnante de la course, devina Méduse. Une serviette sur les épaules, la fille dégoulinait et elle regardait Poséidon comme si elle voulait se faire remarquer de lui. Méduse savait exactement l’effet que ça faisait de se languir d’avoir son attention. C’est ce qu’elle faisait depuis des années.

— Ne vas-tu pas nous présenter ta demoiselle d’honneur ? demanda Méduse en faisant un geste en direction de la nymphe.

— Oh, bien sûr. Dans un instant, répondit Poséidon en haussant les épaules. Mais avant, ajouta-t-il en se penchant vers elle, je voulais te dire qu’entre toi et moi, j’aurais vraiment espéré que tu gagnes. Tu étais en tête pendant la plus grande partie de la course. Tu l’as mérité, dit-il d’une voix admirative trop basse pour que la foule l’entende.

Mais suffisamment haute pour que la nymphe qui venait de gagner l’entende. Un soupçon d’embarras se dessina sur son visage.

Méduse se hérissa. Poséidon se montrait terriblement rustre ! Il ne semblait pas du tout se soucier de ce que pou-vait ressentir la nymphe.

— Tu sais, je ne serai pas obligé de rester avec ma demoiselle d’honneur après la cérémonie, demain, poursuivit-il. Tu veux me réserver une danse ? Ou peut-être qu’on pourra traîner ensemble ?

Fixant les magnifiques yeux turquoise de Poséidon, Méduse se demandait pourquoi elle ne sautait pas de joie. C’était bien ce qu’elle avait voulu, n’est-ce pas ? Qu’il lui accorde toute son attention ? Il agissait comme s’il l’aimait bien. Pourquoi ne se sentait-elle pas aussi bien que ce qu’elle avait imaginé ? Peut-être était-ce à cause de cette nymphe marine qui rôdait derrière lui, l’air mal à l’aise et blessée. Ne s’était-elle pas elle aussi sentie comme ça un nombre incalculable de fois ?

Quelqu’un lui tendit une serviette sèche, et elle commença à éponger ses serpents. Le regard de Poséidon se dirigea vers le dessus de sa tête, et il plissa le nez comme s’il venait de percevoir une odeur nauséabonde.

— Juste une petite chose, murmura-t-il en exhibant son sourire préfabriqué de beau gosse. Pourrais-tu porter un chapeau, demain, ou peut-être un voile ? Tu sais, pour cacher tes… cheveux ?

La moutarde monta au nez de Méduse. Ses sœurs pouvaient s’en tirer de dire des choses comme ça parce qu’elles étaient, eh bien, ses sœurs. Mais lui, comment osait-il ? Elle le dévisagea comme si pour la première fois elle le voyait sous son jour véritable. Ses serpents se figèrent sur place, attendant de voir ce qu’elle ferait ; si elle venait à leur défense ou non. Eh bien, personne ne pouvait insulter ses serpents et s’en sortir indemne !

Elle fit un pas vers Poséidon et planta le bout de son index dans sa poitrine.

— Tu sais ce que tu es ? dit-elle. Un ophidiophobe !

— Hein ? Mais non, dit-il l’air confus.

Il était évident qu’il ne savait pas du tout ce qu’était un ophidiophobe.

— Cela signifie que même si tu règnes sur les puissants serpents de mer, tu as peur de mes petits serpents à moi ! dit Méduse.

— Ce n’est pas vrai ! protesta-t-il.

— Oui, c’est vrai. Tu me l’as déjà avoué une fois, dit une voix de fille.

Méduse se retourna et vit que c’était Athéna qui avait parlé. Ses amies et elle étaient tout près, en train de réconforter Andromède. Il semblait bien que tout le monde eût entendu leur petite discussion.

— Eh bien, qui n’est pas dégoûté par les serpents ? se défendit Poséidon. Demande à n’importe quel jeune dieu s’il a envie de sortir avec une fille qui a des serpents sifflants et se tortillant en guise de cheveux ! Je ne crois pas qu’il y en ait un seul.

Pour la première fois, Méduse prenait conscience à quel point Poséidon était superficiel. Avait-il toujours été comme ça ? se demanda-t-elle. Pourquoi ne l’avait-elle jamais remarqué avant ? Peut-être avait-elle été aveuglée par ce sourire magnifique qu’il lui avait fait lorsqu’elle était arrivée à l’AMO. Mais elle se dit que quelqu’un pouvait se montrer aimable et néanmoins être superficiel.

— Tout ce que je te demande, c’est de couvrir tes cheveux pour le mariage. Ce n’est pas une grosse affaire, n’est-ce pas ? Alors, voyons, qu’en penses-tu ? lui demanda Poséidon.

Et bien qu’il se rapprochât d’elle, il semblait regarder quelqu’un derrière elle. Elle regarda par-dessus son épaule et vit l’artiste de La Presse de Grèce qui avait dessiné son portrait un peu plus tôt. Il dessinait toujours. Et Poséidon essayait d’être dans l’image lui aussi !

— Je vais te dire ce que j’en pense, dit-elle à Poséidon.

Elle fit une pause pour enfiler ses sandales, puis le regarda de nouveau en nouant sa serviette autour de sa taille avec brusquerie.

— Je crois que tu es égocentrique comme ce n’est pas possible, poursuivit-elle. Et tu sais quoi d’autre ? Je crois que tu devrais prendre ce trident et te le mettre dans le nez, face de poisson !

Faisant volte-face, elle sortit à pas vifs du gymnase, passa devant les terrains de sport, traversa la cour et entra dans l’Académie, laissant une trace de gouttelettes d’eau sur son passage. Poséidon avait détruit l’image qu’elle avait de lui à cause de son manque d’égards pour ses serpents, pour Andromède et même pour la nymphe marine qui avait gagné la course. Maintenant, elle allait détruire d’autres sortes d’images.

Arrivée dans sa chambre, elle claqua la porte et se rendit directement à son babillard « béguin pour Poséidon ». Elle en arracha toutes les images et tous les objets qui y étaient épinglés et les réduisit en mille morceaux, détruisant tout ce qu’elle avait collectionné depuis des années. Puis elle jeta les rebuts dans sa poubelle et se tint là sans bouger, se sentant très mal.

Lorsqu’elle tendit les mains pour flatter ses serpents, ceux-ci s’enroulèrent délicatement autour de ses poignets.

— Vous avez raison, les gars, leur dit-elle. Il n’en vaut pas la peine.

Toutefois, son béguin pour le jeune dieu avait habité ses pensées depuis si longtemps qu’elle se sentait bien seule tout à coup. À quoi allait-elle passer son temps libre désormais ? Elle ne pouvait pas étudier tout le temps.

Entendant du brouhaha à l’extérieur, Méduse regarda par la fenêtre dans la cour, quatre étages plus bas. Hermès venait juste d’atterrir avec son char. Et pendant qu’elle le regardait, Dionysos sortit de l’arrière du char en portant un gros sac postal sur une épaule. Quelque chose gigotait à l’intérieur.

Soudain, il leva la tête et regarda vers sa fenêtre. Elle s’accroupit précipitamment pour se cacher derrière le mur sous le rebord de la fenêtre. Pardieu ! L’avait-il vue ? Elle espérait que non. Elle était horrible, toute mouillée après son passage dans la piscine. Elle remarqua alors que ses serpents, curieux, étaient dressés sur sa tête, regardant par la fenêtre au-dessus d’elle. Elle les rabattit eux aussi.

Qu’y avait-il dans ce sac que transportait Dionysos ? se demanda-t-elle. Un cadeau de mariage magique pour Zeus et Héra ? Hé ! À cause de toute la commotion à la piscine, elle avait totalement oublié son collier ! C’était maintenant le moment idéal pour son ultime test de magie. Elle allait s’en servir pour son propre cadeau, ou du moins, elle allait essayer. Elle porta les doigts à sa chaîne, la tortillant d’un côté et de l’autre, cherchant la breloque en forme de cheval ailé qui y était suspendue. Mais elle n’y était plus !

Oh non ! Pouvait-elle être tombée dans la piscine ? Portant encore son maillot de bain et sa serviette, elle revint sur ses pas jusqu’au gymnase. Tête baissée, elle regardait au sol au cas où elle la trouverait en chemin. Lorsqu’elle atteignit la grotte, celle-ci était déserte, et la piscine avait maintenant pris la forme d’un cœur pour le mariage du lendemain.

Poséidon l’avait remplie de fleurs flottantes, et leur parfum délicat remplissait l’air. Se mettant à genoux au bord de la piscine, Méduse repoussa certaines des fleurs de côté et chercha la breloque des yeux dans les eaux profondes.

Était-ce un éclat doré qu’elle venait de voir ? Oui ! La breloque était là, au fond du bassin. Elle plongea et alla la chercher. Puis, assise sur le bord, elle mit la breloque dans son poing fermé et inventa une rime qui pourrait fonctionner, du moins l’espérait-elle. C’était maintenant ou jamais.

Collier magique,

Manifeste-toi et apporte-moi

Un cadeau magique, digne d’un roi.

Un porte-éclairs, robuste et authentique.

Apporte-le-moi sans plus de cérémonie !

« De cérémonie » ? Ha ! Elle avait chipé le mot préféré du héraut de l’AMO ! Mais les minutes passaient, et il ne se passait rien. Son rêve de faire apparaître un merveilleux cadeau de mariage se brisait lentement en mille miettes. Tout comme elle l’avait fait avec le contenu de son babillard. Et si le collier magique ne fonctionnait pas pour fabriquer un cadeau, il ne la rendrait certainement pas immortelle.

Elle arracha la chaîne à son cou et jeta breloque et chaîne dans la piscine. Les regardant couler, elle sentit son cœur et ses espérances couler avec elles. De même que ses rêves, réalistes ou pas.