Le départ d’Ulysse
Toute la noblesse phéacienne était réunie au palais d’Alcinoos, le lendemain, pour rendre hommage à Ulysse. Le repas fut long, abondant et joyeux. Lorsqu’il se termina, Euryale, l’adversaire malheureux d’Ulysse dans la course de chars, demanda la parole :
— Je me suis conduit à ton égard d’une manière discourtoise, dit-il à Ulysse. Je te prie d’accepter mes excuses.
Il tendit à Ulysse une belle épée de bronze à poignée d’argent. Après lui, tous les convives, à tour de rôle, remirent à Ulysse un présent. Celui de Nausicaa était un miroir encadré d’ivoire sculpté.
— Décidément, lui dit Ulysse en souriant, tu penses toujours à ma toilette.
Tous les cadeaux furent rangés dans un grand coffre qu’Ulysse ferma lui-même, à l’aide d’un nœud secret que lui avait enseigné Circé. La nuit tombait lorsque Ulysse prit enfin congé de ses hôtes. Il s’embarqua à bord du navire où l’attendaient un pilote et cinquante-deux rameurs. Par un temps calme, sur une mer tranquille, le navire sortit du port. Sur le pont du bateau, des couvertures avaient été préparées pour Ulysse ; il s’y coucha.
Après vingt ans d’absence, il allait retrouver son pays ; à quoi pouvait-il songer, en cet instant solennel ? Revivait-il le souvenir de ses exploits, de ses aventures et de ses souffrances ? Ne s’interrogeait-il pas plutôt sur ce qui l’attendait à son arrivée à Ithaque, sur l’accueil que lui ferait sa femme, sur ce qu’était devenu son fils ? Eh bien, non, son esprit n’était occupé ni par le souvenir des épreuves passées ni par l’appréhension des épreuves à venir. Étendu sur le dos, bercé par le mouvement cadencé des rameurs, contemplant au-dessus de lui le ciel sombre où scintillaient les étoiles, Ulysse pensait à Nausicaa.