Chapitre 37

 

Elle est assise. Elle étend ses jambes devant elle.

C’est fini.

Il faut qu’elle se lève, qu’elle range ses affaires dans son sac, qu’elle enfile sa veste et quitte ce bureau. Qu’elle parvienne à sortir de l’immeuble et marcher jusqu’à la gare. Il faut qu’elle remette la lettre en mains propres à Patricia Lethu ou bien qu’elle s’arrête à la Poste pour l’envoyer en recommandé.

 

 

Pour l’instant elle ne bouge pas. Elle ne peut pas bouger. Son corps s’est absenté quelques secondes, déconnecté.

 

 

Quand Patricia Lethu est entrée dans le bureau, Mathilde lui a tendu la lettre, sans dire un mot. La DRH a ouvert l’enveloppe, elle a eu l’air bouleversé. Mathilde lui a demandé de signer sous la mention « remis en mains propres ».

Dans le silence de Patricia Lethu, Mathilde a pensé que la compassion n’avait lieu qu’au moment où l’on se reconnaissait dans l’autre, au moment où l’on prenait conscience que tout ce qui concernait l’autre pouvait nous arriver, exactement, avec la même violence, la même brutalité.

Dans cette conscience de ne pas être à l’abri, de pouvoir descendre aussi bas – et seulement là – la compassion pouvait survenir. La compassion n’était rien d’autre qu’une peur pour soi-même.

 

 

Au bout de quelques minutes, Patricia Lethu a signé là où Mathilde avait posé son doigt.

— Si demain ou plus tard, vous voulez revenir sur cette décision, je considérerai que je n’ai jamais eu cette lettre entre les mains.

— Mais vous l’avez eue, et vous venez de la signer.

— Vous êtes épuisée, Mathilde. Il faut vous reposer. Nous allons trouver une solution. Je lui parlerai. Attendez au moins que je lui aie parlé.

— J’ai besoin que vous teniez compte de cette lettre, que vous la considériez comme définitive et irrévocable.

— Si vous voulez. Nous en reparlerons. Vous êtes très pâle, je voudrais que vous preniez un taxi pour rentrer chez vous. Et que vous appeliez SOS Médecin ou les Urgences Médicales. Faites-vous arrêter quelques jours, une semaine, vous êtes à bout.

— Je vais prendre le train.

— Prenez un taxi et faites une fiche. Vous n’êtes pas en état de rentrer par les transports en commun.

— Je prendrai le train.

— D’accord. Mais promettez-moi d’appeler un médecin dès que vous arrivez chez vous. Mathilde, il faut vous arrêter. Promettez-moi. Vous n’allez pas tenir.

— J’appellerai un médecin.

 

 

Elles sont restées toutes les deux face à face dans le silence. Mathilde n’avait pas la force de se lever, il fallait attendre que son corps s’ajuste, qu’il trouve appui. Les bureaux étaient à moitié vides, le bruit alentour s’était amoindri.

 

 

Au bout de quelques minutes Mathilde a demandé :

 

— Est-ce qu’on est responsable de ce qui nous arrive ? Est-ce que ce qui nous arrive nous ressemble toujours ?

— Que voulez-vous dire ?

— Croyez-vous qu’on est victime de quelque chose comme ça parce qu’on est faible, parce qu’on le veut bien, parce que, même si cela paraît incompréhensible, on l’a choisi ? Croyez-vous que certaines personnes, sans le savoir, se désignent elles-mêmes comme des cibles ?

 

 

Patricia Lethu a réfléchi un moment avant de répondre.

— Je ne crois pas, non. Je crois que c’est votre capacité à résister qui vous désigne comme cible. Cela fait trente ans que je travaille en entreprise, Mathilde, et ce n’est pas la première fois que je suis confrontée à ce genre de situation. Vous n’êtes pas responsable de ce qui vous arrive.

— Je vais rentrer chez moi.

 

 

Patricia Lethu se lève, ses bracelets s’entrechoquent dans un bruit de clochette.

Au moment où elle passe la porte, elle répète :

— Appelez un médecin.

Les heures souterraines
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